2014-06-27 08:25:00

Benoît XV et la paix introuvable


(RV) Entretien – Le 3 septembre 1914, Giacomo della Chiesa était élu pape de l'Eglise universelle et prenait le nom de Benoît XV. Diplomate de formation, en fonction au sein de la Secrétairerie d’Etat et en Pologne, il a conscience de ce qui est en train de se jouer sur les champs de bataille du nord de la France et dans l’ouest de la Russie, comme son prédécesseur Pie X, avant lui.


A l’image de son prédécesseur, Pie X, il écrit une première exhortation apostolique, Ubi Primum, dès le 8 septembre 1914 pour appeler les belligérants à déposer les armes. Sans résultat. Pourtant, Benoît XV n’a pas ménagé ses efforts durant les quatre années suivantes pour appeler à la raison les gouvernements européens impliqués. 

Xavier Sartre revient sur son action avec Marcel Launay, professeur émérite à l’Université de Nantes, historien, et auteur de « Benoît XV, un pape pour la paix », publié aux éditions du Cerf  


« Le monde civilisé ne devra-t-il plus être qu’un champ de mort et l’Europe si glorieuse et si florissante va-t-elle donc, comme entrainée par une folie universelle, courir à l’abîme et prêter la main à son propre suicide ? » Benoît XV, exhortation apostolique, « Dès le début », 1° aout 1917. 

À peine élu au trône de Pierre, Benoît XV s’implique pour faire cesser la guerre. Pendant les quatre années du conflit, il multiplie les initiatives diplomatiques, comme nous le raconte Marcel Launay, historien de l’Église catholique. 


Cette diplomatie commence par deux temps. Tout d’abord et dans un premier temps, le Pape va essayer d’avertir les populations des périls qu’ils courent à propos de ce déclenchement de la guerre mondiale dans son encyclique Ad beatissimi du 1° novembre 1914 où il dénonce évidemment la guerre et les conséquences tout à fait néfastes qu’elle peut entraîner. Il tente, vers Noël 1914, d’imposer une trêve qui d’ailleurs ne sera pas suivie. 


Dans un deuxième temps, à partir de 1915, il entreprend des négociations plus ou moins secrètes, par exemple, par l’intermédiaire de ces nonces à l’étranger, avec en particulier, une crainte qui est celle de voir l’Italie entrer en guerre. Pour le problème italien, les choses se compliquent parce que nous sommes toujours dans le conflit à propos de la cité du Vatican et la reconnaissance de ce qui sera plus tard le futur État du Vatican. Or, l’Italie ne veut absolument pas entendre le fait que le Vatican soit associé de quelques façons à la paix. D’ailleurs en 1915, il y aura un traité qui est le traité de Londres dans lequel il est bien précisé qu’au congrès de la paix future, s’il existe, le Vatican sera absolument exclu. Donc, c’est un handicap sérieux pour l’action future. 


Alors, à partir de 1917, il y a à Munich, puis ensuite à Berlin, un nonce qui est le futur cardinal Pacelli et qui va essayer, dans la mesure du possible, d’obtenir des satisfactions de la part des Allemands et des Austro-Hongrois, d’autant plus que le Vatican craint que la famille Habsbourg s’effondrant, il y ait évidemment des problèmes en ce qui concerne tout ce contexte géopolitique. 
Finalement, ces négociations n’aboutissent pas et elles buttent sur la question de l’Alsace et la Lorraine et sur les terres irrédentes du royaume d’Italie. 
Le Pape va décider en août 1917 de rédiger et publier une note sur la paix dans laquelle il demande un désarmement réciproque. Il convie les alliés à essayer de s’entendre. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le Pape n’est pas entendu. D’un côté comme de l’autre, on lui reproche d’être trop partial alors que sa politique a toujours été l’impartialité totale du Saint-Siège. 

En effet, pour les Français, il est le Pape des Boches. Pour les Allemands, il est au contraire le Pape des Français. Le président des États-Unis, Wilson, n’a cure de ses appels. C’est un échec à chaque nouvelle tentative à cause des blocages des différents gouvernements. Ce qu’il vit très douloureusement, selon Marcel Launay. 
Les efforts du Vatican sont sérieux et il y a un relai par l’intermédiaire des différents nonces. On peut dire qu’il y a un système de blocage : blocage du côté de l’Italie, blocage du côté de la France. Il ne faut pas l’oublier, les relations diplomatiques ont été supprimées. Donc, il y a là aussi une difficulté qui paraît sur le moment, insurmontable. Malgré les efforts qu’il a faits pour essayer de faire comprendre, il semblerait, bien entendu, que le fait qu’il n’y ait pas de relations diplomatiques entre Paris et Rome ait joué évidemment dans un sens tout à fait négatif. Il faut indiquer tout de même qu’après la guerre, en 1921, il y aura une reprise de ces relations puisqu’après l’élection de la « Chambre bleu horizon », des négociations seront entreprises entre la France et Rome pour le rétablissement de ces relations. Mais en 1917 et 1920, il n’y a donc pas de relations. 

Principale puissance catholique dans ce conflit, l’Autriche-Hongrie. Malgré les bonnes relations qu’entretiennent Benoît XV et l’empereur Charles, à partir de 1916, les tentatives de l’un et de l’autre n’aboutissent pas non plus.
L’empereur Charles est d’abord quelqu’un de très catholique et la crainte du Saint-Siège, c’est que cet empire des Habsbourg s’effondre. Or, le Saint-Siège va buter sur deux obstacles. D’une part, la question de l’Italie et les territoires du Tyrol du Sud et du Trentin que les Autrichiens ne veulent pas céder. Et d’autre part, le fait qu’il y a une pression de la part de l’Allemagne sur son allié autrichien. Si bien que Charles I, malgré ses efforts et la correspondance le prouve, va se heurter contre le véto allemand. De ce point de vue là, il y a un échec.

L’activité diplomatique de Benoît XV semble un échec sur toute la ligne. Pourtant, rétrospectivement, le Saint-Siège a obtenu, grâce à la Première Guerre mondiale, une reconnaissance diplomatique sans précédant dans l’époque moderne, même si elle a tardé à se manifester. 
Le message du Pape Benoît XV n’est pas entendu. Lui, ce qu’il veut, c’est une paix chrétienne qui soit fondée sur des relations apaisées. Et d’ailleurs, un obstacle qu’il rencontrera en 1919, lorsqu’il y aura la Conférence de la Paix, c’est que le Vatican n’y sera pas représenté malgré ses efforts pour y siéger. Ce qu’il faut dire, c’est qu’à partir de ce moment-là, il y a la question de la naissance de la Société des Nations. Et au départ, il y a une certaine méfiance du Saint-Siège mais finalement, Benoît XV à la fin de son pontificat, insistera sur le fait qu’il y a là un élément important pour pouvoir justement jouer sur des relations apaisées. 
Et comme je le disais toute à l’heure, les relations diplomatiques avec la France, la signature de concordats avec pas mal d’autres pays amènent quand même à la fin du pontificat, une certaine reconnaissance du rôle international du Saint-Siège. 
Malgré les échecs qui sont évidents, il y a là quand même une avancée par rapport aux pontificats précédents. Je dirais que le Saint-Siège sort de sa phase d’isolement. Évidemment, les tempéraments des Papes sont différents. Le pontificat de Pie X est marqué par des préoccupations qui sont essentiellement spirituelles et qui concernent surtout l’Église catholique avec une moindre attention sur les relations internationales. Même si à la fin du pontificat de Pie X, la guerre est déclarée. Il semblerait bien que de ce point de vue là, le Saint-Siège n’ait pas cette audience que finalement, le pontificat de Benoît XV apportera mais tout à fait à la fin du pontificat. 








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