2014-08-01 15:48:00

Le cardinal Barbarin évoque la force et la joie des chrétiens d'Irak


(RV) Une délégation de l’Eglise de France vient d’effectuer une visite de quatre jours auprès des communautés chrétiennes d’Irak, touchées par la guerre qui frappe le pays. Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry, et Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, sont allés à la rencontre des chrétiens notamment à Qarakosh, Alqosh, Kirkouk et Erbil.

Parmi les centaines de personnes rencontrées, de nombreux réfugiés qui ont dû fuir Mossoul le mois dernier, suite à l’ultimatum des djihadistes de l’Etat islamique, qui voulaient expurger la deuxième ville irakienne de toute présence chrétienne.

Interrogé par Cyprien Viet, le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, dit son émotion d’avoir été accueilli avec tant de joie et de chaleur par des chrétiens qui, pour beaucoup d’entre eux, ont perdu tous leurs biens, mais ont gardé intacte leur fidélité au Christ.

Pas une seule trahison, pas un seul reniement. Quand on voit ce que Saint-Pierre a renié à Jésus au moment de la passion, eux, ils sont dans leur passion en disant « nous sommes chrétiens ». C’est quelque chose d’incroyable. Une deuxième merveille étonnante, c’est qu’aucun d’entre eux n’a été tué. Certes, ils ont été traités de manière très violente et expulsés de chez eux, de leurs magasins, de leur travail, de leurs entreprises et de leurs maisons. Ensuite, ils sont sortis, aidés par des voisins musulmans ou bien ils ont réussi à passer grâce à la ruse. Mais aucune vie n’a été supprimée. C’est quelque chose de beau dans cette ville où des quantités de musulmans ont été massacrées. Il y a eu énormément de morts musulmans à cause des conflits entre sunnites et chiites mais aucun sang chrétien n’a coulé.

 

Il y a quelque chose d’assez surprenant dans les images qu’on a pu voir de votre voyage. On a eu l’impression qu’il y avait une certaine joie, que les gens étaient joyeux, chaleureux. Est-ce que cette joie chrétienne peut nous interpeller, nous aussi, Français, sur notre tiédeur dans notre vie de foi ?

Cela vous est sûrement déjà arrivé : vous allez voir un malade à l’hôpital et vous êtes tout tremblant avant d’entrer dans la chambre en disant « Mon Dieu, il est en très mauvais état. Comment vais-je le trouver ? Qu’est-ce que je vais lui dire ? Pourvu que je ne commette pas d’impair ». Et vous en sortez fortifié par le malade. Vous avez bien meilleur moral en sortant qu’en rentrant parce que c’est lui qui vous a redonné votre propre force. On a vu cette force de la foi en eux. On a vu les larmes, on a entendu les récits, on a vu les gens profondément découragés et en même temps, hier, on a chanté dans la cathédrale de Kirkuk. On chantait avec les chorales de jeunes et leurs chants étaient magnifiques. On était heureux d’être avec eux. Moi, je leur ai promis de dire le « Notre Père » en chaldéen tous les jours, jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer dans Mossoul. Je l’ai récité devant eux, encore un peu balbutiant parce que je ne le connais pas encore pas cœur. Ils étaient contents. Il y avait une grande allégresse avec des applaudissements, de la joie et des chants parce qu’il y a eu une vraie rencontre. Je me suis lié d’amitié avec l’évêque de Kirkuk et le Patriarche de Bagdad, tout simplement parce que je les ai reçu lors d’un colloque qui s’est tenu à Lyon et ils ont passé trois-quatre jours chez moi. On a pu parler lors du petit-déjeuner par exemple. Quand ils ont souffert, je leur ai téléphoné. Tout d’un coup, je leur ai dit « Je viens. Si je viens, est-ce que c’est bien ? ». Ils m’ont dit que non seulement c’était bien mais qu’ils avaient également énormément besoin d’une visite. Je leur ai prévenu que ce ne serait rien de mondain, qu’il n’y aurait pas de rencontre officielle avec des ministres ou des ambassadeurs mais des rencontres avec les gens. On n’a fait que cela. Pendant quatre jours, on a rencontré 50 personnes dans une école, 100 ou 200 personnes dans une chapelle et  plus de 1000 personnes dans une cathédrale. Mais une, deux, trois ou quatre fois par jour, on a rencontré les gens dans les centres principaux à Alqosh, Kirkuk, Qarakosh et Erbil. On en a plein les oreilles et le cœur. Ça a été un contact magnifique.

 

Quel est le regard qu’il porte sur la France ? Vous êtes un évêque, vous représentez l’Église catholique mais aussi un évêque venu de France. Quel est le regard qu’ils portent sur la France et quelles sont leurs attentes ?

Ils avaient l’impression qu’ils étaient oubliés. Depuis des siècles et des siècles, ils sont persécutés et chassés. Le Patriarche m’expliquait que c’était vraiment dans l’histoire de leurs familles et que son papa avait vécu trois exils dans sa vie. En fait, ils étaient contents qu’on soit là. Je me suis dit que c’était comme dans la parabole du Bon Samaritain. On sait qu’il y a une souffrance, il ne faut pas passer en disant « oh les pauvres ! ». Il faut s’arrêter, se pencher, aller dans le caniveau et écouter. Par exemple, hier, à Kirkuk, on m’a fait pencher sur un enfant qui était malade. On est allé voir les endroits où il logeait : « ici, on loge à 24 dans cette pièce». On a vu d’autres personnes qui étaient hébergés dans des familles, un peu partout, avec une très grande attention de tout le monde. Je montrais sur mon portable, les photos qu’on m’avait envoyé par sms des manifestations devant la cathédrale Saint-Jean à Lyon, devant Notre-Dame de Paris pour les chrétiens d’Irak. Et quand ils voyaient que les Français avaient des affiches. « Moi aussi je suis un « N », un chrétien », c’était pour eux  un titre de fierté. Ils étaient très contents. Moi je portais cet insigne sur ma propre chemise. Ils ont vu qu’on était vraiment avec eux. Hier, l’évêque de Kirkuk a dit dans sa cathédrale « Avant, nous étions sans joie et maintenant, notre voix est entendue ». C’est la plus grande joie de ce voyage. Hier soir, quand on rentrait sur Erbil, le Patriarche m’a dit que de jour en jour, ils ont vu leur moral remonté. Ils ont vu qu’on était une délégation de l’Église de France et ils ont compris qu’en France, les gens se mobilisaient beaucoup pour eux. Ça les a beaucoup touchés. Ce n’est pas d’argent qu’ils ont besoin. Ils ont besoin d’amitié, de chaleur fraternelle, de proximité humaine. C’est surtout cela dont ils avaient besoin.

 

Chez vos diocésains de Lyon, est-ce que vous sentez une prise de conscience et une volonté de mettre en œuvre une chaine de solidarité, de fraternité pour leur venir en aide ?

Oui, tout à fait. Dès que mon voyage a été annoncé, il y a des quantités de dons qui sont arrivés. Les gens disent « Pour les chrétiens d’Irak ». Je suis sûr qu’il y a encore des sous qui arrivent et ça ira pour les réfugiés de Mossoul. La situation de l’évêque de Mossoul est touchante. C’est un évêque et il n’a même pas le droit d’être dans sa ville. C’est un évêque exilé ainsi que tous ces chrétiens. Il y a entre 8.000 et 10.000 chrétiens qui ont été expulsé de Mossoul et qui sont maintenant accueillis dans des quantités d’endroits. Il y a 30 familles par ici, 25 familles par là.

L’évêque y va et les visite. Hier soir je l’ai vu et je lui ai donné l’argent des chrétiens de France, donné par l’œuvre d’Orient et  par le  diocèse de Lyon qui se jumelle avec eux. Ils nous diront dans les prochains mois ce qu’ils en auront fait. Petit à petit, il nous exprimera aussi les besoins. Moi, je leur ai promis de dire tous les jours le Notre Père en chaldéen, dans leur langue liturgique. J’espère que je vais finir par le savoir par cœur à force de le répéter, jusqu’à ce qu’ils puissent revenir à Mossoul. Mais en français ou en chaldéen, c’est toujours le « Notre Père ». Les gens peuvent très bien s’associer à cela et dire un Notre Père pour tous les chrétiens d’Irak, pour que la volonté du Dieu se fasse et qu’ils puissent revenir dans leur ville, leurs maisons, à leur place, dans leur église. C’est une toute petite minorité qui n’a rien avoir avec les trois gros blocs de ce pays qui sont les sunnites, les chiites et les kurdes. Elle est présente dans ces trois milieux très opposés entre eux et partout, elle fait œuvre de paix. Ce sont des artisans de paix. Il y a quelque chose de très touchant dans la présence des chrétiens. 

 








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