2014-08-18 19:30:00

Irak, Terre Sainte, Corée : Le Pape se confie à la presse


Dans son avion de retour de Corée du Sud, le Pape François a répondu aux questions des journalistes comme il l’avait promis à l’aller, évoquant des questions directement liées à son voyage, mais aussi les grands sujets internationaux ou d’autres questions touchant à son style d’exercice de la papauté.

Irak : « il est licite d'arrêter l'agresseur »

Le Pape François a précisé la position du Saint-Siège sur l'intervention en Irak. « Je peux dire qu’il est licite d’arrêter l’agresseur. Je souligne le verbe : arrêter, je ne dis pas bombarder. Nous devons avoir de la mémoire, n’est-ce pas ? Tant de fois sous cette excuse les puissances se sont emparées des peuples et ont fait une vraie guerre de conquête ! », s’est exclamé le Pape, dans une allusion implicite notamment à l’intervention américaine de 2003 en Irak, à laquelle le Pape Jean-Paul II s’était opposé avec fermeté. « Une seule nation ne peut pas décider comment arrêter cela », a rappelé le Pape en insistant sur l’importance du rôle des Nations Unies pour décider d’une réponse collective pour arrêter « l’agresseur injuste ».

Il a aussi insisté sur l’urgence d’une aide à apporter à toutes les personnes en situation d’exode en Irak, et pas seulement les chrétiens. « On me parle des chrétiens, pauvres chrétiens, c’est vrai, il y a tant de martyrs. Mais il y a des hommes et des femmes, des minorités religieuses, pas toutes chrétiennes, et toutes sont égales. »

Il n’a pas démenti le projet d’une visite apostolique en Irak, bien qu’elle pose d’évidents problèmes logistiques et diplomatiques. « Nous avons dit, si c’est nécessaire, quand nous revenons de Corée, nous pouvons aller là. C’est une des possibilités. En ce moment ce n’est pas la meilleure chose à faire, mais je suis disposé à cela. »

 

« La prière pour la Terre Sainte n'a pas été un échec »

Interpellé sur la prière du 8 juin qui avait réuni le président israélien Shimon Peres et le président palestinien Mahmoud Abbas au Vatican, suivie à peine un mois plus tard d'une guerre dans la Bande de Gaza, François a répondu que « cette prière pour la paix n’a absolument pas été un échec. Premièrement, l’initiative n’est pas venue de moi, l’initiative de prier ensemble est venue des deux présidents d’Israël et de Palestine. Après cela, est arrivé ce qui est arrivé. Mais ceci est conjoncturel. Cette rencontre n’était pas conjoncturelle. C’est une dimension fondamentale de l’attitude humaine, la prière. Maintenant la fumée des bombes, de la guerre ne laisse pas voir la porte, mais la porte reste ouverte. Et je crois en Dieu, je crois que le Seigneur regarde cette porte et tous ceux qui prient et demandent qu’Il nous aide. »

 

« La torture est un péché mortel » 

À l’évocation de sa rencontre avec les femmes de réconfort, ces femmes coréennes contraintes de se prostituer par les occupants japonais durant la Seconde guerre mondiale, François est revenu sur les actes de cruauté rapportés dans les conflits contemporains. « Nous devons nous arrêter et penser un peu au niveau de cruauté auquel nous sommes arrivés. Le niveau de cruauté de l’humanité en ce moment, est un peu effrayant », s’est attristé François, qui s’est aussi élevé contre la pratique de la torture. « Aujourd’hui la torture est un des moyens quasiment, je dirais, "ordinaires" dans les comportements des services secrets, des processus judiciaires. Mais la torture est un péché contre l’humanité, et aux catholiques je dis : torturer une personne est un péché mortel, un péché grave ! »

 

« J'aime le peuple chinois »

Concernant les relations du Saint-Siège avec la République populaire de Chine, François a appelé à relire la lettre envoyée aux Chinois par le Pape Benoît XVI en 2007. « Cette lettre aujourd’hui est actuelle, fondamentale, ça fait du bien de la lire. »

Sur la question des relations diplomatiques, « Le Saint-Siège est ouvert aux contacts. Toujours parce que j’ai une véritable estime pour le peuple chinois. » Il a dit vouloir se rendre en Chine, dès « demain » si c'était possible. Le Pape a aussi fait allusion au jésuite italien Matteo Ricci, une figure du XVIe siècle qui fait consensus, estimée par les autorités de la République populaire de Chine en raison de sa profonde connaissance et de son respect de la culture chinoise.

 

Le point sur ses prochains voyages

Le Pape a précisé le sens de son prochain voyage, en Albanie, le 21 septembre prochain, avec une première raison liée à l’actualité : « Je vais en Albanie parce qu’ils ont réussi à faire un gouvernement d’unité nationale avec les musulmans, les orthodoxes et les catholiques, avec un conseil interreligieux qui aide beaucoup et est équilibré. La présence du Pape est pour dire à tous les peuples : mais si, nous pouvons travailler ensemble ! » L’autre raison avancée par François, plus connue, se situe sur le plan historique : « cela a été sur le plan religieux l’unique pays communiste qui dans sa constitution avait mis en place l’athéisme pratique. Il y a eu 1820 églises détruites ! J’ai donc senti que je devais y aller. »

Il a par ailleurs confirmé son intention de se rendre aux États-Unis en septembre 2015, pour la rencontre mondiale des familles à Philadephie, ainsi qu’à Washington à l’invitation du président Barack Obama pour une intervention devant le Congrès, et à New York pour une visite au siège de l’ONU, à l’invitation du secrétaire général Ban Ki-Moon. Il n’exclut pas non plus une étape au Mexique, au sanctuaire de Guadalupe.

Enfin, François affirme avoir reçu « une pluie d’invitations pour venir en Espagne », venant du roi comme de l’épiscopat. Des visites à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Avila sont envisagées, mais « rien n’est décidé pour l’instant ». L’année 2015 marquera le cinquième centenaire de la naissance de Sainte Thérèse d’Avila. En 1982, c’est à l’occasion du quatrième centenaire de son décès que Jean-Paul II avait effectué sa première tournée en Espagne.

 

Une relation fraternelle avec Benoît XVI

François s’est montré particulièrement attaché à son prédecesseur, qu’il rencontre fréquemment sans que cela ne donne désormais lieu à une communication particulière. « Avec Benoit XVI, nous nous voyons. Je suis allé le voir juste avant de partir en Corée. Il m’avait envoyé deux semaines avant un texte intéressant, il me demandait mon opinion. Notre rapport est de frères, vraiment. C’est un homme avec une sagesse, des nuances, ça me fait du bien de l’écouter, et aussi il m’encourage. »

François est revenu sur la question de sa démission en février 2013, en précisant qu’il suivrait probablement son exemple :  « peut-être que ça ne plait pas à certains théologiens, mais je ne pense pas que le Pape émérite soit une exception. Il y a 70 ans, les évêques émérites n’existaient pas aujourd’hui ils sont une institution, je pense que le Pape émérite est déjà une institution. Moi je ferai la même chose, il a ouvert une porte qui est institutionnelle, qui n’est pas exceptionnelle. »

 

Pas de vacances estivales pour le Pape

Le Pape François, c’est désormais entré dans les mœurs au Vatican, ne prend pas de vacances. « La dernière fois que je suis parti en vacances en-dehors de Buenos Aires, avec la communauté jésuite, c’était en 1975, a-t-il avoué, tout en affirmant avoir pu prendre un rythme plus calme cet été. Je change de rythme, je dors un peu plus, je lis les choses qui me plaisent, j’écoute de la musique, je prie plus. En juillet et une partie du mois d’août j’ai fait cela, et ça va bien ! J’ai lu un livre, intéressant. Le titre : "Rejouis-toi d’être névrosé". J’ai quelques névroses, l’un d’elles est que je suis trop attaché à la maison…», a-t-il affirmé avec humour.

 

Une popularité prise avec humilité

Interrogé sur sa popularité à l’échelle mondiale, qui ne se dément pas après un an et demi de pontificat, François répond : « Je vis ma popularité en remerciant le Seigneur que son peuple soit heureux ! Intérieurement, je cherche à penser à mes péchés et à mes erreurs pour ne pas m’y croire, parce que je sais que cela durera peu de temps, peut-être deux ou trois ans, et ensuite, à la maison du Père. » Le Pape a redit son pressentiment d’un pontificat court, tout en avouant  « ce n’est pas sage d'avoir dit cela ! ».

 

Une encyclique sur l'écologie toujours en préparation

L’encyclique sur la protection de l’environnement, évoquée déjà en janvier dernier par le président français François Hollande, est toujours en cours de préparation, en liaison notamment avec le cardinal Peter Turkson, président du Conseil pontifical Juste et Paix. Mais face aux incertitudes scientifiques, François se montre prudent et affirme « sa volonté d’aller à l’essentiel sur ce qui peut être affirmé avec sécurité ».

 

Espoir d'une béatification de Mgr Romero

François a redit son espoir d’un béatification prochaine de Mgr Oscar Romero, l’archevêque de San Salvador assassiné par les escadrons de la mort en 1980 dans sa cathédrale. « Le procès de Mgr Romero était bloqué à la Congrégation pour la doctrine de la foi, par prudence. Maintenant c’est débloqué. Il a été transmis à la Congrégation pour les Saints. Et il suit la voie normale d’un procès. C’est très important d’aller vite, parce que moi, ce que je voudrai, c’est que ça s’éclaircisse. »  Le Pape a redit l’importance d'une identification précise du martyre "in odium fidei", en "haine de la foi", qui différencie le martyre chrétien au sens propre, par rapport à des faits de guerre ou des crimes de droit commun qui ne permettraient pas, canoniquement, l’accès à la sainteté.

« Il y en a d’autres qui ont été tués mais qui n’ont pas la stature de Romero. Pour moi Romero est un homme de Dieu, le procès doit avancer, et aussi le Seigneur doit donner un signe... S’Il le veut, Il le fera. » a insisté François.

 

Une réunification toujours espérée entre les deux Corées

En conclusion de ce voyage chargé en symboles, le Pape François a redit sa conviction d’une réunification possible entre les deux Corées.  « Je prie pour que la division s’arrête. Si les deux Corées parlent la même langue, c’est qu’elles ont la même mère, et ceci nous donne de l’espérance » a répété le Pape. « Aujourd’hui dans la cathédrale, il y avait une couronne d’épines du Christ faite avec le fil de fer qui divise les deux parties de la Corée. Je l’ai dans l’avion, c’est un cadeau que je porte, la souffrance de la division, d’une famille divisée. »  

 

 

 








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