2014-09-10 17:35:00

Le combat continue pour le prêtre qui accueille des demandeurs d'asile


(RV) Témoignage - En France, le prêtre poursuivi pour avoir hébergé des demandeurs d’asile a été relaxé mercredi. La justice reprochait à Gérard Riffard, 70 ans, de les accueillir depuis des années dans la salle paroissiale de son église à Saint-Étienne, dans le sud-est de la France. Une salle qui selon la municipalité ne respecte pas toutes les normes de sécurité pour y loger des personnes. En juin dernier, le procureur avait requis près de 12 000 euros d’amende contre ce prêtre du quartier Montreynaud. 

Nous l’avons joint par téléphone juste après le jugement du tribunal. Très heureux de cette décision, il se prépare néanmoins à un nouveau combat, le parquet ayant fait appel.

Le père Gérard Riffard interrogé par Audrey Radondy 

Depuis le début de cette affaire, le père Gèrard Riffard a reçu beaucoup de témoignages de soutien. L’un des premiers a été celui de Mgr Dominique Lebrun, l’évêque de Saint-Étienne. Ce dernier s’est d’ailleurs réjoui de cette décision de justice, dans un communiqué publié mercredi sur le site du diocèseMgr Dominique Lebrun a par ailleurs exprimé le souhait que « notre société s’appuie davantage sur la parole de Dieu : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », socle de notre vivre ensemble, et ne poursuive pas ceux qui s’y emploient avec générosité. 

Comment avez-vous réagi à l'annonce du jugement ?

C’était un sentiment de satisfaction et de soulagement parce que l’accueil d’urgence qu’on vivait a finalement été reconnu comme n’étant pas contraire à la loi. Le président a dit que l’État ne pouvait pas demander de condamner quelqu’un qui faisait le travail que lui, l'État, devait faire et qu’il ne faisait pas. C’était la reconnaissance de notre travail et du bien-fondé de notre travail.

Et depuis que cette affaire a été portée devant la justice, comment s’est passé l’accueil des demandeurs d’asile ?

Ça a continué normalement, c’est-à-dire qu’il y en a quelques uns qui ont été hébergés et qui nous ont quittés et il y en a d’autres qui sont arrivés et qu’il a fallu accueillir. La situation n’est pas pour autant réglée mais il semble que le procureur ne soit pas du tout satisfait du jugement et veut donc un nouveau procès. Ma foi, on va y aller !

Par rapport à cet accueil, est-ce que vous pouvez revenir sur votre décision d’agir là où l’État n’agit pas ?

Comme association, on est en contact avec des demandeurs d’asile pour essayer de les accueillir, d’organiser une solidarité et pour les accompagner dans leur demande d’asile et dans leurs démarches administratives. Et puis, comme association liée à l’Église, on est aussi là pour les aider à garder une foi qui les tient debout dans l’épreuve. Et quand ces personnes souffrent et viennent nous demander de les aider, je ne vois pas comment on peut faire pour se défiler. Donc, dans la mesure où on peut les accueillir ou leur permettre de dormir avec au moins un toit sur la tête, on le fait tout simplement !

Parce que justement, si vous ne les accueillez pas...

Ils sont à la rue. Et dans la rue, on ne vit pas. On n’y vit pas avec des enfants. Du fait qu’ils soient ici, les enfants peuvent être scolarisés. Je me dis que c’est important qu’ils aient un endroit pour poser leurs affaires, même si ce n’est pas tout à fait conforme aux règles de sécurité des structures d’hébergement. Mais nous, nous sommes une église et nous ne sommes pas une structure d’hébergement. On fait de la mise à l’abri en urgence.

Et justement, vous avez demandé des aides de la part de l’État ?

Nous n’avons aucune aide ni de l’État, ni de la municipalité et nous n’aurons jamais aucune aide parce que ce n’est pas quelque chose de porteur. La ville va nous dire que le problème des demandeurs d’asile, c’est le problème de l’État et non le leur. Et du côté de la préfecture, ils vont nous dire qu’ils dépensent assez comme cela et qu’ils ne vont pas nous aider alors qu’ils nous accusent de faire un appel d’air, c’est-à-dire qu’en accueillant les gens, on les encourage à venir à Saint-Étienne.

Ces personnes que vous aidez, dans quelle situation sont-elles quand elles arrivent et d’où viennent-elles ?

On accueille essentiellement des gens qui arrivent d’Afrique, du Congo et de l’Angola. Ces jours-ci, on a eu des arrivées de l’Angola, du Mali et de la Guinée. Les personnes, quand elles arrivent chez nous, elles arrivent pour demander la protection, l’asile politique. La première question qu’elles nous posent c’est « Où vais-je dormir ce soir ? » parce que quand on arrive dans un pays inconnu après avoir vécu des épreuves très lourdes, on est en insécurité totale. Alors dans la mesure où on peut leur trouver une petite place, même pas très confortable pour qu’ils soient au chaud, on le fait !

Comment ont-ils réagi quand ils ont appris que vous étiez devant la justice ?

Ils étaient inquiets ; pour moi et pour eux.

Et vous, personnellement, comment avez-vous vécu le fait d’aller devant la justice ?

C’est quelque chose que je pensais pouvoir éviter. Je ne pensais pas qu’on en arriverait là. Maintenant, aller devant la justice, ce n’est pas déshonorant. On pose des questions, on peut se présenter et y répondre. Et après, c’est au juge de décider si l’on fait bien ou si l’on fait mal. Là, il a pensé qu’on faisait bien.

Donc, pour vous, c’est quand même une première victoire, même s’il y a cet appel du parquet ?

Je dirais d’abord qu’on n’est pas les seuls à agir pour accueillir et aider ces personnes qui arrivent chez nous. Dans tout un tas de villes et de départements en France et tout un tas d’autres pays, il y a aussi dess associations, des hommes, des femmes qui se mobilisent pour que cette humanité souffrante soit respectée et accueillie. Mon appel, c’est que chacun, au nom de sa foi ou au nom de ses convictions humaines, pour ceux qui n’ont pas la foi, soit attentif aux personnes qui arrivent et qui souffrent et soit quelque peu capable d’ouvrir la porte de leur maison et la porte de leur cœur.

 

 








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