2014-09-16 17:00:00

Un détenu sera euthanasié en Belgique


Un détenu belge va bientôt être euthanasié. Frank Van Den Bleeken est en prison depuis 30 ans après avoir été condamné pour des viols et un meurtre. Il affirme subir « des souffrances psychiques insupportables ». Ce détenu avait demandé soit à être transféré dans un centre spécialisé aux Pays-Bas, soit à être euthanasié. La justice belge a estimé qu’elle ne pouvait pas autoriser le transfert. Frank Van Den Bleeken a depuis reçu l’aval des médecins, et après avoir passé deux jours dans un hôpital pour dire au revoir à sa famille, il sera euthanasié, comme la loi belge l’autorise depuis 2002.

Cette affaire relance le débat de l’accès aux soins des malades mentaux en prison, qui sont isolés dans des annexes psychiatriques. Juliette Moreau est la présidente de la section belge de l’Observatoire international des prisons. Pour elle cette histoire est choquante, mais elle illustre bien la réalité des prisons belges.

Des propos recueillis par Christelle Pire

 

C’est choquant de lire que quelqu’un va jusqu’à ce point demander à mourir, simplement parce qu’il ne voit pas d’autres solutions puisque que nous n’avons pas de soins adaptés à sa situation offerte par le Ministère de la justice. Donc, un choc mais en même temps, c’est la réalité. La Belgique a déjà été condamnée à de nombreuses reprises en droit interne, donc par les juridictions belges mais également par la Cour Européenne des Droits de l’Homme depuis vraiment longtemps, des dizaines d’années dans le cadre de l’internement des malades mentaux. En 2013-2014, il y a eu plusieurs condamnations de la Belgique pour ses annexes psychiatriques.

Quelles sont les conditions des détenus psychiatriques dans les prisons belges ? Est-ce que c’est un problème d’accès aux soins, un problème de prise en charge ?

Le principal problème est qu’on place ces personnes qui sont malades mentales dans des prisons. Or, les prisons, à tout le moins en Belgique, ne sont pas des endroits adaptés à des personnes qui sont malades. Les annexes psychiatriques sont une aile particulière qui est rattachée à des prisons. La majorité de nos annexes psychiatriques sont situées dans des prisons qui sont très anciennes et qui sont insalubres. Il y a vraiment un surpeuplement important dans ces prisons. Les détenus internés sont à plusieurs dans une même cellule. Ils ont des troubles mentaux totalement différents qui viennent se télescoper pour aggraver leur trouble mental en question. Donc, ces personnes doivent être là en attente qu’une commission de défense sociale vienne indiquer s’ils peuvent être insérés et si oui, vers quel établissement plus adapté. Maintenant, certaines personnes sont parfois transférées vers des hôpitaux psychiatriques dignes de ce nom mais les places pour les personnes détenues à interner dans les hôpitaux psychiatriques sont beaucoup trop réduites par rapport au nombre d’internés qu’on a en Belgique.

Vous parlez des détenus psychiatriques qui sont « parqués » dans des annexes psychiatriques. Quelles sont les conséquences physiques et mentales pour ces personnes ?

Ils sont réellement parqués. Donc c’est vraiment un état d’attente dans des cellules surpeuplées. Ils sont gardés par des agents pénitentiaires qui sont censés avoir une légère formation particulière, différente des autres agents mais qui ne l’ont pas toujours ou en tout cas, à temps. Il y a vraiment très peu de soins. Il y a un manque de psychiatres, de travail parallèle, de psychologues, un manque au niveau de l’hygiène, du suivi, de contact avec la famille. Ces personnes peuvent parfois-et ça a déjà été le cas plusieurs fois- devenir violentes. Toutes les pathologies sont mélangées alors qu’on sait aussi que mettre dans une même cellule un schizophrène et une personne qui est débile mentale, ce n’est vraiment pas la bonne solution, ni pour l’un, ni pour l’autre !

Est-ce que les détenus psychiatriques sont mieux traités dans d’autres pays que la Belgique ou c’est à peu près la même situation partout ?

Ce que je peux vraiment vous dire, c’est qu’il y a beaucoup de condamnations par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en Belgique, beaucoup plus que dans d’autres pays. C’est d’ailleurs la raison qui a fait qu’ il y a eu plusieurs projets de loi qui ont été étudiés ainsi que des propositions de lois et qu’une nouvelle loi vient d’être publiée. Cette nouvelle loi est censée mettre beaucoup plus l’accent sur le soin que sur la sécurité, tout en gardant à l’esprit le problème sécuritaire. Maintenant, ce qu’on déplore à l’Observateur International des Prisons, c’est que les annexes psychiatriques en elles-mêmes n’ont pas été supprimées. Or, ce qu’on pense c’est que tant que ces annexes psychiatriques seront toujours en état, on continuera à parquer des gens et qu’à cet endroit-là, les soins ne seront jamais clairement adaptés à l’état mental des personnes puisque c’est entre les murs d’une prison. Ce que nous souhaitons, c’est que dès que des personnes sont arrêtées, elles soient directement transférées vers un établissement adapté à leur état de santé.

 

 








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