2014-09-18 16:01:00

Le passé douloureux des catholiques albanais


Le Pape se rend à Tirana ce dimanche, la capitale de l’Albanie. Deux raisons invoquées pour ce voyage : la promotion du modèle albanais de cohabitation pacifique entre l’Islam et les Eglises chrétiennes ; et l’hommage aux martyrs catholiques de la dictature communiste. Pendant près de 50 ans, les différentes confessions ont été réduites au silence sous le régime d'Enver Hoxha. La communauté catholique a payé un lourd tribut avec des centaines de prêtres, sœurs et laïcs persécutés, torturés et tués au nom de leur foi.

Une grande partie de ces martyrs vient de Shkodar, la principale ville au Nord de l’Albanie, à quelques kilomètres de la frontière avec le Montenegro. Jean-Baptiste Cocagne s’est rendu dans cette ville symbole de la souffrance endurée sous la dictature.

Le Pape François ne se rendra pas à Shkodar ce dimanche, comme l’avait fait Jean-Paul II en 1993, mais la ville attend beaucoup de cette visite. En témoignent les nombreuses affiches souhaitant la bienvenue au Pape argentin au pays des aigles. A Shkodar, on attend surtout l’annonce par François de la canonisation des 40 martyrs albanais. Les traces de la persécution communiste sont encore visibles en plein centre ville, notamment au couvent tenu aujourd’hui par les Clarisses.

Suor Sonia le raconte :

« Les chambres du couvent sont devenues le siège de la police secrète, leurs bureaux. Et les réserves à côté du couvent ont été transformées en lieux de mort, elles sont devenues de cellules de détention, des chambres d’interrogatoire et de torture. Aujourd’hui, après la rénovation, c’est le lieu de la mémoire et un lieu de témoignage. Ici, les pierres parlent, le sang de nos frères a coulé dans ces couloirs. » 

Le sanctuaire annexe au couvent des Clarisses est ouvert au public désormais : on peut visiter la vingtaine de petites cellules baignées dans l'obscurité, la cour de torture en plein air. Sur les murs, des inscriptions témoignent de la persécution de toutes les religions : des églises sont dessinées à côté des mosquées. Suor Sonia :  

« Pendant 50 ans de persécution, il y a eu comme un "œcuménisme de la souffrance" je dirais. Car dans ces cellules se sont rencontrés et ont partagé ensemble une expérience de dure souffrance, autant de certains de nos frères musulmans que nos frères et prêtres catholiques. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’écouter des musulmans, ceux âgés qui ont vécu des moments de persécution, nous dire : "Nous avons souffert comme Jésus-Christ" ».

A quelques centaines de mètres de cette ancienne prison, vivent les Sœurs Stigmatines. Témoins de la répression, cinq religieuses de plus de 85 ans habitent encore le couvent, qu’elles ont pu retrouver à la chute du régime, en 1991. Sœur Pina se souvient de ce moment : 

« J’ai pleuré de joie parce que je suis née à nouveau. C’était vraiment une renaissance. Spirituelle mais aussi matérielle. Ce couvent, ils l’avaient complètement détruit. Ils l’avaient brûlé, on n’a rien retrouvé ici. Maintenant, je ne peux même pas imaginer que je suis encore ici car nous avons dû subir tant de mauvaises choses. Imaginez quel niveau le terrorisme a atteint ici : tous les prêtres ont été testés par le régime communiste. Mais ceux que nous avons connus, même les jeunes, ils les ont tués. C’était ça le communisme. »

Les victimes du régime se comptent par centaines, même si leur nombre précis n’a pas encore fait l’objet de recherches. Le groupe des 40 martyrs albanais est donc seulement représentatif d’une partie des persécutions. Le père Mario Imperatori, directeur de l’institut philosophique et théologique du séminaire de Shkodar, regrette « qu'il n'y ait pas de laïcs dans ce groupe. Des hommes mais aussi des femmes car ce sont elles qui apportaient la nourriture aux prêtres emprisonnés. Cette souffrance est souvent oubliée. »

Dans le groupe de martyrs albanais figure une seule femme : Maria Tuci, morte à l’âge de 22 ans après 4 années passées en prison. Elle était postulante chez les Sœurs Stigmatines.

 

> Le reportage photo à Shkodar de notre envoyé en Albanie à retrouver sur notre page Facebook en cliquant ici.








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