2014-09-20 17:08:00

Les jeunes Albanais à la rencontre du Pape


(RV) Entretien - Le Pape François passe la journée de dimanche à Tirana, la capitale albanaise. Il s’agit de son premier voyage apostolique en Europe, hors d’Italie. Le Saint-Père entend confirmer dans la foi l’Église en Albanie et témoigner de son encouragement pour un pays qui a longtemps souffert des conséquences des idéologies du passé.

La route menant de l’aéroport Mère Teresa au centre de Tirana, est pavoisée de drapeaux albanais et du Vatican. Des fleurs décorent l’itinéraire du Pape, dont les portraits géants ornent les grands boulevards de la capitale, à côté de ceux des 40 martyrs catholiques de la dictature albanaise.

En Albanie, les communautés catholique, orthodoxe et musulmane cohabitent sans heurts. C’est l’une des raisons invoquées par le Pape François pour expliquer ce déplacement d’une seule journée qui sera donc axé sur la mémoire des persécutés et sur la concorde interreligieuse actuelle, un message pour le reste du monde.

Un voyage bref mais intense

Le Souverain Pontife rencontrera à l’université catholique de Tirana les dirigeants de six groupes religieux albanais. Il célèbrera la messe dominicale en plein air sur la place qui porte le nom de Mère Teresa et achèvera sa journée par une rencontre avec des orphelins et handicapés et des responsables des organisations caritatives avant de regagner Rome dans la soirée.

Cette visite du pape François a lieu plus de 20 ans après celle de Jean-Paul II, en 1993, alors que le pays était à peine sorti du communisme. Notre envoyé sur place Mario Galgano a rencontré Oliana Sula, professeur à l'université de Durrës. Elle est bektashi, c’est-à-dire membre d’une communauté musulmane chiite soufie. Elle évoque les attentes des jeunes Albanais et des non-catholiques :

 

A travers l’Albanie, un grand message va être transmis au monde. On est là pour faire voir au monde qu’on est trois millions et demi. Il y a eu beaucoup de problèmes ethniques dans les Balkans, mais la tolérance religieuse a toujours été l’essence de notre nation. Et ça je pense que l’on peut en être fiers. On est le carrefour de la Méditerranée, de l’Europe, mais aussi  le carrefour des religions. A chaque fois qu’ il y a des célébrations religieuses, comme à Pâques, les représentants de toutes les communautés religieuses sont là. Chez nous c’est tout à fait normal que tous soient là.

En Albanie, mais moins qu’en Turquie, les Alévis sont traités comme des athées, comme des personnes qui n’ont pas de religion, et je crois qu’on est aussi là pour montrer qu’on croit dans le même Dieu, et qu’on attend une autre personne qui croit dans le même Dieu et qui a sa propre religion. Il s’agit de respecter l’autre, et je pense que tout le monde est vraiment content de cette visite.

En Albanie, comment les jeunes vivent-ils la religion ?

Nos parents n’ont pas de culture religieuse. Quand je parle de religion chez moi, dans ma maison, parfois ils ne me comprennent pas. C’est moi qui ai appris ce qu’il faut faire et ce qu’il faut pas faire dans ma religion. Peut-être que ma grand-mère comprenait davantage, mais mes parents ont été éduqués d’une façon très communiste, et ils ont du mal à comprendre même notre religion. Avant, c’était un sacrilège de voir quelqu’un avec un voile en Albanie. Même les personnes musulmanes les percevaient comme quelqu’un ne devant pas faire partie de la société. Les prêtres aussi, mais surtout les personnes voilées n’étaient pas très bien vues, comme avant en Turquie.

Les jeunes en Albanie, manquent eux aussi un peu de culture religieuse. Je vois beaucoup de personnes qui croient, mais qui ne s’identifient pas à leur religion. Par exemple, je connais  des personnes albanaises musulmanes qui vont au pèlerinage à l’église de Saint-Antoine chaque année. Ils croient en Dieu, ils croient que Dieu existe et qu’il n’a pas été supprimé pendant le communisme, mais ils ne s’identifient pas forcément à leur religion ; parfois quand je parle même avec mes amis, ils me disent : « ah oui, c’est vrai que ça existe ça? »

Attendez-vous un message concernant le dialogue inter-religieux de la part du Pape ?

La visite du Pape a comme but principal de montrer au monde que ce dialogue existe ici, et qu’il peut exister dans le reste du monde. Même si c’est un peu utopique ; je ne vois pas comment ça va exister en Afghanistan, en Irak ou à Gaza…

Ici, les mariages inter-religieux existent, c’est très commun. Parfois, on me demande comment ça se fait que mes parents soient de la même religion, car ce n’est pas trop normal ici. Le Pape est venu ici précisément pour ça. Aussi parce qu’ici on a lutté pour Dieu, musulmans et catholiques. Voyez les photos, les martyrs, dont beaucoup de poètes d’ailleurs, les prêtres étaient poètes, ils ont lutté pour les religions... Il y a eu beaucoup de martyrs musulmans aussi, des personnes qui essayaient de jeûner ou de prier, et ils ont été tués par le régime ou même déplacés. 








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