2014-10-01 16:10:00

Le sentiment de Mgr Wintzer sur la série "Ainsi soient-ils"


(RV) A l’occasion de la diffusion sur la chaine franco-allemande de la série télévisée française « Ainsi soient-ils », qui raconte l’histoire de cinq jeunes hommes qui entrent au séminaire à Paris de nos jours, Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, a décidé de livrer son sentiment au site Catholiques en Poitou sur cette fiction française. Nous vous livrons son message :

« Après deux ans, ARTE nous ramène dans les murs du séminaire des Capucins et de la Conférence des évêques de France (CEF), les lieux principaux où se déroulent les événements de la saison 2 d’Ainsi soient-ils.

On retrouve aussi des visages familiers, ceux des séminaristes, des Pères du séminaire, alors que d’autres nouveaux se joignent à eux. Le supérieur du séminaire, le Père Fromenger, que jouait Jean-Luc Bideau, écarté pour une « ouverture d’esprit » excessive, a été remplacé par le Père Bosco qui semble tenir la « ligne romaine » avec un zèle sans faille ; sa mise en application des entretiens psycho-affectifs visant à détecter d’éventuels troubles sexuels chez les séminaristes en témoigne. Quant au président de la CEF, du fait du décès de Mgr Roman, dont on apprendra les circonstances, c’est son vice-président, l’évêque de Limoges (je salue mon confrère) qui lui a succédé. On sait que Michel Duchaussoy, qui incarnait Mgr Roman, est mort à la fin du tournage de la saison 1, c’est désormais l’excellent Jacques Bonnaffé qui lui succède pour incarner ce personnage.

Quoi de neuf dans la saison 2 ? Sur le fond, moins de manichéisme, et même telle ou telle apparition de l’humour, bien discrète tout de même. Les figures incarnant la hiérarchie de l’Eglise semblent moins préoccupées de leur stratégie de communication. N’ayant vu que les deux premiers épisodes, projetés à Poitiers – la Région Poitou-Charentes participe au financement de la série –, je ne sais si les épisodes suivant nous emmèneront à Rome. Si tel était le cas, on peut espérer que l’image donnée du pape et du Vatican sera plus subtile que ce que montrait la première saison : le pape y ressemblait à un Pie XII plus caricatural que vraisemblable.

A la vue de ces épisodes, il me semble tout de même que tout est un peu trop. Trop importante est la dette à laquelle le président de la CEF va faire face ; je ne veux cependant pas dire que l’Eglise catholique en France soit indemne d’une telle situation ni des choix rigoureux à quoi cela l’appelle. Mais, une Eglise plus pauvre, est-ce si mal ?  

Trop grand et majestueux l’immeuble de la CEF, ses couloirs, ses escaliers ; c’est le Palais d’Iéna, siège du Conseil Economique Social et Environnemental qui a servi de décor.

Trop insistance et directe la recherche des failles affectives et sexuelles qui peuvent marquer des séminaristes.

Trop longue la mèche d’un certain prélat, si on la rapproche de celle de l’évêque auquel les auteurs de la série veulent peut-être nous faire penser…

Trop chargé le pathos des situations humaines vécues par tel ou tel des séminaristes.

Trop grandiloquents les propos d’un prêtre du séminaire au sujet de l’amour et le couple.

Cependant, nous sommes dans une série télévisée, il faut soutenir l’attention et l’intérêt des spectateurs. La banalité des jours qui caractérise la plupart des vies humaines, et ce quel que soit le métier, aurait peine à susciter cela. Il est légitime que les auteurs veuillent aborder les grandes questions existentielles qui affectent, non seulement des jeunes qui veulent devenir prêtre, mais tout à chacun.

A l’avantage de la saison 2, les personnages ont pourtant gagné en incarnation, ils ne se contentent pas d’être des ectoplasmes représentant de grands débats de société, au travers des événements qu’ils traversent.

Surtout, il faut saluer l’ambition de cette série télévisée, et saluer ARTE et les producteurs, comme on le fera au sujet de l’excellent Petit Quinquin de Bruno Dumont, auquel Ainsi soient-ils succède dans la même case horaire.

Il n’est pas si fréquent que les séries télévisées françaises fassent quitter les intrigues policières et les prétoires. De plus, les auteurs et leurs équipes, tant artistique que technique, ont réalisé un travail dont il faut honorer la qualité, tant pour l’image, les décors, et l’interprétation d’un bon nombre des acteurs.

Que des questions soient posées, que des désaccords s’expriment, c’est bien à quoi veut conduire une œuvre qui interroge sur notre époque, mais qui surtout choisit de le faire au travers de situations et de personnages qui sont certainement pour la plupart de nos contemporains bien éloignés de leur vie quotidienne. »








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