2014-10-21 08:22:00

Yémen : les rebelles chiites aux portes du pouvoir ?


(RV) Entretien - Au Yémen, les rebelles chiites dévoilent toujours plus leur ambition de prise du pouvoir. Face aux prises de plusieurs villes, dont la capitale Sanaa, par ces houtis, Al-Qaïda fait de même, laissant craindre des affrontements. D’après un responsable politique local, le groupe terroriste réagirait « à la complicité des autorités de Sanaa » avec les actions des rebelles.

Il y a bientôt un mois, un accord de paix était signé. Il prévoyait un arrêt des violences, la nomination d’un Premier ministre et la formation d’un nouveau gouvernement. Ce dernier peine toujours à naître. Dans ce cadre, Franck Mermier, chercheur au CNRS, revient en détail sur la stratégie des rebelles. Il est interrogé par Antonino Galofaro.

 

On voit bien qu’il y a une stratégie de gains territoriaux mais qui suscite effectivement en retour  des réactions violentes, notamment de la part d’Al-Qaïda qui vient lui-même de prendre une petite ville dans la région au sud-est et également de la part des habitants de ces régions qui ne se réclament pas du tout du zaydisme, du chiisme. Les tribus commencent à se mobiliser contre ce mouvement. Donc, on voit bien qu’un autre cycle de violence va être lancé par cette prise de la capitale, Sanaa, le 21 septembre.

Que veulent précisément les rebelles ? Est-ce qu’il est question d’expansion territoriale, de partition du pays ?

Aujourd’hui, il a pour principale stratégie de prendre le pouvoir sachant aussi qu’il devra composer avec d’autres forces politiques qui sont aussi importantes, notamment le mouvement sudiste qui lui, pour grande partie, réclame la sécession des provinces du sud du pays qui formaient l’ex-Yémen du sud jusqu’en 1990.

Il ne reste donc rien de l’accord de paix signé il y a un mois ?

Cet accord de paix a été signé avec un gouvernement qui est extrêmement affaibli. Le président Hadi est toujours dans une période transitoire. Il n’a pas réussi à réunifier l’armée. Une partie des unités de l’armée ont évidemment été complices de cette avancée militaire des houthistes. Ce gouvernement affaibli n’a plus aucune prise sur ce qui se passe au Yémen. Il bénéficie encore d’un soutien international puisque l’envoyé des Nations-Unies, Jamal Benomar est toujours à Sanaa. Mais dans un même temps, comme il n’a plus le contrôle des forces de sécurité, il apparait aujourd’hui difficile que ce gouvernement affaibli contrôle finalement quoi que ce soit. On voit bien que les houthistes ont bénéficié à la fois de cette faiblesse structurelle mais aussi des complicités à l’intérieur de l’État pour étendre leur mouvement dans l’ensemble des régions nord du Yémen.

Vous parlez de complicité des autorités. Quel est leur intérêt ?

Ces complicités viennent surtout des partisans de l’ex-président Saleh qui a gouverné le Yémen pendant 33 ans, jusqu’en 2011 et qui lui-même, a tissé sa  toile sur l’ensemble du Yémen avec des réseaux de partisans, de chefs de tribus qui continuaient encore à contrôler certaines unités de l’armée. La presse yéménite, les commentateurs yéménites ont parlé de complicité de la part de certaines unités de l’armée ou de certains éléments tribaux, ce qui a permis aux houthistes de s’étendre aussi rapidement et de prendre la capitale de Sanaa.

Quelles conséquences peut avoir cette situation au Yémen sur ces voisins et sur la région ?

Beaucoup de voisins du Yémen, en premier chef l’Arabie Saoudite mais aussi les Émirats Arabes Unis voient en cela aussi une avancée de l’Iran puisque l’Iran soutient ce mouvement. Dans le même temps, Al-Qaïda étend aussi ses opérations du fait de l’avancée militaire de ce mouvement. Il y a la crainte d’une confrontation encore plus directe entre ces deux mouvements, ce qui transformerait presque le pays en état de guerre civile. Donc, aujourd’hui, les pays voisins vont certainement  reconsidérer leur stratégie par rapport à leurs alliances à l’intérieur du Yémen. Les forces traditionnelles qu’elles appuyaient se sont révélées incapables de contrer l’avancée des houthistes. Et il est possible que les pays du golfe voient aujourd’hui d’un autre œil les revendications du mouvement sudiste qui pourraient devenir finalement le fer de lance d’une alliance d’attaque contre l’avancée de ces rebelles houthistes. 








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