2014-11-16 16:40:00

Mgr Happe : La collégialité est l'aspect le plus important dans une Conférence Episcopale


(RV) – Entretien : Les Evêques membres de la conférence Episcopale du Sénégal, Cap-Vert, Guinée-Bissau et Mauritanie, ont achevé cette semaine leur visite ad Limina au Vatican. Mgr Martin Happe, Evêque de Nouakchott en Mauritanie, revient avec nous sur les joies et les peines de cette visite et de la Conférence Episcopale de ces pays. Il est au micro de Jean Pierre Bodjoko

Une Conférence interterritoriale comme la nôtre, c’est plutôt rare, mais celle-ci s’est formée pour des raisons historiques. Au début il n’y avait que le Sénégal et ce n’était que la Préfecture de Saint Louis qui couvrait toute la Mauritanie. Il était ainsi normal qu’il reste attaché au Sénégal.

Pour les iles du Cap vert et de la Guinée Bissau, comme il existait un seul diocèse dans chaque pays, il était difficile qu’il fasse une seule Conférence lusophone. Toutefois, dans une Conférence Episcopale ce qui est le plus important dans une conférence Episcopale c’est la collégialité car un diocèse comme celui de Nouakchott ne pourrait vivre par exemple, sans la solidarité.

Dans le message que le Pape vous a adressé, il a évoqué la richesse culturelle géographique et linguistique de vos pays.

Tout à fait, le Cap vert est le seul pays qui est marquée par la religion catholique dont 95% de chrétiens en majorité catholique. la présence musulmane est très récente. En guinée Bissau le pays est encore marquée par les religions traditionnelles dont environ 30% de musulmans mais l’Eglise progresse car les gens lui font confiance notamment à cause de la situation politique instable du pays où l’Eglise a su faire ses preuves. Le Sénégal pour sa part est marqué par l’Islam aussi mais c’est très différent selon les régions. Par exemple lorsqu’on parle de 5% de catholiques au Sénégal, ce sont des ilots avec une forte présence chrétiennes dont Dakar et la Casamance. La Mauritanie, quant à elle ,est une république islamique.

En dehors du Cap vert, les autres pays ont encore le grand défi d’évangéliser.

Mon souci principal est l’avancée de l’Islam radical avec des horreurs qui se passent en Syrie, en Irak, partiellement  dans le nord du Nigéria et dans le nord du Mali. Il est très important que nous soyons aux côtés des musulmans traditionnels, c’est-à-dire des gens qui ont toujours vécu la coexistence pacifique avec des gens d’autres religions. Dans ce contexte-là, notre présence minoritaire en Mauritanie est très importante puisqu’elle permet de vaincre les préjugés aussi bien chez les chrétiens que les musulmans. Il y a des personnes qui vivent sincèrement leur foi et cela inspire leur vie.

Concernant la dimension de la formation solide, doctrinale et spirituelle des laïcs dans votre Conférence Episcopale.

C’est très important surtout là où les chrétiens sont minoritaires ! Des chrétiens qui arrivent en Mauritanie se sentent interpellés par cette façon de vivre leur foi et d’être instruits. Les mauritaniens ont une très bonne instruction religieuse. On ne peut pas parler avec un mauritanien sans arriver très vite sur le plan de la religion. Cela donne une soif aux chrétiens d’avoir une meilleure instruction. Dans les paroisses, les prêtres sont très sollicités pour la catéchèse et les formations bibliques, etc., notamment par les jeunes.

Concernant la formation des prêtres et des vocations dans l’ensemble de la conférence épiscopale.

Commençons par le Sénégal qui a une longue tradition  d’avoir des prêtres autochtones. Il y a des séminaristes de tous les diocèses y compris dans des zones où les chrétiens sont très minoritaires comme Tambacounda et Kaolack. La formation, qu’ils (séminaristes) reçoivent à Kaolack, séminaire propédeutique, premier cycle de théologie en Casamance et le deuxième cycle de théologie dans le diocèse de Dakar, est très sérieuse et  prise au sérieux par les étudiants, les prêtres et les formateurs. Ce qui fait que le Sénégal peut être fier de la qualité de ses prêtres.

A propos de la Guinée Bissau c’est récemment qu’ils ont ouverts un Grand Séminaire. Les anciennes colonies portugaises sont marquées par le fait que les portugais avaient négligé la formation du clergé autochtone. Ce qui fait que l’actuel Evêque de Bissau guinée est le premier prêtre Bissau guinéen. Pendant de nombreuses années les prêtres Bissau guinéens ont été formés au Sénégal et ainsi parlent très bien le français. Mais depuis quelques années ils ont voulu avoir leur propre séminaire et c’est bientôt les premières ordinations de Bissau guinéens ayant fait toute leur formation dans leur pays.

Concernant le Cap Vert, c’est plus difficile la plupart des prêtres sont formés en Europe.

En Mauritanie, il y a deux premières : nous allons ouvrir le 08 décembre 2014, l’année jubilaire du diocèse sous le patronage de l’Immaculée Conception, mais le 06 décembre 2014 aura lieu l’ordination du premier prêtre dans l’histoire du diocèse du Nouakchott et le 07 sera la messe de prémices. Il s’agit d’un guinéen de la Congrégation des spiritains qui a demandé à être incardiné avec l’accord de ses supérieurs, dans le diocèse de Nouakchott. Il y a un second qui se trouve en troisième année de théologie au Grand Séminaire au Sénégal. Egalement un prêtre fidei domun sénégalais, qui a décidé de s’incardiner dans le diocèse de Nouakchott. Un futur noyau de 3 prêtres diocésains. C’est quelque chose à quoi je n’ai pas eu à rêver quand j’ai pris le ministère de cette petite Eglise en 1995. L’Esprit Saint est fort !

Peut-on parler de dialogue interreligieux ou de contact dans tous vos quatre pays ?

Quand on m’interpelle sur le dialogue islamo chrétien, je réponds toujours que je n’ai jamais vu l’Islam dialoguer avec le christianisme en ma présence. Par contre, il n’y a pas un jour où je ne parle à des musulmans et vice-versa. Le dialogue de la vie. Et parfois cela peut aller loin.

Pour exemple, quand il y a eu l’expulsion des chrétiens de Mossoul en Irak, le chef des Oulémas (Chefs religieux) m’a informé qu’ils ont été horrifiés de la situation qui se vivait là-bas et que cela n’avait rien à voir avec l’Islam. Nous continuons m’a-t-il dit, de prier avec vous, pour la paix. Cela je l’appelle le résultat d’un cheminement ensemble ; Dialogue avec des musulmans ;

Pouvez-vous évoquer l’apport dans le domaine de la santé, l’éducation…dans votre Conférence Episcopale?

Au Sénégal, la Caritas est très estimée par tous. Plusieurs cadres dans le pays, sont passés par les écoles catholiques. Et cela a créé un climat d’estime et de confiance.

Au niveau de la Mauritanie, bien qu’ayant 9 prêtres, une trentaine de religieuses, nous avons pourtant une Caritas avec 110 employés. Cela vous montre l’importance de notre travail dans le domaine social et caritatif, qui est très reconnu et très estimé. Nous avons aussi plusieurs bibliothèques pour des élèves qui aident à vaincre les préjugés.

Est-ce qu’il y a des préoccupations particulières que les Evêques du Sénégal, Cap-Vert, Guinée Bissau et Mauritanie, ont évoqué avec le Pape ?

Les vocations…, mais aussi la menace de l’avancée de l’islam radical. Nous sommes inquiets devant cette situation. Nous nous réjouissons de ce que nous pouvons vivre aujourd’hui et nous nous confions au Seigneur qui est le Maitre de la Vigne et de la Moisson, pour qu’Il protège ce qui a été semé au cours de ces années. Mais le plus important au cours de cette visite ad Limina a été, pour nous, l’aspect pèlerinage qui nous permet de rattacher nos Eglises locales à l’Eglise universelle; d'expérimenter cet aspect de l’Eglise catholique. 








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