2014-11-17 19:12:00

Des améliorations possibles dans la lutte contre Ebola


(RV) Entretien - Le récent sommet du G20, à Brisbane (Australie) a notamment abordé la question de la lutte contre le virus Ebola en Afrique de l’Ouest.

Aucun engagement chiffré n’a été défini mais les grandes puissances de la planète se sont accordées sur l’objectif d’une éradication de la maladie.

Le cap des 5000 morts a été franchi cette semaine, pour un total de 14 000 personnes contaminées.

Il semble toutefois que dans certaines régions, le travail de prévention commence à porter ses fruits et a pour le moment permis d’éviter le scénario apocalyptique d’une épidémie massive qui aurait pu emporter des dizaines de milliers de personnes, comme certaines projections le laissaient imaginer à la fin de l’été.

Pour le directeur général de Medecins Sans Frontières, Stéphane Roques, il faut rester prudent mais des résultats encourageants ont été observés dans la lutte contre Ebola. Il considère toutefois que l'objectif affirmé par le G20 d'une éradication de la maladie est peu réaliste. 

En fait, le terme “éradiquer” est en lui-même discutable. Pour nous, il ne s’agit pas d’éradiquer l’épidémie. Éradiquer, ça signifierait qu’on ne parlera plus jamais d’Ebola dans le monde. Le sujet n’est pas là. C’est comment arrêter la propagation de l’épidémie. Pour arrêter la propagation de l’épidémie, il faut aujourd’hui un grand nombre de personnes qui soient aux côtés de ces États sur le terrain, notamment dans les trois États : Libéria, Sierra Leone et Guinée qui sont fortement touchés. Et donc, ce n’est pas tant un sujet d’engagement financier. Évidemment, c’est important mais c’est un sujet d’engagement en termes de ressources et de personnes prêtes à mettre sur place les réponses adaptées à l’épidémie. Bien sûr, plusieurs dizaines de millions de dollars sont nécessaires mais cela se chiffre surtout par rapport au type de ressources humaines qui sont prêtes à être déployées sur le terrain pour venir en aide aux pays touchés. Soyons vigilants par rapport au discours sur les montants annoncés. Tout dépend de la manière dont ces montants vont être mis en œuvre. Si vous annoncez des montants, que vous considérez que X états mettent en place une enveloppe de X millions, voire milliards de dollars sur le sujet, c’est évidemment important. Mais qui va ensuite concrètement prendre en charge les patients et être vraiment un vecteur pour lutter contre l’épidémie ? Tout n’est pas une question financière.

Actuellement, comment travaille concrètement « Médecins Sans Frontières »? Sur combien de sites vous êtes présents et combien vous avez de personnes engagées dans cette lutte ?

Aujourd’hui, nous avons 3.500 personnes qui travaillent tous les jours contre Ebola sur le terrain. Il y a 300 volontaires internationaux expatriés et 3.200 personnes pour le personnel local dans les trois pays touchés. Donc, 3.500 personnes au total. L’idée, c’est que nous travaillons majoritairement sur six centres de prise en charge de taille importante de patients. Nous essayons aujourd’hui de suivre l’épidémie, de mieux la comprendre, d’adapter notre réponse et notamment, d’être à la fois présent sur les centres que je viens de décrire mais aussi être capable de nous projeter de manière très réactive sur des zones nouvellement touchées par le virus pour être capables d’endiguer l’épidémie là où elle survient de manière un peu spontanée. Ce sont six centres extrêmement structurés qui prennent en charge un grand nombre de patients. Aujourd’hui, il y a la volonté de déployer des forces un peu plus flexibles, un peu plus réactives pour être présents tout de suite dès qu’un cas est signalé dans une des préfectures ou un des départements concernés.

Votre présence est sur les trois pays ou essentiellement sur la Guinée ?

Non, elle est vraiment répartie sur les trois pays : Guinée, Sierra Leone et Libéria. Il y a deux centres majeurs dans chacun des trois pays.

On a pu avoir des échos ces dernières semaines d’agressions commises contre des médecins, des humanitaires. Il y a des populations qui ne comprennent pas très bien les mesures de confinement. Est-ce que MSF a été directement confronté à ces situations ?

En effet, nous avons eu des soucis mais pas de manière radicale. Il y a eu quelques décès liés au phénomène que vous décrivez mais nous n’avons pas été concernés à ce niveau-là de gravité des actes. Mais en effet, c’est toujours important d’expliquer, de communiquer. Vous savez, pour lutter contre une épidémie, les vecteurs principaux sont à la fois le vaccin sur lesquels les essais cliniques démarrent aujourd’hui et pour lesquels MSF est engagé aux côtés des producteurs de vaccin et pour vérifier si ces vaccins seront ou pas efficaces contre l’épidémie. C’est à la fois les vaccins mais c’est aussi la communication, l’information, la pédagogie pour bien expliquer comment ce virus se propage. Donc oui, ça prend parfois du temps pour être en phase avec la population concernée. On a parfois été concerné et on a du interrompre certaines activités et prendre un peu de temps pour expliquer. Mais on n’a pas eu de problèmes majeurs en termes de sécurité.

Pour conclure, est-ce que dans les prochaines semaines, les prochains mois, vous avez l’espoir que ce travail de pédagogie porte ses fruits et que l’épidémie puisse être résorbée ?

On voit par exemple qu’aujourd’hui, au Libéria ainsi qu’en Guinée, dans certains sites, que le travail de pédagogie déployée par les équipes de « Médecins Sans Frontières » ainsi que les équipes des Ministères de la Santé et des populations locales portent leurs fruits. Donc, oui, il y a par endroits les signes de résultats tangibles de cette politique de communication et d’explication de comment le virus se transmet et comment s’en protéger. Après, il ne faut pas non plus se reposer sur ces résultats. On sait que l’épidémie peut être capable de rejaillir dans des endroits différents. Donc voilà, expliquer, communiquer de manière la plus pédagogue possible, c’est important. Mais ne crions pas victoire trop tôt. Aujourd’hui, l’épidémie touche encore un grand nombre de personnes. On a dépassé depuis quelques temps les cinq mille victimes. Donc, oui pour communiquer et expliquer. Oui aussi pour être très vigilant et notamment investir sur les essais cliniques et la mise en place, on l’espère, dans les prochaines semaines, de vaccins efficaces contre Ebola. 








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