2014-11-22 08:11:00

Les chrétiens pakistanais victimes de la montée des radicaux


(RV) Entretien - Asia Bibi qui fait appel de sa condamnation pour blasphème, la famille de ce couple cruellement assassiné en novembre qui demande la protection du gouvernement : la situation des chrétiens pakistanais accusés de blasphème au Pakistan suscite beaucoup d'émotion dans le monde. 

La Ligue interreligieuse pakistanaise dénonce un usage malsain de la loi sur le blasphème quand des musulmans l’utilisent comme prétexte pour assouvir des vendettas personnelles.

Mais ce genre d’épisode pourrait être aussi symptomatique d’une radicalisation plus générale dans le pays. C’est l’analyse de Gilles Boquérat, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris.

On est dans un pays où il y a une telle désespérance sociale que souvent, cette désespérance passe aussi par une adhésion à des idéaux extrémistes. On est dans un pays où l’Islam est au centre du débat politique. Ca passe par l’adhésion à des mouvements extrémistes qui récupèrent toutes ces questions qui tournent autour du blasphème.

C’est symptomatique d’une radicalisation générale et pas seulement le prétexte, comme on a pu le dire, de régler des problèmes personnels ?

Oui, ça peut aussi être un moyen de régler des conflits personnels mais il faut aussi voir que récemment, il y a eu par exemple cette chrétienne, Asia Bibi qui est condamnée et emprisonnée depuis 2010. La Haute Cour de Lahore a confirmé son inculpation pour blasphème. Il n’y a pas très longtemps, en octobre, il y a un chrétien, un vieux monsieur de 70 ans qui était de nationalité britannique d’origine pakistanaise qui a été tué par un gardien de prison. Encore une fois, c’est une personne qui a été emprisonnée pour blasphème. Ce ne sont pas des choses tellement rares. Il faut rappeler que le gouverneur Pendjab qui avait défendu Asia Bibi a été tué. Son assassin, Mumtaz Qadri, est toujours en prison  mais considéré par ses voisins de cellule souvent comme un héro pour avoir tuer quelqu’un supposé avoir commis un blasphème.

Ce ne sont pas seulement les chrétiens qui sont concernés mais aussi les autres minorités du pays.

Oui, chez les hindous aussi. Le même problème se pose pour la secte de l’Ahmadiyya  qui est marginalisée. Ce Prix Nobel de physique pakistanais était le seul prix Nobel jusqu’au prix destiné à Malala Yousafzaï. Ce prix Nobel de physique en 1979, Abdus Salam était un ahmadi et à ce titre, il n’a fait l’objet d’aucune reconnaissance officielle pour le simple fait qu’il n’appartienne pas aux communautés dominantes.

Les musulmans eux-mêmes peuvent être discriminés ?

À l’intérieur de l’islam, il y a quand même le sort réservé aux hazâras qui vivent essentiellement au Baloutchistan et qui sont chiites et qui régulièrement font l’objet d’assassinats par des groupes extrémistes sunnites. C’est plusieurs dizaines de personnes à la fois. Souvent, les attentats sont très sanglants.

Comment les autorités réagissent à cette situation et aux violences ?

C’est toujours très difficile, ne serait-ce que pour les juges. Souvent, les juges cherchent à se défausser et à refuser de condamner quelqu’un qui aurait tué quelqu’un pour blasphème parce que les juges ont eux-mêmes peur pour leur vie. Il est déjà arrivé qu’un juge qui soutienne quelqu’un accusé de blasphème soit tué à la sortie du tribunal. Que font les autorités ? On n’hésite à s’en prendre encore à des groupes extrémistes parce que c’est toujours difficile dans une République islamique de s’attaquer à des groupes qui se déclarent comme les réels défenseurs de l’Islam. C’est parfois malvenu politiquement, c’est dangereux physiquement et en plus, il y a le problème que souvent, certains groupes extrémistes ont obtenu le soutien des services de renseignement pakistanais parce qu’ils servaient les intérêts stratégiques pakistanais, que ce soit en Afghanistan ou face à l’Inde.

Est-ce que les islamistes sont aussi une force politique sans laquelle les politiciens ne peuvent rien faire ?

Électoralement, ce n’est pas une force politique. Évidemment, les groupes extrémistes ne sont pas des partis politiques qui participent aux élections vue qu’ils ne reconnaissent pas les élections du système démocratique. Par contre, il y a des partis islamiques institutionnels comme la ligue musulmane du Pakistan. Ils participent aux élections. Ils sont d’ailleurs au pouvoir avec le parti d’Imran Khan. Donc, ils ne sont pas une force électorale mais ils sont une force quand ils descendant dans la rue. Il suffit encore une fois de commettre un attentat, il suffit d’une personne et ça fait plusieurs dizaines de tués. 

 

 








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