2014-12-05 14:10:00

Évêques suisses : « des rencontres très simples, même avec le Pape »


(RV) - Entretien - La visite ad limina des membres de la Conférence des Évêques Suisses s’achève ce vendredi 5 décembre. À Rome et au Vatican depuis le début de la semaine, les évêques regagneront donc ce soir leurs terres helvètes.

La Suisse, un État qui parait souvent étrangement paisible au cœur d’une Europe en tourmente. La Confédération n’est pas pourtant pas épargnée par ce qui préoccupe ses voisins : immigration, laïcité, protection de l’environnement… Des enjeux dont se soucient les institutions politiques et ecclésiastiques. Un canton mi-francophone, mi-germanophone, et en majeure partie catholique, le Valais, en est l’exemple. Son évêque est, depuis le 28 septembre dernier, Mgr Jean-Marie Lovey, auparavant abbé-prévôt de l’Abbaye du Grand Saint-Bernard. Mgr Lovey nous livre son regard sur ces différents sujets. Il est interrogé par Adélaïde Patrignani. Commençons par la famille, préoccupation de tous les évêchés entre deux synodes :

L'abbaye de Saint-Maurice, 1500 ans de présence religieuse

Le Valais est une terre où la foi chrétienne est enracinée depuis plus d’un millénaire. L’abbaye territoriale de Saint-Maurice d’Agaune en est la preuve : en septembre dernier, une foule de religieux et de laïcs y ont fêté ses 1500 ans d’existence. De nombreux évènements continuent d’y être organisés pendant cette année de jubilé. Mgr Lovey s’exprime à propos de ce sanctuaire :

Avec le Pape François, « ça sent tellement bon l'Évangile »

Jean-Marie Lovey a été désigné évêque de Sion par le Pape François en juillet dernier. « Le diocèse ne m’était pas tout à fait inconnu, car je suis de cette région, de ce milieu-là », confie-t-il. Né dans un village valaisan en 1950, Jean-Marie Lovey a été de 2009 à 2014 abbé-prévôt de la Congrégation du Grand-Saint-Bernard. Il a donc quitté sa communauté, présente à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, à 2500 m d’altitude, pour rejoindre la plaine et l’évêché de Sion. Ce qu’il n’a pas laissé dans les hautes montagnes, ce sont ses qualités qui en font un évêque apprécié de tous : simplicité, sens de l’écoute, intérêt pour la rencontre… Un caractère qui rappelle celui d’un autre évêque, l’évêque de Rome : le Pape François. D’ailleurs, la devise épiscopale de Mgr Lovey est « Evangelii Gaudium ». Le Pape François serait-il un modèle pour le nouvel évêque de Sion ?

 

Texte intégral de l'entretien:

A mon avis, la famille, c’est un pilier de la société. Elle est quand même menacée de bien des côtés. Je pense que c’est encore une chance, une grâce pour un lieu comme la terre valaisanne d’avoir des structures familiales plutôt enracinées mais certaines réalités passent ou disparaissent tellement rapidement. Donc, je pense que c’est toujours à reprendre. Le diocèse de Sion a fait de gros efforts, depuis de longues années, au niveau de sa pastorale autour de la famille. Maintenant, c’est aussi un projet, pour moi, de poursuivre cet élan. Je crois qu’il y a un enjeu de premier ordre. La foi se transmet là où est la vie et la vie est d’abord à l’intérieur des familles.

On va revenir maintenant sur ce qui s’est passé le 30 novembre dernier. Les Valaisans ont rejeté, comme toute la Suisse, l’initiative « Ecopop, « Halte à la surpopulation, oui à la préservation des ressources naturelles ». Que pensez-vous de cette façon de vouloir préserver la nature ?

La nature est un don de Dieu au service de la vie et aussi de la vie humaine. Après, il me semble qu’il y a une question de hiérarchie des valeurs. Dans certaines dimensions et je pense en particulier à « Ecopop », on est en train de glisser d’une valeur à une autre et de mettre à la place de l’absolu qui est la vie humaine et la vie divine, la nature qui prend plus de place que l’être humain. Et ça, c’est une inversion des choses qui est inadmissible. L’initiative « Ecopop », sous le prétexte de sauvegarder la nature, donne une place qui n’est pas la sienne à cette réalité de la nature en en faisant un absolu. C’est invraisemblable ! Qu’on préserve la nature, d’accord ! Mais il faudrait peut-être proposer – c’est ce qu’a d’ailleurs fait la Conférence des évêques- qu’on ait plutôt le souci de diminuer nos besoins de consommation pour préserver la nature.

L’Église et l’État sont imbriqués de façon assez complexe. Le 17 juin dernier, une initiative cantonale a été lancée pour justement séparer l’Église et l’État. Est-ce que vous êtes favorable à un Valais laïc ?

Quand vous parlez de séparer l’Église et l’État, je pense que c’est une bonne chose que l’Etat soit, dans son domaine, autonome, que l’Église le soit de son côté. Je crois que c’est une bonne chose et c’est une réalité. Il y a une distinction qui est déjà en place, à la satisfaction du plus grand nombre. Là aussi, l’initiative joue un tout petit peu sur la confusion qu’il peut y avoir entre séparation Église-État et le désir d’une laïcisation totale, ce qui implique une mise à l’écart total des réalités spirituelles, ecclésiastiques. Une chose comme celle-là est difficile à accepter dans ce sens que je représente, avec beaucoup d’autres, des institutions ecclésiastiques. Beaucoup de Valaisans se reconnaissent comme des chrétiens et ils sont en même temps et je le suis aussi, citoyen d’un État à plein temps. Comment peut-on séparer à l’intérieur d’une personne la part qui relève de l’État et celle qui relèverait de l’Eglise ? Qu’il y a une distinction, d’accord ! Qu’il y a une coupure, une séparation, je ne vois pas si c’est possible. On est en train de faire des distinctions qui n’entrent pas dans la réalité.

Un dernier sujet d’actualité en Suisse, l’immigration. Le Valais est un lieu de passage et d’arrivée pour de nombreux étrangers. En tant qu’évêque, de quelle manière agissez-vous face à l’immigration ?

L’immigration est énorme. Le Valais est un lieu touristique où les réalités économiques sont au service de la vie humaine. Beaucoup de gens qui vivent et travaillent en Valais viennent d’ailleurs. Comme pasteur du diocèse, je ne peux pas ne pas prendre en compte l’ensemble des diocésains avec le souci, en même temps, d’accompagner ces personnes qui viennent d’ailleurs, de les accompagner dans leur réalité culturelle, spirituelle et en même temps, avec le souci d’une intégration. Il y a une pastorale des communautés portugaises, des communautés croates. L’Église s’est souciée, depuis de longues années, d’accompagner ces personnes, ces familles. Beaucoup d’espagnols de deuxième et troisième génération vivent dans le diocèse de Sion et donc, ce sont des gens qui sont très intégrés. À longueur de temps, l’intégration se fait quand même là où la vie se vit, se déroule.

Une dernière question à propos de cette visite à Rome. Qu’est-ce que ça vous a apporté et qu’est-ce que vous allez faire en rentrant en Valais pour prolonger cette visite, si l’on peut dire ?

Franchement, nous avons eu beaucoup de rencontres très simples avec le Pape. On était assis en rang et le Pape était assis dans le cercle, ni plus haut, ni plus bas, ni plus loin. Il était là, présent et nous avons échangé sur des réalités de nos Églises locales différentes. Il y a eu beaucoup de simplicité et de désir. Ce qui me frappe beaucoup aussi, c’est le désir de ces personnes, de ces cardinaux ou autres qui travaillent dans ces congrégations de servir l’Église. C’est peut-être aussi un effet François de disponibilité et de service. Je voudrais aussi pouvoir m’appuyer sur l’expérience vécue ici pour le porter plus loin dans le diocèse. La première chose que je ferai, c’est de partager cette expérience  avec les membres immédiats de l’ordinariat et puis, avec les gens du diocèse. 








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