2014-12-15 17:52:00

Soudan du Sud : un an de guerre pour rien


(RV) Entretien - Un an tout juste après le début des combats, la guerre civile au Soudan du Sud, qui a fait des dizaines de milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, ne montre aucun signe d'apaisement. Ce conflit est né de la rivalité à la tête du régime entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar, respectivement Dinka et Nuer, les deux principaux peuples du pays. Les organisations humanitaires redoutent une nouvelle spirale de violences et de famine. 

Marc Lavergne, spécialiste du Soudan et chercheur au CNRS, rappelle que ce pays n’a jamais eu le temps de se structurer. En sortant de 20 ans de guerre d’indépendance, il a sombré, en décembre 2013, dans une guerre civile sans issue à court terme. Des propos recueillis par Fanny Cheyrou.

 

En un an, que s'est-il passé ?

Les Sud-Soudanais pouvaient choisir entre l’unité librement consentie avec le nord et l’indépendance. Il y a eu un référendum qui a donné, semble-t-il, une écrasante majorité pour l’indépendance. Le conflit qui a éclaté en juillet 2013, c’est un conflit entre deux personnes, le président et le vice-président. L’indépendance n’avait pas été préparée et à partir du moment où les Sud-Soudanais avaient gagné la guerre avec le Soudan, n’ayant plus d’ennemis, ils ont commencé à se déchirer entre eux. C’est une sorte de camarilla qui s’est emparée du pouvoir. Finalement, les anciens combattants se battent, non pas pour une mythologie, mais pour un partage du gâteau. Or, le gâteau, ce sont les richesses pétrolières. Le Soudan du Sud est un pays riche, un pays prospère avec une terre fertile, avec des rizières, le Nil... Il y a toutes sortes de richesses, le pétrole n’est que l’une d’entre elles. Vous allez à Juba, vous voyez que tous les pays du monde sont là, les entreprises d’Asie, d’Europe, d’Amérique pour essayer de faire des routes, des ponts, de l’électricité. Mais finalement, c’est une sorte de Far West qui n’accouche de rien du tout. Et d’un autre côté, ce conflit ne dérange personne.

Qui paye le prix fort sur place ?

Ce sont les populations civiles dans la mesure où on ne sait pas combien il y a de Sud-Soudanais. Il y en a peut-être huit millions. En tout cas, il y a au moins un million et demi de personnes qui ont été déplacées. Ce sont des gens qui ont vécu déjà vingt ans d’une guerre effroyable avec des massacres de masse de la part de l’armée d'Omar el-Béchir .La responsabilité ne vient pas tellement des Sud-Soudanais. C’est très facile de dire que les Africains ne pensent qu’à se remplir les poches et à se battre entre eux. La responsabilité de tout ce qui se passe aujourd’hui, on peut dire qu’elle revient à la communauté Internationale.

S’il y a une issue, quelle est-elle ?

Il n’y a pas d’issue. C’est une question de journaliste mais aussi d’hommes politiques, très occidentale. Je crois que les dégâts actuels ne seront pas réparés avant longtemps. Même si encore une fois, quand on dit reconstruire un pays, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il n’y avait pas de routes, de ponts. Il n’y avait pas d’infrastructures d’aucune sorte, pas d’administration, pas d’école, pas d’hôpitaux. Donc, il n’y a rien à reconstruire. Tout l’argent qui est déversé par l’ONU ne fait que qu’aggraver la situation puisque plus on met d’argent, plus il est détourné et plus il attise les convoitises et la guerre. Il y a une incompréhension internationale de la situation sur place. On essaye de faire ce qu’on appelle le leadership building, le capacity building ou le nation building, tous ces mantras onusiens. Je ne vois pas pourquoi il y aurait une issue alors que cette guerre dure depuis 1955 sous une forme ou sous une autre, c’est-à-dire qu’il y a toujours une ombre portée. Comme les dégâts que nous avons commis en déstructurant ces sociétés, en ne leur donnant pas accès à l’éducation, etc. Il n’y a pas de solution en vue. Il y a des solutions temporaires et puis sinon, il peut y avoir comme dans d’autres pays, en Ouganda par exemple, l’épuisement des combattants après des montagnes de victimes civiles et innocentes. Il n’y a pas à mobiliser la Cour Pénale Internationale ou je ne sais quoi pour des choses qui sont tout à fait logiques, malheureusement, qui sont dans le profil de tout ce qui a été construit depuis des années en soutenant ce mouvement rebelle. On pourrait faire le procès de l’ONU en long, en large et en travers, mais ça ne change rien au fait que le désastre est au Soudan du Sud. Le désastre moral est, lui, en Occident.  








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