2014-12-18 17:31:00

« Les Etats-Unis ont tout à gagner en se rapprochant de Cuba »


(RV) Il l'a annoncé en même temps que son homologue cubain Raúl Castro : deux ans avant la fin de son mandat, Barack Obama a donc décidé de tendre la main vers La Havane. Une ambassade américaine pourrait ouvrir sur l’île, mais cette normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba ne signifie pas pour autant une levée de l’embargo américain. Seul le Congrès a le pouvoir de prendre cette décision a souligné le président américain dans son allocution télévisée mercredi.

Le geste de Barack Obama est en tout cas fort et le fruit aussi d’un changement dans les mentalités américaines. C’est ce qu'explique Yannick Mireur, politologue spécialiste des Etats-Unis, à Xavier Sartre :

 

Il y a traditionnellement un lobby anti-communiste fort, hérité de la Guerre Froide mais qui s’est aussi un peu métamorphosé dans le lobby anticastriste composé pour beaucoup d’américains d’origine cubaine concentrés en Floride mais pas seulement et qui ont été efficaces en termes de lobbys politiques pour qu’il n’y ait pas d’ouverture. Il faut dire que ces gens-là, en tout cas pour une partie, avait des méthodes qui prenait une certaine liberté avec la légalité, dans les années 60 et 70, pour faire pression sur les élus au Congrès des États-Unis. Cette culture-là change. Il y a un changement générationnel profond. Pour les américains d’origine cubaine beaucoup plus jeunes pour lesquels la baie des cochons en 1961, la révolution cubaine en 1959 sont des choses très lointaines. Parmi les américains d’origine hispanique, y compris en Floride, il y a une diversification plus forte avec Porto Rico et d’autres issus de pays d’Amérique Latine. Donc, la ferveur, l’intensité et l’efficacité du lobby anticastriste et donc anti-ouverture aux États-Unis s’amenuise, même si évidemment, beaucoup crient au loup et peuvent le faire encore aujourd’hui !

Qu’est-ce que les États-Unis ont a gagné au rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba ?

Pou les citoyens américains qui sont originaires de Cuba, pour les Américains de manière générale, des flux et une présence économiques, puisqu’il est clair que la situation géographique de Cuba a fait qu’ils sont dans une ère d’influence américaine. Ils sont tous près des côtes américaines. Il n’y a rien là-bas, puisque la dictature communiste est quand même une catastrophe. Donc, il faut remettre sur pied une économie dans une zone d’influence. En plus, il y a des questions de sécurité, des questions de territoire naval. Je pense que l’influence des États-Unis, leur présence internationale dans l’hémisphère ouest tout proche d’eux sera un véhicule de leur présence et de leur influence.

Ensuite, du point de vue stratégique, vous savez bien que depuis de nombreuses années, le leadership des États-Unis  a beaucoup souffert avec les erreurs considérables qui ont été menées. La levée de l’embargo ou au moins le rétablissement des relations diplomatiques qui amène naturellement vers la levée de l’embargo, tôt ou tard, est quand même une façon de rétablir une politique étrangère américaine qui avait été largement affectée par les erreurs stratégiques commises.

Et ensuite, je dirais que, peut-être, vis-à-vis du Venezuela, c’est une marque, un pas vers l’isolement du Venezuela qui trouvait en Cuba son principal allié. Donc, il y a indirectement une façon de réinvestir un petit peu le champ latino-américain. Ca sera à voir en deuxième et troisième temps mais il y a une façon de réinvestir un petit peu le champ sud-américain en prenant le leadership qui leur appartenait, de rompre l’isolement de Cuba et d’ouvrir les vannes à des investissements et du commerce qui évidemment, bénéficieront beaucoup aux entreprises américaines. Donc, il y a tout à gagner pour les États-Unis à mettre fin à « cette mascarade » !

L’objectif final des États-Unis reste le même : faire en sorte que le régime castriste soit renversé ou s’écroule de lui-même. Est-ce qu’on peut parler de changement complet de stratégie ?

Le point de départ, ça a été très clairement exprimé par le président américain mais aussi par d’autres responsables comme Hilary Clinton, c’est que les 50 ans d’embargo n’ont mené à rien et qu’en fait, le régime cubain s’en est même très bien porté, a été fortifié au cours de toutes ces décennies. Le changement de pied avec l’ouverture pour continuer ce qui, d’ailleurs, a déjà été engagé, en interne, à Cuba depuis que Raoul Castro a pris les rennes du pays, c’est-à-dire leur effort d’oxygénation du point de vue économique, ce qui est quand même quelque chose qui conduit nécessairement à des revendications politiques plus tard. Tout ceci est une dynamique impulsée à laquelle les États-Unis souhaitent donner de l’ampleur avec des réformes progressives. Clairement, la fin du communisme s’inscrit dans la stratégie globale des États-Unis depuis déjà la fin de la Guerre Froide. Donc, l’affaire cubaine était déjà un petit peu investie de tout cela.

 

 

 

 








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