« Nous ne pouvons nous résigner aux conflits » au Moyen-Orient. Voilà l'idée centrale de la longue lettre que le Pape François a adressée ce mardi aux chrétiens de la région. Dans ce texte, le Pape rappelle son voyage en Terre Sainte et la rencontre de prière au Vatican avec les présidents israélien et palestinien. François lance ensuite une invitation à «prier pour la paix au Moyen-Orient». «Que ceux qui ont été contraints de quitter leurs terres, peut-on lire, puissent y revenir et y vivre dans la dignité et la sécurité.» Concrètement, le Pape François demande de renforcer l'assistance humanitaire en mettant toujours au centre le bien de la personne et de chaque pays. Le Saint-Père fait l'éloge également en particulier de travail de la Caritas et des organisations caritatives pour «aider toutes les populations sans préférences».
Le pape espère beaucoup avoir la grâce de se rendre en personne auprès des chrétiens d’Orient. Il aimerait tant les réconforter, tous ces gens qui sont pris dans les méandres des conflits frappant leur région, qui ont subi ou subissent toutes sortes d’abus et de pratiques indignes commises par une organisation terroriste, de dimensions autrefois inimaginables..
Dans sa lettre, François exprime à tous, enfants, mères, personnes âgées ou réfugiés sa proximité et sa solidarité. Il leur offre une parole d’espérance.
Marie Duhamel
Chers frères et sœurs, « notre consolation et notre espérance, c’est le Christ lui-même (...) Ni la tribulation, ni l’angoisse, ni les persécutions ne peuvent vous séparer de Lui ». Le pape espère que l’épreuve endurée fortifiera leur foi. La situation dans laquelle vous vivez est un appel à la sainteté de vie... en atteste les saints et martyrs de ces derniers temps.. les personnes captives... « Je demande à Dieu, écrit François, que tant de souffrances unie à la Croix du Seigneur donne de bons fruits pour l’Eglise et pour les peuples du Moyen Orient. »
Cette lettre est aussi un plaidoyer pour l’unité. Au milieu des inimitié et des conflits, la communion fraternelle entre chrétiens de différents rites est « signe du Royaume de Dieu ». François se dit d’ailleurs heureux des bonnes relations et de la collaboration entre les Patriarches, fidèles des Églises Orientales catholiques et des Églises Orthodoxes. « Les souffrances endurées apportent une contribution inestimable à la cause de l’unité » affirme le pape. « C’est l’œcuménisme du sang ».
« Bien aimés, même si vous êtes peu numériquement, vous êtes des protagonistes de la vie de l’Eglise et des pays dans lesquels vous vivez. » François les encourage à dialoguer. « Il n’y a pas d’autre voie ». Le dialogue interreligieux fondé sur une attitude d’ouverture, dans la vérité et dans l’amour, est aussi le meilleur antidote à la tentation du fondamentalisme religieux, qui est une menace pour tous. Le dialogue est un « service de justice », « une condition nécessaire pour la paix tant désirée ». Les responsables religieux sont appelés de nouveau par le Pape à adopter une position « claire et courageuses » face aux crimes commis contre les minorités. Il faut dénoncer cette pratique au nom de la religion.
Cher sœurs et frères, vous avez « une grande responsabilité », mais « vous n’êtes pas seul ». Le Pape les accompagne de ses prières. Il espère encore, dans cette lettre, pouvoir personnellement aller à leur rencontrer et les réconforter.
Dans ce message adressés aux chrétiens d’Orient, le pape exhorte, à nouveau, la communauté internationale à répondre aux besoins de ceux qui souffrent, en promouvant la paix à travers la négociation et le travail diplomatique, en cherchant à contenir et arrêter le plus tôt possible la violence qui a causé déjà trop de dégâts. Le pape réitère enfin son appel à la force de la prière et sa ferme condamnation des trafics d’armes.
Voici le texte intégral de la Lettre du Pape aux Chrétiens du Moyen-Orient
Chers frères et sœurs,
« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes
et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin
que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les
autres en quelque tribulation que ce soit » (2Co 1, 3-4).
Ces paroles de l’apôtre Paul me sont venues à l’esprit quand j’ai pensé à vous écrire,
frères chrétiens du Moyen-Orient. Je le fais à l’approche de Noël, sachant que pour
beaucoup d’entre vous, aux chants de Noël se mêleront les larmes et les soupirs. Cependant,
la naissance du Fils de Dieu dans notre chair humaine est un ineffable mystère de
consolation : « La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s’est manifestée »
(Tt 2, 11).
L’affliction et la tribulation n’ont malheureusement pas manqué dans un passé même
récent du Moyen-Orient. Elles se sont aggravées ces derniers mois à cause des conflits
qui tourmentent la région, mais surtout du fait d’une plus récente et préoccupante
organisation terroriste, de dimensions autrefois inimaginables, qui commet toutes
sortes d’abus et de pratiques indignes de l’homme, en frappant de manière particulière
certains d’entre vous qui ont été chassés de façon brutale de leurs propres terres,
où les chrétiens sont présents depuis les temps apostoliques.
En m’adressant à vous, je ne peux pas oublier non plus d’autres groupes religieux
et ethniques qui subissent également la persécution et les conséquences de ces conflits.
Je suis quotidiennement les nouvelles de l’immense souffrance de beaucoup de personnes
au Moyen-Orient. Je pense spécialement aux enfants, aux mères, aux personnes âgées,
aux personnes déplacées et aux réfugiés, à tous ceux qui souffrent de la faim, à ceux
qui doivent affronter la rigueur de l’hiver sans un toit sous lequel se protéger.
Cette souffrance crie vers Dieu et fait appel à l’engagement de tous, à travers la
prière et toutes sortes d’initiatives. A tous, je veux exprimer ma proximité et ma
solidarité ainsi que celles de l’Église, et offrir une parole de consolation et d’espérance.
Chers frères et sœurs, qui avec courage rendez témoignage à Jésus en votre terre bénie
par le Seigneur, notre consolation et notre espérance c’est le Christ lui-même. Je
vous encourage donc à rester attachés à Lui, comme les sarments à la vigne, certains
que ni la tribulation, ni l’angoisse, ni la persécution ne peuvent vous séparer de
Lui (cf. Rm 8, 35). Puisse l’épreuve que vous traversez fortifier la foi et la fidélité
de vous tous !
Je prie pour que vous puissiez vivre la communion fraternelle à l’exemple de la première
communauté de Jérusalem. L’unité voulue par notre Seigneur est plus que jamais nécessaire
en ces moments difficiles ; c’est un don de Dieu qui interpelle notre liberté et attend
notre réponse. Que la Parole de Dieu, les Sacrements, la prière et la fraternité nourrissent
et renouvellent continuellement vos communautés.
La situation dans laquelle vous vivez est un appel fort à la sainteté de vie, comme
l’attestent saints et martyrs de toute appartenance ecclésiale. Je me souviens avec
affection et vénération des Pasteurs et des fidèles auxquels, ces derniers temps,
a été demandé le sacrifice de la vie, souvent pour le seul fait d’être chrétiens.
Je pense aussi aux personnes séquestrées, parmi elles des Évêques orthodoxes et des
prêtres de divers rites. Puissent-ils retourner bientôt sains et saufs dans leurs
maisons et dans leurs communautés. Je demande à Dieu que tant de souffrance unie à
la croix du Seigneur donne de bons fruits pour l’Église et pour les peuples du Moyen-Orient.
Au milieu des inimitiés et des conflits, la communion vécue entre vous en fraternité
et simplicité est signe du Royaume de Dieu. Je suis heureux des bonnes relations et
de la collaboration entre les Patriarches des Églises Orientales catholiques et ceux
des Églises Orthodoxes ; comme aussi entre les fidèles des diverses Églises. Les souffrances
endurées par les chrétiens apportent une contribution inestimable à la cause de l’unité.
C’est l’œcuménisme du sang, qui demande un abandon confiant à l’action de l’Esprit
Saint.
Puissiez-vous toujours rendre témoignage à Jésus à travers les difficultés ! Votre
présence même est précieuse pour le Moyen-Orient. Vous êtes un petit troupeau, mais
avec une grande responsabilité en cette terre, où est né et où s’est répandu le christianisme.
Vous êtes comme le levain dans la pâte. Avant même beaucoup d’œuvres de l’Église dans
les domaines éducatif, sanitaire ou d’assistance, appréciées par tous, la richesse
la plus grande pour la région, ce sont les chrétiens, c’est vous. Merci de votre persévérance !
Votre effort pour collaborer avec des personnes d’autres religions, avec les juifs
et avec les musulmans, est un autre signe du Royaume de Dieu. Le dialogue interreligieux
est d’autant plus nécessaire que la situation est plus difficile. Il n’y a pas d’autre
voie. Le dialogue fondé sur une attitude d’ouverture, dans la vérité et dans l’amour,
est aussi le meilleur antidote à la tentation du fondamentalisme religieux, qui est
une menace pour les croyants de toutes les religions. Le dialogue est en même temps
un service à la justice et une condition nécessaire pour la paix tant désirée.
La plupart d’entre vous vit dans un milieu à majorité musulmane. Vous pouvez aider
vos concitoyens musulmans à présenter avec discernement une image plus authentique
de l’Islam, comme le veulent beaucoup d’entre eux, lesquels répètent que l’Islam est
une religion de paix qui peut s’accommoder du respect des droits humains et favoriser
la cohabitation entre tous. Ce sera un bien pour eux et pour la société tout entière.
La situation dramatique que vivent nos frères chrétiens en Irak, mais aussi les yazidis
et les membres d’autres communautés religieuses et ethniques, exige une prise de position
claire et courageuse de la part de tous les responsables religieux, pour condamner
de façon unanime et sans aucune ambigüité ces crimes et dénoncer la pratique d’invoquer
la religion pour les justifier.
Bien-aimés, presque tous, vous êtes des citoyens natifs de vos pays et vous avez pour
cela le devoir et le droit de participer pleinement à la vie et à la croissance de
votre nation. Dans la région, vous êtes appelés à être artisans de paix, de réconciliation
et de développement, à promouvoir le dialogue, à construire des ponts, selon l’esprit
des Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12), à proclamer l’Évangile de la paix, ouverts à une
collaboration avec toutes les autorités nationales et internationales.
Je désire vous exprimer de manière particulière mon estime et ma gratitude, très chers
frères Patriarches, Évêques, Prêtres, Religieux et sœurs Religieuses, qui accompagnez
avec sollicitude le chemin de vos communautés. Comme elle est précieuse la présence
et l’activité de celui qui s’est consacré totalement au Seigneur et le sert dans les
frères, surtout les plus nécessiteux, en témoignant sa grandeur et son amour infini !
Comme elle est importante la présence des Pasteurs aux côtés de leur troupeau, surtout
dans les moments de difficultés !
A vous, jeunes, j’envoie une accolade paternelle. Je prie pour votre foi, pour votre
croissance humaine et chrétienne, et pour que vos meilleurs projets puissent se réaliser.
Et je vous le répète : « N’ayez pas peur ni honte d’être chrétiens. La relation avec
Jésus vous rendra disponibles pour collaborer sans réserve avec vos concitoyens, quelle
que soit leur appartenance religieuse » (Exhort. ap. Ecclesia in Medio Oriente, n.
63).
A vous, personnes âgées, je fais parvenir mes sentiments d’estime. Vous êtes la mémoire
de vos peuples ; je souhaite que cette mémoire soit semence de croissance pour les
nouvelles générations.
Je voudrais encourager tous ceux d’entre vous qui œuvrent dans les domaines très importants
de la charité et de l’éducation. J’admire le travail que vous faites, spécialement
à travers les Caritas et avec l’aide des organisations caritatives catholiques de
divers pays, en aidant chacun sans préférence. A travers le témoignage de la charité,
vous offrez le soutien le plus valable à la vie sociale et vous contribuez aussi à
la paix dont la région a faim comme de pain. Mais aussi, dans le domaine de l’éducation
l’avenir de la société est en jeu. Comme l’éducation à la culture de la rencontre,
au respect de la dignité de la personne et au respect de la valeur absolue de chaque
être humain est importante !
Bien-aimés, même si vous êtes peu numériquement, vous êtes protagonistes de la vie
de l’Église et des pays dans lesquels vous vivez. Toute l’Église vous est proche et
vous soutient, avec grande affection et estime pour vos communautés et votre mission.
Nous continuerons à vous aider par la prière et avec les autres moyens disponibles.
En même temps, je continue à exhorter la communauté internationale à répondre à vos
besoins et à ceux des autres minorités qui souffrent ; en premier lieu, en promouvant
la paix à travers la négociation et le travail diplomatique, en cherchant à contenir
et arrêter le plus tôt possible la violence qui a causé déjà trop de dégâts. Je réitère
la plus ferme condamnation des trafics d’armes. Nous avons plutôt besoin de projets
et d’initiatives de paix, pour promouvoir une solution globale aux problèmes de la
région. Pendant combien de temps le Moyen-Orient devra-t-il encore souffrir à cause
du manque de paix ? Nous ne pouvons pas nous résigner aux conflits comme si un changement
n’était pas possible ! Dans le sillage de mon pèlerinage en Terre Sainte et de la
rencontre de prière qui s’en est suivie, au Vatican, avec les Présidents israélien
et palestinien, je vous invite à continuer de prier pour la paix au Moyen-Orient.
Que celui qui a été contraint à laisser ses propres terres, puisse y retourner et
y vivre dans la dignité et dans la sécurité. Puisse l’assistance humanitaire s’accroître,
en mettant toujours au centre le bien de la personne et de chaque pays dans le respect
de sa propre identité, sans faire passer avant d’autres intérêts. Que l’Église tout
entière et la communauté internationale deviennent toujours plus conscientes de l’importance
de votre présence dans la région.
Chères sœurs et chers frères chrétiens du Moyen-Orient, vous avez une grande responsabilité
et vous n’êtes pas seuls à l’affronter. C’est pourquoi, j’ai voulu vous écrire pour
vous encourager et pour vous dire combien votre présence et votre mission sont précieuses
en cette terre bénie par le Seigneur. Votre témoignage me fait beaucoup de bien. Merci !
Chaque jour, je prie pour vous et à vos intentions. Je vous remercie parce que je
sais que, dans vos souffrances, vous priez pour moi et pour mon service de l’Église.
J’espère beaucoup avoir la grâce de venir personnellement vous visiter et vous réconforter.
Que la Vierge Marie, la Toute Sainte Mère de Dieu et notre Mère, vous accompagne et
vous protège toujours par sa tendresse. A vous tous et à vos familles, j’envoie la
Bénédiction Apostolique et je vous souhaite de vivre Noël dans l’amour et dans la
paix du Christ Sauveur.
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