2015-01-20 12:20:00

Débat sur la fin de vie : les évêques français souhaitent « une culture palliative »


(RV) Entretien - C’est ce mercredi 21 janvier que s’ouvrira en France un débat sans vote à l’Assemblée nationale concernant la fin de vie, sur les propositions des députés Leonetti (UMP) et Claeys (PS). Une loi sera présentée au printemps. À la veille de ce rendez-vous parlementaire, les évêques de France font entendre leur voix. Depuis plusieurs mois, la Conférence des évêques de France a mis sur pied un groupe de travail autour de la question de la fin de vie, présidé par Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes. Ce groupe a présenté à la presse, mardi en fin de matinée, ses positions et propositions. Mgr Pierre d'Ornellas répond aux questions de Jean-Baptiste Cocagne :

Pour les évêques français, le développement d'une culture palliative, c'est-à-dire d'accompagnement des personnes en fin de vie, doit être « une cause nationale prioritaire » avec toujours l'idée de « prendre soin de la personne » grâce à une meilleure formation du personnel soignant et la « recommandation de "bonnes pratiques" ». Cette culture palliative doit conduire également la société à ne plus considérer le débat sur la mort comme un tabou. Par leur prise de parole, les évêques français veulent lever le tabou et calmer les inquiétudes par rapport à la question de la mort, réintroduire de la sérénité et apaiser dans un débat parfois dépassé par l'émotion. 

Selon Mgr d'Ornellas, le nouveau « droit à la sédation » introduit par la proposition de loi des députés Alain Claeys et Jean Léonetti ne doit pas forcément être « profonde et continue jusqu’au décès » comme écrit dans le texte soumis aux députés. Elle peut être « intermittente », mais « toujours pour soulager de la souffrance » et « ne jamais viser la mort ».

Rendre hommage au personnel soignant

Les évêques de France veulent saluer « avec admiration l’effort des équipes médicales et des bénévoles qui, avec compétence et dévouement, accompagnent au quotidien des personnes en fin de vie ainsi que leurs proches » et rappeler son attachement à la Loi Leonetti aujourd'hui en vigueur, qui « donne un cadre médical, éthique et juridique adapté pour la plupart des cas rencontrés ». Qualifiée d'exemple « d'unité nationale », les évêques estiment qu'elle incarne une « voie française », « inspiratrice de nombreux pays ».

Les travaux du groupe de travail des évêques de France sur la question de la fin de vie sont consultables sur un blog, actualisé régulièrement avec la publication de témoignages, d'avis de spécialistes et de réflexions.

La retranscription complète de l'interview de Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes

« Nous voulons dire que la proposition de loi qui a été déposée à l’Assemblée Nationale par les députés Jean Leonetti et Alain Claeys n’acquière tout son sens que si elle est lue à l’intérieur de la culture palliative, c’est-à-dire d’une formation de tous les soignants à la pratique palliative et d’une extension de l’accès de tous les patients aux soins palliatifs.

Elle n’a de sens que si la sédation n’est bien sûr prescrite qu’avec compétence. Et cette sédation pratiquée avec compétence n’est pas forcément une sédation profonde, elle peut être une sédation intermittente et c’est toujours une sédation pour soulager de la souffrance. C’est ainsi qu’il faut lire cette proposition de loi et c’est ainsi qu’il faut la préciser.

Par exemple, réintroduire dans la proposition de loi le principe du double effet de telle manière que le médecin soit obligé de dire clairement l’objectif qu’il poursuit, c’est-à-dire soulager la souffrance et ne jamais viser la mort. Voilà le point essentiel.

Comment allez-vous suivre le débat ? Est-ce que vous comptez y peser d’une façon ou d’une autre ?

Dans la République française, les députés ont une possibilité de débattre entre eux et nous ne pouvons intervenir que par des prises de paroles publiques ou par des contacts personnels.

Effectivement, je compte bien discuter avec les députés qui le veulent bien, comme déjà je l’ai fait pour attirer l’attention sur certains points. Et je compte aussi sur le fait que la parole soit prise publiquement pour encourager et rendre hommage à tous les soignants et tous les bénévoles qui accompagnent avec compétence, avec justesse et avec amour nos frères et sœurs qui, en humanité, s’approchent de leur mort.

Je voudrais aussi que soit calmées les inquiétudes et les angoisses des Français par rapport à leur mort. Il me semble que notre prise de parole publique vise tout autant à éclairer les députés et les sénateurs qu’à éclairer l’opinion publique pour que se lève dans notre société une culture palliative, c’est-à-dire un apaisement vis-à-vis de la mort.

Au-delà du débat au sein de l’hémicycle, est-ce que vous avez l’impression que le débat au sein de la société est à la hauteur ? Est-ce que vous avez l’impression que les Français se sont emparés de cette question autour de la fin de vie ?

Non, parce qu’il y a un non-dit qui est évident et qui est normal parce qu’il s’agit de parler de la mort. Comme l’a très bien dit le rapport Sicard, du mois de décembre 2012, la mort a besoin d’être réintroduite dans notre société comme un mot dont on peut parler. Et aujourd’hui, il y a une sorte de tabou sur le sujet.

Il est plus facile de s’emparer d’un sujet de société qui concerne la vie, que ce soit la bioéthique, l’éducation, la famille ou le mariage que de s’emparer d’un sujet de société  qui est infiniment délicat, qui soulève beaucoup d’émotions parce qu’on a accompagné un de ses proches, on a vécu un deuil dans sa famille. C’est par conséquent beaucoup plus délicat que la société s’empare de façon sereine et paisible de ce sujet.

Je sens qu’aujourd’hui dans notre société, il y a aussi une espèce d’angoisse. Qu’est-ce qu’on va nous fabriquer ? Il faut redonner de la confiance dans la société au corps médical. Il me semble que les politiques doivent aussi avoir confiance dans le corps médical et non pas lui imposer ce qu’il voudrait.

La loi Leonetti de 2005 est un cadre législatif, à mon avis, remarquable pour respecter les recommandations de bonnes pratiques que le corps médical élabore pour précisément être toujours dans le respect du serment d’Hippocrate.

Le groupe de travail que vous présidez au sein de la conférence des évêques de France sur cette question de la fin de vie tient un blog, une plateforme sur internet. Quels sont les retours ? Quel est votre bilan de cette expérience aujourd’hui ?

Le premier bilan que je tire est le suivant : beaucoup de personnes ont remercié cette plateforme qui permet un vrai dialogue et une vraie information, puisque ce blog donne accès non seulement à des réflexions qui sont publiées tous les quinze jours et à des témoignages de vie mais aussi à des textes qui peuvent être lus, travaillés avec une liste et un glossaire.

Ainsi, ce blog est un vrai outil de réflexion sereine et partagée. Et c’est ça que nous avons voulu. A cet égard, cela a atteint son objectif. Maintenant, je crois qu’il est important que ce blog sur la fin de vie soit davantage connu pour que plus de personne y vienne pour pouvoir y réfléchir, pour pouvoir exprimer son avis et pour pouvoir s’informer, pour pouvoir lire. Il me semble que ce blog répond à une vraie demande. » 








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