Il y a 70 ans, le camp d'Auschwitz était libéré

(RV) Entretien - « La Journée de la mémoire n’est pas la simple évocation du passé, mais elle nous interroge sur le présent et l’avenir de nos sociétés européennes » : à l’occasion du 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz, le président de la Communauté Sant’Egidio Marco Impagliazzo a lancé un appel afin que cette journée soit l’occasion d’une réflexion et d’un nouvel engagement contre toute forme de racisme.

Le Pape François a publié un tweet mardi en ce jour anniversaire : « Auschwitz crie la douleur d’une souffrance effroyable et réclame un avenir de respect, de paix et de rencontre entre les peuples ». Pourtant, les dernières études montrent que les actes antisémites se multiplient dans plusieurs villes européennes. « L’Europe risque de perdre la voie de la cohabitation entre personnes de confessions religieuses, de cultures et de traditions différentes » souligne la communauté Sant’Egidio. Conscient que « le dialogue n’est pas une simple position intellectuelle, mais l’unique alternative à l’affrontement », Marco Impagliazzo invite les institutions et la société civile à rendre actuelle la mémoire de cette Journée et de l’immense tragédie pour l’humanité représentée par la Shoah. 

Hélène Destombes a joint le porte-parole de la communauté Sant'Egidio Roberto Zuccolini :

A quoi sert cette journée de la mémoire ?
Avant tout, je crois qu’il n’est jamais inutile de se souvenir et de se remémorer ce qui s’est passé. Car aujourd’hui, il y a plusieurs voix qui réclament un peu l’oubli de ce qui s’est passé en disant que cela fait maintenant 70 ans, que beaucoup de temps s’est écoulé depuis et que donc, ça n’en vaut pas la peine, que les jeunes pensent à autre chose. Mais je crois qu’au contraire, la mémoire à ce niveau-là est très importante. De la mémoire peut renaître un espoir du vivre ensemble.

Un appel en faveur de la reconstruction en Europe d’une culture du vivre-ensemble et de la paix est aujourd’hui une nécessité, notamment au regard de ce qui vient de se passer en France ?
Oui, nous croyons fortement qu’il est nécessaire de rouvrir ce discours pour reconstruire le vivre-ensemble. Ce qui a manqué et qui a créé les divisions a été le manque de dialogue et surtout, le manque d’initiatives du dialogue entre les différentes communautés religieuses, ethniques et de provenance. C’est cela qui a créé des problèmes. Et c’est surtout dans les périphéries que la violence est née et se reproduit en créant des murs et des incompréhensions. Il est vrai qu’il y a des influences qui viennent de l’extérieur. Il y a la guerre en Syrie, en Irak, mais les gens qui ont commis la violence étaient des citoyens européens. Je crois qu’en tant qu’Européens, nous devons nous emparer de cette question et proposer des initiatives qui puissent aller au-delà de l’incompréhension et surtout de l’ignorance de l’autre.

La semaine dernière, une délégation de Sant’Egidio avait effectué une visite de solidarité à la communauté juive de Rome après les attentats de Paris et l’alerte terroriste. Y'a-t-il une véritable inquiétude de la communauté juive aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. La communauté juive de Rome est préoccupée du climat général qui s’est créé, en ce début de mois de janvier, mais aussi avant. Mais la communauté juive de Rome est ancienne et sa présence remonte à plus de 2000 ans. Elle a vécu plusieurs problèmes, difficultés et persécutions pendant des siècles. Aujourd’hui, le quartier juif, qui est au centre de la ville, se propose comme un lieu de rencontre. C’est le choix fait par la communauté juive, avec bien sûr avec une préoccupation pour tout ce qui se passe, mais en sachant que la rencontre et le dialogue avec les autres religions peuvent vraiment être un antidote contre le racisme et l’antisémitisme. Je crois que la communauté juive de Rome veut continuer ce dialogue-là avec la communauté chrétienne mais elle regarde aussi du côté du monde musulman qui est plus ouvert et plus disponible au dialogue pour ensemble, voir quelles sont les initiatives qu’on peut mener à ce niveau-là.