2015-01-27 18:58:00

Prêtre entrepreneur, la double vocation de Bernard Devert


(RV) Entretien - Un « Prêtre entrepreneur » : c’est ainsi que se présente Bernard Devert. Après des études de droit et un début de carrière dans une grande régie immobilière lyonnaise, il est rattrapé par ses convictions profondes et décide de devenir prêtre.

Lorsqu’il est ordonné à l’âge de 40 ans, il décide de mettre en cohérence sa vocation et sa nature profonde d’entrepreneur. Il crée alors l'association Habitat et Humanisme, qui propose des solutions économiques innovantes pour produire des logements accessibles aux plus modestes, quitte à faire bouger les lignes traditionnelles de l’entreprise et de la solidarité.

Aujourd’hui, son association est à l’origine de 2 456 logements répartis sur toute la France au cœur des villes, de 37 pensions de familles pour les personnes isolées et en grandes difficulté. Et ce n’est pas tout : le père Bernard Devert envisage encore la création de dizaines de plans logements intergénérationnels et solidaires dans les années à venir comme il l’a confié à Fanny Cheyrou.

 

Comment est née Habitat et Humanisme ?
Je suis juriste de formation. J’avais créé ma propre entreprise de promotion qui s’appelait « Innovation et Construction ». Ce n’est pas une vocation tardive mais j’ai répondu un peu tardivement. Mais il y a des retards qui créent de l’avance paradoxalement. Ma démarche a été de voir comment je pouvais être prêtre engagé dans la cité, dans des lieux de grande fragilité sociale. J’ai eu le soutien de mon évêque qui m’a invité à m’investir sur les problèmes de l’économie solidaire, de l’économie sociale. Et donc, à ce moment-là, le cardinal m’a proposé un parcours tout à fait atypique : la faculté de théologie, ma présence dans une paroisse, mais en m’invitant à poursuivre mon activité en créant l’association Habitat et Humanisme.

Quel était, à vos yeux, l’urgence dans le paysage français en termes de relogement et d’assistance aux plus vulnérables ?
La société est infiniment plus violente qu’on peut le penser et ce monde caritatif est souvent un monde où l’on était des réparateurs, des « mécaniciens » si vous me permettez l'expression. Le sujet n’est pas finalement de réparer mais précisément d’éviter ces dommages. Comment faire en sorte que l’économie soit une économie humanisante ? Cette perspective-là est portée par l'encyclique Caritas in veritate du Pape Benoît XVI et puis, par le Pape François.Cette association repose sur deux piliers : la réconciliation entre l’humain et l’urbain, et la réconciliation entre l’économique et le social.

Votre mission de prêtre, vous ne l’envisagiez qu’avec cette double casquette ?
Oui, tout à fait. Je ne l'envisageai pas forcément en restant à la tête de l’association Habitat et Humanisme mais en tout cas, en étant fortement impliqué dans ce monde de l’économie. Mais j’ai toujours veillé, à la demande de mon évêque - c’était aussi une demande personnelle : pendant onze ans, j’étais aumônier d’hôpital au centre Léon Bérard (un centre anticancéreux). J’avais un peu une double vie : c’est-à-dire que pendant la journée, je travaillais pour l’association et le soir, j’étais à l’hôpital à partir de 20h et j'y restais jusqu’à peu près 1h du matin. On sait bien que dans ces lieux de grande souffrance, les angoisses, c’est la nuit. J’avais trouvé complètement ma place tant auprès des malades, des familles qu’auprès des soignants.

Auprès des malades la nuit, auprès des plus pauvres le jour. Quelles sont ces populations vulnérables que vous évoquez face au logement ?
Notre société est d’abord marquée par un chômage massif. Il y a 5 millions de chômeurs. Il y a un certain nombre de familles qui n’arrivent plus à se maintenir dans leur logement, qui n’en n’ont plus les moyens en raison des ruptures familiales. Il y a trop de femmes isolées -ce qu’on appelle les familles monoparentales - qui se retrouvent dans des situations de souffrance affective et de souffrance sociale et qui n’arrivent pas à accéder à un logement. Et puis naturellement, toute la question liée à l’immigration. Pour la personne qui habite le foyer, qui habite dans des situations déshumanisantes, c'est aussi le constat dramatique que cette personne n’a pas sa place dans la société. Donc, elle a un sentiment de rejet et de mépris. Cette humanisation, c’est d’abord de dire à l’autre personne qu’elle compte, qu’elle a du prix - pour reprendre la prière du psaume - du prix pour Dieu et du prix pour nous. 








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