2015-02-10 08:25:00

Commission pour la protection des mineurs : « il y a une vraie détermination »


(RV) Entretien - La Commission pontificale pour la protection des mineurs, créée par le Pape François à la suite des scandales de pédophilie dans l’Eglise, a clos ce dimanche sa première assemblée plénière. Pour la première fois, les 17 experts de la Commission étaient réunis. Durant cette assemblée, ils ont présenté les rapports des groupes de travail d'experts qui ont travaillé l'année dernière.

La Commission a également achevé ses recommandations concernant la structure formelle de l'organisme. Il s’agit notamment de sensibiliser et de faire prendre conscience davantage, à tous les niveaux de l'Église, de la gravité et de l'urgence à mettre en œuvre les procédures correctes pour la protection des mineurs. Parmi les experts, une Française, la pédopsychiatre Catherine Bonnet. Elle revient sur le travail de fond de cette commission et les attentes légitimes de l’opinion publique, au micro d'Olivier Bonnel.

Il est important, puisque l’Église est universelle, qu’il y ait une compréhension de comment la société et comment le clergé, dans chaque continent, s’est occupé de ce sujet. On sait que la sensibilité sociale a été très progressive. Par exemple, ce qui est intéressant, c’est que la France a été le premier pays à décrire toutes les violences sexuelles et les violences physiques. Le professeur Ambroise Tardieu qui était un professeur de médecine légale a publié un livre sur plus de 600 cas de violences sexuelles envers les fillettes et également de violences sexuelles envers les jeunes garçons en 1857. Et son travail, après sa mort, a été complètement dénigré par ses collègues et la société qui s’est divisée en deux. Il y a eu un courant en faveur de son travail qui aboutit à la première loi sur l’enfance maltraitée en 1889 et puis ensuite, il y a eu un renversement de la situation et pendant 100 ans, tous ces travaux ont été complètement supprimés. Par exemple, moi, j’étais étudiante en médecine, dans les années 60 et on ne nous apprenait pas qu’Ambroise Tardieu avait décrit toute la maltraitance et on nous apprenait que c’était les Américains qui avaient découvert la maltraitance parce qu’effectivement, dans les années 60, il y a eu une prise de conscience mondiale de ce qu’était la violence physique faite aux enfants, grâce à un article majeur qui s’appelle "le syndrome de l’enfant battu" et à ce moment-là, ça a été diffusé dans le monde entier, en particulier dans les pays de langue anglaise et il y a eu un bouleversement. Cela a abouti aux premières grandes lois sur la protection des enfants puisqu’aux États-Unis, depuis fin des années 60-70, tous les États d’Amérique ont eu une obligation de signaler avec une protection de ceux qui signalent.

Par exemple, on a pu entendre qu’en Afrique, certains prélats, certains membres de l’Église disent que les abus sexuels ne sont pas vraiment leur problème et que c’est plutôt un problème des pays occidentaux. D’ailleurs, la majorité des cas ont été soulevés dans les pays occidentaux : l’Irlande, les États-Unis. Qu’est-ce que vous répondez ? Est-ce que ce n’est pas un frein pour vous ?

Non, je ne pense pas du tout que cela soit un frein. Je pense que c’est une grande richesse parce que, comme toute question essentielle de société, le plus important, c’est de comprendre tous les aspects, les difficultés qu’il peut y avoir dans certains pays ou dans d’autres, et la manière dont les enfants peuvent être maltraités qui peuvent avoir des aspects plus individuels dans certaines situations. Je pense qu’il faut vraiment travailler sur l’ensemble. Ce n’est pas du tout un frein parce que chaque pays apporte sa richesse. Ce qui est certain, c’est qu’on va prendre du temps. Il faut qu’on prenne le temps. Il faut que les gens acceptent qu’on ne peut pas, en trois ou quatre réunions donner des résultats sur tout.

Vous comprenez la pression, même médiatique, qu’il y a autour de votre commission ? Le sujet est très sensible. Vous arrivez à vous isoler par rapport à cette pression-là, si j’ose dire ?

Si vous voulez, on est quand même un certain nombre de professionnels, à la fois des travailleurs sociaux, des personnes qui ont travaillé avec des réfugiés, des personnes qui sont des professeurs de droit, des psychologues, des psychiatres. C’est absolument important qu’on puisse changer les uns avec les autres pour qu’on puisse étudier tous les aspects avant d’arriver à des propositions concrètes. Enfin, nous avons déjà soumis des propositions au Pape François, puisque nous sommes conseillers. Ce qui a de très positif, c’est la volonté de ces 17 membres de vouloir que ça avance au sein de l’Église, et pour la protection des enfants. Donc là, je suis très optimiste parce que j’ai trouvé des personnes très compétentes et également, ayant une détermination. Je dirais que c’est cette même détermination qui rassemble.

 

 








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