2015-02-25 13:59:00

Omar el-Béchir en route vers un nouveau mandat à la tête du Soudan


(RV) Entretien – Au Soudan, la campagne pour l’élection présidentielle qui se déroulera du 13 au 15 avril prochain s’est ouvert mardi. Le résultat final de cette élection semble prévisible pour beaucoup à cause de la répression des médias et du boycott de l'opposition.

Le président sortant, Omar el-Béchir, chef du Parti du Congrès national, au pouvoir depuis son coup d’Etat en 1989, et candidat à sa réélection, est accusé de brider tout débat national. L’homme est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du pays, où des groupes rebelles combattent les forces gouvernementales depuis plus d’une décennie. Selon des chiffres de l’ONU, ces combats auraient causé la mort de plus de 300.000 personnes et auraient fait près de 2,5 millions de déplacés. La dernière offensive du gouvernement contre les rebelles dans cette région ainsi que dans les Etats du Nil Bleu et du Kordofan-Sud remonte au mois de novembre.

Le Parti du Congrès national (PCN) a tenu son premier meeting dans la matinée du mardi 24 février 2015, dans la capitale du pays, Khartoum. Les autres partis candidats - quatorze, selon la Commission électorale nationale (NEC) - ne devraient pas organiser de meetings ni fournir de réel adversaire au président, mais ont appelé au boycott du scrutin le 13 et 15 avril prochain.

Joint par Anne-Sophie Saint-Martin, Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS, revient sur ce début de campagne présidentielle et explique pourquoi cette élection est purement « symbolique » :

 

Quels sont les enjeux de cette élection présidentielle ?
Cette élection est, comme toutes les précédentes, purement symbolique dans la mesure où il s’agit de reconduire le chef de l’État dans ses fonctions qu’il occupe maintenant depuis plus de 25 ans. Je ne suis pas sûr que les Soudanais soient tous au courant, ou même qu’une partie d’entre eux soient au courant qu’il y a des élections présidentielles. Mais en même temps, si on cherche une signification à cela, on peut y voir une volonté de ce régime de se relégitimer après la sécession du Soudan du Sud en 2011 et après tous les échecs politiques, économiques, sociaux que le régime a subis tout au long de ces décennies, depuis qu’il occupe le pouvoir. Ensuite, il y a un autre facteur : le général Omar el-Béchir lui-même n’a jamais assumé de véritables fonctions de leader. Il a toujours été un point d’équilibre entre des forces islamistes, radicales, qui étaient en compétition ; avec d’un côté l’armée, la sécurité et d’un autre côté, les hommes d’affaires qui ont prospéré dans la corruption qui a accompagné la montée de ce régime.

Est-ce qu’il y a une vraie opposition ?
Non, je crois que le régime a fait très clairement un pas de deux : il y a six mois, il a déclaré que tout était ouvert pour un dialogue national. Et puis, Omar el-Béchir est revenu en arrière en disant « un dialogue national, d’accord mais vous commencez par déposer les armes. Il n’est pas question de discuter d’une refonte de la Constitution, d’élections libres, etc ». Donc, il a vidé ce dialogue national de son contenu alors que ce dialogue était prôné par l’Union Africaine à Addis Abeba, par Thabo Mbeki, le leader sud-africain qui a joué un grand rôle dans ce rapprochement entre différentes tendances. Aujourd’hui, il n’y a pas d’espace pour une participation à des élections qui sont jouées d’avance.

Finalement, est-ce qu’on peut parler d’un non-évènement ?
Oui, tout à fait, tout comme les précédentes élections. Je pense aussi que l’Occident a une responsabilité là-dedans parce qu’il a tendance à mettre en avant, toujours, avec l’ONU, le retour à des élections libres et démocratiques dans tous les pays d’Afrique et ailleurs dans le monde, comme si c’était l’alpha et l’oméga de toute transition politique. Or, ces élections sont généralement des coquilles vides dans la mesure où on a du personnel politique qu’on essaie de créer, de mettre en place, des professionnels de la politique, sans rien changer aux structures du pouvoir, à la scène politique. Quand vous n’avez pas de parti avec des dirigeants, avec des programmes, ça ne sert à rien de faire des élections. Alors, je sais qu’au sein du parti au pouvoir à Kharthoum, le Congrès National, il y a une volonté de tout changer sans rien changer, de se débarrasser d’Omar el-Béchir et de tous ceux qui ont du sang sur les mains pour présenter un nouveau visage, qui serait un visage d’affairiste, beaucoup moins braqué sur la religion. Mais ce sont des gens qui finalement les fils de leurs pères et qui n’apportent aucune alternative réelle aux demandes de la population.








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