2015-02-26 18:34:00

L'Œuvre d'Orient inquiète pour le sort des chrétiens de Syrie


(RV) Entretien - Ils sont sans doute plus d’une centaine, certains parlent de trois-cents. On est toujours sans nouvelle des chrétiens assyriens enlevés dans la région d’Hassaké, au nord-est de la Syrie. Ils ont été capturés par l’Etat islamique après une offensive des djihadistes contre leurs villages.

La coalition internationale a mené des frappes ce jeudi contre l’EI autour de la ville de Tall Tamer, dans la province de Hassaké. La ville même d’ Hassaké, où vivent de nombreux chrétiens et de nombreux kurdes, est donc directement menacée.

Sa chute représenterait un drame considérable pour l’ensemble de la région et une victoire symbolique pour l’EI souligne l’Œuvre d’Orient. Joint par Jean-Baptiste Cocagne, son directeur général, Mgr Pascal Gollnisch, nous dit toute son inquiétude :

Que savez-vous de la situation de ces chrétiens à Hassaké ?
Il semblerait que l’ensemble de ces personnes capturées soient des chrétiens assyriens qui avaient fui l’Irak dans les années 1930, parce qu’il y avait eu des massacres de chrétiens déjà à cette époque et qui avaient trouvé refuge en Syrie. Dans l’ensemble, ce sont des gens simples, des agriculteurs, des gens qui vivent du travail de la terre mais qui pour leur malheur, se retrouvent en quelque sorte dans un point de tension en Syrie, dans une région disputée entre les forces gouvernementales, le Daesh et les forces kurdes. Il y a eu, semble-t-il, un mouvement des forces kurdes qui essayent de garder l’autonomie et l’identité de leur région, qui ont repris des villages au Daesh. Et puis, il y a eu une sorte de contre-attaque du Daesh qui fait que ces gens ont été kidnappés dans leur village et déplacés.

Est-ce que le pire est à craindre ? On pense évidemment à ces coptes égyptiens décapités par la branche libyenne de l’État islamique. Est-ce qu’on peut craindre le même sort pour ces chrétiens retenus en otage par l’État islamique en Syrie ?
Nous avons des raisons d’espérer la libération des femmes et des enfants. Quant aux hommes, ils serviraient en quelque sorte de boucliers pour empêcher des représailles face au Daesh et avec des menaces très claires d’atteintes à leur vie. Par conséquent, oui, nous sommes très inquiets. Il y a clairement un risque de vie pour ces populations.

Est-ce que dans ce genre de situations, il y a des canaux de communication, de négociation possible, ou, finalement, on n’a aucune prise sur la tournure des évènements ?
Oui, il y a des communications qui se font en Syrie, entre Syriens. C’est sans doute à cause de cela qu’on peut espérer une libération des femmes et des enfants. Mais oui, les gens se sont parlés.

L’écrivain français Jean d’Ormesson parlait dans une interview de « génocide contre les chrétiens d’Orient ». Qu’en pensez-vous ?
Il a totalement raison. L’expression a déjà été utilisée par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius. Lorsqu’il est venu au mois de juillet au Kurdistan, il a clairement utilisé le terme de « génocide contre les chrétiens ». Vous savez qu’un génocide peut être fait en raison d’une race. Il peut être également fait en raison d’une religion. Ce qui est le cas ici. Une volonté d’épuration s’apparente à une menée génocidaire. Il s’agit bien de vouloir vider la Syrie et l’Irak de ses chrétiens. C’est pour cela que cette action, si les autorités veulent bien en prendre pleinement conscience, pose deux questions : les moyens engagés pour une neutralisation du Daesh, non seulement en Irak mais encore en Syrie. Deuxième question : quel est le chemin pour arriver à arrêter la guerre en Syrie ? Nous avons le sentiment que les positions diplomatiques, occidentales - qu’il ne m’appartient pas de critiquer ici - n’amènent pas de résultat concret sur le terrain. Par conséquent, devant l’intensité du Daesh, devant la montée en puissance du Daesh, nous appelons à une nouvelle mise à plat des positions diplomatiques pour arriver à quelques chose d’efficace. Il faut absolument arrêter cette guerre qui n’a que trop duré. Au-delà des centaines de milliers de morts, il y a évidemment encore plus de blessés, il y a des millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie, des millions de personnes réfugiées dans les pays voisins. Cette guerre n’a que trop duré. Tout semble bloqué, tout semble dans l’impasse. Seules les armes parlent. Il faut absolument mettre quelque chose sur pied qui aboutisse à une véritable efficacité sur le terrain.

Quel est le message que vous souhaitez faire passer aujourd’hui ?
Par rapport au Daesh, où en sommes-nous du contrôle de ses sources de financement ? Est-ce qu’il est encore exact qu’il poursuit ses ventes de pétrole à travers la Turquie ainsi que ses ventes de minerais qui lui donnent donc des ressources pour mener à bien son combat ? Il y a véritablement une action urgente à mener. Je ne sais pas si nous sommes bien conscients de ce que représente le Daesh. Llorsqu’ils ont décapité les Égyptiens, les coptes d’Égypte, ça a été lié à un message. C’était face à la mer, la mer Méditerranée. C’était une sorte d’agression vis-à-vis de l’Europe appelée « le royaume de la croix ». Donc, il faut bien que nous comprenions à qui nous avons affaire. C’est vrai aussi, comme le répète souvent le Pape François, que l’action militaire ne peut jamais être une solution en profondeur au problème. Par conséquent, se pose bien la question, aussi bien en Syrie qu’en Irak, de l’avenir de cette population sunnite. On ne peut pas à la fois dire aux sunnites « vous n’avez pas le pouvoir en Irak parce que vous êtes minoritaires » et de l'autre côté dire « de toute façon, en Syrie, vous êtes majoritaires, vous n’avez pas le pouvoir non plus ». Il y a quand même quelque chose qui ne fonctionne pas. Par conséquent, si on veut arriver à une solution en profondeur, il faut parvenir, aussi bien en Syrie qu’en Irak, à des gouvernements d’unité nationale qui permettent de donner une juste place à chaque groupe.

Vous parliez de l’action diplomatique en Syrie. Il y a quelque chose qui fait beaucoup réagir aujourd’hui, en France, c’est la visite de quatre parlementaires français à Damas qui ont rencontré le président syrien, Bachar al-Assad. Qu’est-ce que vous pensez d’une telle initiative ?
Je pense qu’il faut que les choses bougent en Syrie. La posture des diplomaties occidentales est de réclamer le départ du président Assad depuis quatre ans. Depuis quatre ans, nous ne l’avons pas obtenu. Par conséquent, il faut bien qu’il y ait quelque chose de nouveau qui se passe. Alors, il ne m’appartient pas de commenter une action de parlementaires qui est une action d’ordre politique. Mais je trouverai quand même un peu singulier de se contenter de la condamner sans rien proposer d’autre. Moi, je demande des propositions d’efficacité, et cette visite a au moins le mérite d’essayer quelque chose. Je pense qu’il faut essayer des voies qui mettent un terme à ce conflit. On ne peut pas simplement dire : « voilà, ce conflit va durer encore des années, des années et des années ». Ça provoque le départ des chrétiens du pays, qui risque d’être définitif. Ça provoque des morts, des blessés et des réfugiés.








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