2015-03-09 17:11:00

Fin de vie et soins palliatifs en question


(RV) Entretien- En France, l’Assemblée nationale examine mardi et mercredi une proposition de la loi sur la fin de vie. Le texte n’autorise ni l’euthanasie ni le suicide assisté, mais il prévoit la mise en place d’un droit à la sédation profonde et continue ainsi que la mise en place des directives anticipées qui pourraient désormais s’imposer aux médecins. 

Jeudi dernier, le Pape François avait  rappelé l’importance de l’accompagnement des personnes en fin de vie devant les membres de l’assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie. Nous avons rencontré à cette occasion Marie-Claude Gouttebel, cancérologue et participante « amie » à l’Assemblée pontificale pour la vie. Elle répond aux questions d'Anne-Sophie Saint-Martin : 

Quelque chose de capital, c’est de mettre dans l’esprit des médecins, y compris des jeunes médecins qui sont en train de se former et qui ont une formation très technique et très scientifique- ce qui est bien- une formation beaucoup plus humaine, je dirais de culture palliative qui apprenne à prendre en charge la personne dans toute sa globalité. Si, par exemple on vient de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à une personne, au début, sa maladie existe mais elle n’est peut-être pas majeure et c’est une personne qui peut encore faire certains actes. Puis progressivement, la maladie va s’aggraver. Je pense qu’il y a un devoir d’accompagnement de ces personnes-là, mais qui va demander beaucoup de temps et de mettre en place des choses. Il n’y a pas forcément une pathologie aiguë ou douloureuse, par exemple comme dans le cancer. Mais il y a un accompagnement autre qui est différent dans les actes quotidiens de la vie courante et ça, c’est vrai que ça manque cruellement.

Où on est-on des soins palliatifs en France ?

Le développement des soins palliatifs est très en retard. Là, il va y avoir une proposition de loi qui a déjà été déposée et discutée en commission sociale les 17 et 18 février dernier et qui va être discutée à l’Assemblée nationale le 10 mars prochain dans le rapport qui a été fait par les deux députés qui étaient missionnés pour faire un état des lieux. Il était clairement indiqué qu’il n’y avait pas assez de soins palliatifs en France. Et pour les personnes âgées, n’en parlons pas ! Comme elles sont déjà dans des institutions, on ne s’en occupe pas ou peu, en tout cas en termes de soins palliatifs. Et puis même pour le domicile parce qu’il y a quand même des familles qui souhaitent garder leur famille à domicile mais c’est pareil, il n’y a pas suffisamment de développement des soins palliatifs. Et je pense que les médecins généralistes se sentent souvent trop démunis et pas assez épaulés par des équipes qui ont l’habitude de faire du soin palliatif. Donc, de ce fait-là, ils ont du mal à prendre en charge à domicile les patients et souvent, les patients sont orientés vers les urgences ou là, malheureusement, la fin de vie peut parfois arriver dans les heures qui suivent leur admission et de façon dramatique, dans des conditions déplorables, qui feraient dire qu’en France, on meurt mal.

Pourquoi ces soins ne sont-ils pas assez développés en France ? Est-ce que vous pouvez nous parler des coûts et des profits que cela représente ?

Pour ce qui est de la France, en tout cas, je ne pense pas qu’on puisse parler de profit. Au contraire, parce qu’en France, nous avons ce qu’on appelle la tarification à l’acte, la tarification T2A et justement, les soins palliatifs sont dévalorisés, ils ne rentrent pas dans cette tarification. Et en fait, l’accompagnement des personnes malades, âgées ou non, chroniques, en soins palliatifs par les médecins ne donnent pas de profit à l’hôpital. Et je pense que c’est peut-être une des raisons pour laquelle on est en retard dans le développement des soins palliatifs. Ce n’est pas bénéfique.

Comment vont évoluer les soins palliatifs selon le projet de loi sur la fin de vie qui sera en discussion à l’Assemblée à partir du 10 mars ?

Alors, moi, je suis très inquiète de ce projet de loi qui se prépare. Pour resituer un tout petit peu le contexte, en 2005, il y a eu la loi dite la loi Leonetti, votée unanimement, qui est, à mon sens, une loi très équilibrée, qui répond bien aux questions par rapport à tout ce qui concerne l’obstination déraisonnable, l’accompagnement et les soins palliatifs. Donc, les deux députés ont fait un rapport et on fait une proposition de loi. Personnellement, cette proposition de loi ne me satisfait pas, parce qu’elle introduit de nouveaux droits et en particulier, un droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès du patient. Habituellement, on l’utilise de façon intermittente pour, par exemple, passer un cap aigu. Parfois, on peut effectivement être amené à l’utiliser de façon continue, jusqu’au décès du patient mais avec des doses qu’on manipule très bien de médicaments et sans jamais avoir l’intention de donner la mort aux patients.

Dans la proposition de loi, cette sédation est associée systématiquement à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation qui sont considérés comme des traitements. L’alimentation n’est pas un traitement. L’hydratation n’est pas un traitement. Ce sont des soins de base. Et donc, il n’y a aucune raison de lier la sédation à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, parce que ça veut dire que si on fait ça, clairement, on n’a qu’une idée en tête, c’est de laisser mourir le malade de faim et de soif et qu’on l’endorme pour qu’il ne sente pas la faim et la soif. Donc, c’est quelque part une euthanasie qui est masquée. Un autre élément de cette proposition de loi, ce sont ce qu’on appelle les directives anticipées, c’est-à-dire que c’est quelque chose qui existait déjà dans la loi Leonetti de 2005 : les malades peuvent dire à l’avance, écrire que s’ils sont en fin de vie, soit on va effectivement les réanimer à toute force ou au contraire, on va éviter l’acharnement thérapeutique et promouvoir les soins palliatifs. Mais ces directives anticipées pourraient devenir contraignantes. Du coup, on limite les possibilités d’action du médecin parce que ça veut dire qu’il est « obligé d’obéir » à ce qu’a dit le malade. Si jamais le malade a clairement écrit qu’il demandait à ce qu’on mette fin à ces jours en cas de maladie terminale, je dis quid de la clause de conscience du médecin ? 

 

 








All the contents on this site are copyrighted ©.