2015-03-09 12:32:00

Paul VI et le mouvement de l'indépendance des pays d'Afrique


(RV) – Entretien : Le 01 juillet 1970, le Pape Paul VI a accordé une audience Amilcar Cabral, Agostinho Neto et Marcelino dos Santos, trois grands militants pour l’indépendance. Cette audience de Paul VI allait changer le cours de l’histoire des colonies portugaises.

Dans le cadre de cette commémoration, du 05 au 06 mars s’est tenue dans la salle Marconi de la Radio Vatican, une Conférence internationale sur « la contribution du Pape Paul VI, de l’Eglise catholique et de l’Italie dans le processus d’indépendance des pays africains : le cas des Palop ». Les Palop sont les Pays africains de langue officielle portugaise qui regroupent l’Angola, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique et São Tomé-et-Principe. Plusieurs autres pays de langue portugaise ont également participé à cette rencontre.

Le Dr Jean Leonard Touadi, Professeur à l’Université de Tor Vergata à Rome et spécialiste des questions africaines, qui a participé à ces travaux a bien voulu confier à Honoré Onana Olah ce que représente une telle rencontre pour l’Afrique et le reste du monde : 

Ce fut une rencontre de très haut niveau avec des témoins exceptionnels dont la veuve d'Amilcar Cabral – fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert – la veuve et la fille d’António Agostinho Neto – leader de l’Angola et du Cap-Vert – et plusieurs autres personnalités très importantes, témoins oculaires dont le Président Pedro Pires, ex-président du Cap-Vert et Président de la Fondation Amilcar Cabral. Cela rentre dans le cadre du processus de décolonisation des pays de langue portugaise à travers l'audience accordée par le Pape Paul VI aux leaders des mouvements de libération des colonies portugaises en 1970. Cet évènement a fait date et représenté un tournant dans la conscience de l'opinion publique mondiale dans la lutte de ces peuples pour leur indépendance. Une audience qui a bousculé les calculs du Portugal. C'est à partir de ce moment que le Portugal a pensé accélérer le mouvement de l'indépendance.

Quel est a été le principal apport de Paul VI pour cette indépendance ?

Déjà dès les documents conciliaires on parlait de décolonisation comme un des défis de la société moderne ou contemporaine à l’époque. Paul VI quand il se rend à Kampala (Ouganda) où il a canonisé les martyrs de l’Ouganda en parle. Et dans plusieurs de ces documents, Paul VI a également parlé de décolonisation, de libération des peuples et du développement des peuples du « Tiers-Monde ». C’est dans le sillage de ce magistère et de cette pensée théologique que le Pape Paul VI a très courageusement et de façon très prophétique, bousculé l’étiquette de la diplomatie vaticane pour pouvoir recevoir au Vatican les trois leaders. Cela a été un message très fort et très prophétique, de voir le Pape qui prend position contre la colonisation en faveur de l’autodétermination des peuples.

Est-ce qu’on peut dire qu’on peut dire clairement que c’est grâce au Pape Paul VI, l’Afrique (du moins) les pays de langue officielle portugaise ont pu parvenir à leur indépendance ?

Il suffit pour s’en convaincre de lire ce que Amilcar Cabral a écrit lui-même sur ces évènements. Il écrit en 1977, peu de temps avant son assassinat, qu’il reconnait de façon officielle l’importance de cette audience qui a été un point de non-retour du mouvement des indépendances. Sans cette audience, le Portugal aurait toujours eu au niveau mondial, l’appui de ses alliés occidentaux et dans un contexte de guerre froide, le Portugal pouvait toujours allégué le fait que si ces pays devenaient indépendants, ils auraient tout de suite basculé dans le camp des soviétiques et des communistes. Paul VI a réaffirmé au-delà de toute logique de guerre froide, le droit authentique des peuples à l’auto-détermination, à leur dignité et à la réappropriation de leur destin. Cela a été incontestablement le point le plus fort de la décolonisation des colonies portugaises.

Le Pape Paul VI a-t-il joué un rôle majeur en ce qui concerne les autres pays de langue anglaise ou française ?

On parle beaucoup de Jean Paul II comme le « Pape Africain », en vertu des nombreux voyages, qu’il a effectué sur le continent. Mais le rôle de pionnier par rapport à une attention accrue, une attention intelligente, une écoute fervente de ce qui se passait de nouveau sur le continent africain a été ce que Paul VI a fait peu de temps après son élection comme souverain pontife. Il a notamment fondé une association qui va fonder un hôpital en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie). Il a toujours eu une attention particulière par rapport aux Eglises africaines, aux pasteurs africains, aux intellectuels africains qu’il connaissait très bien. On peut affirmer que l’Eglise catholique et surtout le concile Vatican II avec Paul VI a grandement contribué aux mouvements des émancipations politiques, culturels et social du continent africain.

Le mot de la fin ?

Durant ce colloque au Vatican sur l’audience que le Pape Paul VI a accordé à ces trois leaders indépendantistes africains, la question qui s’est réellement posée a été de savoir 40 ans après qu’est-ce que ces pays ont fait de leur indépendance ? qu’est-ce que l’indépendance a apporté aux peuples et aux communautés africaines ? Donc un bilan a été tracé par le Président Pires du Cap Vert, pour dire ce que nous avons fait de nos indépendances ? Sur ce point de vue on a un bilan mitigé, mais aussi beaucoup de lumières, en parlant notamment des performances du Mozambique, du Cap-Vert, de l’Angola, mais il y a encore beaucoup à faire dans le rééquilibre social, dans la distribution des richesses, en matière de démocratie, du pluralisme et du respect des droits de l’homme.

Donc 40 ans c’est pas beaucoup, mais c’est suffisant pour prendre les mesures de ce qui s’est passé et essayer d’envisager un futur tout à fait différent à la hauteur du rêve que Paul VI et tous les leaders avaient pensé pour ces pays.








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