2015-04-27 18:11:00

La ville : lieu de fractures ou de solidarités ?


(RV) La ville est une matrice lumineuse et obscure à la fois. Elle peut se transformer en Babel, le lieu où les hommes sont juxtaposés sans se comprendre, parlant des langues différentes, ou en Jérusalem, la ville de la paix, de lumière et d'espérance, où chacun trouve sa place, en adéquation avec son voisin. Cette problématique était au cœur de la rencontre du « parvis des étudiants », organisée lundi matin par le Conseil pontifical pour la Culture au MAXXI de Rome, le Musée national des arts du XXI° siècle. Les intervenants ont été écoutés par un public de lycéens. 

Au fil de l’Histoire, les villes se sont profondément transformées. Autrefois creuset favorisant l’intégration, elles sont souvent décriées aujourd’hui comme des lieux de violence, de délinquance, de trafics en tous genres, voire d’exploitation et de corruption. « On venait en ville pour trouver du travail et l’on pouvait alors s’appuyer sur un réseau, une solidarité de quartier, des familles », se souvient Giuliano Amato, 76 ans, ancien président du Conseil italien et président de la fondation « parvis des Gentils », lorsque il s’installa à Rome après ses années de jeunesse en Toscane.

Imaginer la ville comme un jardin

La géographie sociales des villes s’est métamorphosée au fil du temps, et a conduit à des impasses urbanistiques : des quartiers coupés du centre, des zones d’habitat anarchiques, où les migrants s’entassent dans des conditions précaires, des espaces verts quasi-absents des paysages. « Les communautés se construisent autour des centres commerciaux », déplore l’architecte Massimo Alvisi, membre de l’atelier Renzo Piano Building Workhop, qui travaille notamment sur la réhabilitation de quartiers périphériques de la ville de Rome.

« Un environnement dégradé finit par dégrader les comportements », poursuit Francesco Spano, secrétaire général de la fondation MAXXI, confirmant ce qu’ont révélé plusieurs études sociologiques. Pour redynamiser la ville et en faire un véritable lieu de la rencontre et de l’intégration, il est ainsi nécessaire d’être à l’écoute de ces citoyens qui vivent dans les périphéries. C’est ce que développe Massimo Alvisi dont l’un des projets de redynamisation urbaine passe par des tables rondes hebdomadaires avec les habitant de Battipaglia, une ville de Campanie où vivent 50'000 habitants, mais coupée du reste du monde « avec seulement deux jardins publics », précise l’architecte. « On devrait imaginer la ville comme un jardin », poursuit-il, c’est-à-dire un lieu « où l’on prend soin ». De soi-même et des autres.

Beauté des villes et beauté de soi

Lors de cette rencontre, les intervenants ont rappelé combien la cité est à repenser comme un ensemble organique, vivant, organisé traditionnellement autour d’espaces où l’homme se nourrit, dort, prie, travaille. Une dynamique qui s’est hélas déréglée dans de nombreuses métropoles, Rome en particulier. Les intervenants tout comme le public des lycéens ont souligné la dégradation du service public dans la capitale italienne, comme ce qui concerne la propreté ou les carences dans les transports. Mais ils ont aussi rappelé le formidable patrimoine historique, artistique et urbain de la Ville éternelle.

« Il faut libérer l’énergie de chaque citoyen afin de retrouver une façon de vivre ensemble », souligne l’écrivain Eraldo Affinati, qui a créé un institut enseignant la langue italienne aux migrants, premier sésame vers une intégration réussie. Ainsi, la ville s’embellie si l’on fait de l’intégration un facteur de développement. « Comment prendre en compte la beauté qui nous entoure ? » demeure ainsi une question en suspens mais qui devient urgente. « Il est nécessaire de toujours s’interroger sur notre capacité à s’émerveiller, conclut Francesco Spano, la beauté des villes vient d’abord de celle que nous avons au plus profond de nous, celle que nous avons la responsabilité de faire émerger, de cultiver et de partager ».

Olivier Bonnel








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