2015-04-28 17:58:00

L'ASEAN, d'une seule voix contre la Chine ?


(RV) Entretien – Le ton monte entre Pékin et ses voisins asiatiques. Réunis pour son sommet annuel dimanche et lundi, l’ASEAN a ainsi accusé la Chine de prendre « le contrôle de la mer de Chine méridionale ». Une zone convoitée par les pays limitrophes depuis des décennies.

Des photos satellites publiées par un think-tank américain ont ainsi révélé récemment que la Chine procédait à l'aménagement de ports artificiels sur des récifs coralliens des îles Spratleys, des ilots situés non loin des côtes des Philippines, du Vietnam, de Brunei, de Malaisie et de Taïwan.

Il s’agit d’une route maritime stratégique pour l’approvisionnement de la région, et susceptible de contenir d’importantes réserves pétrolières et gazières.

Les travaux menées par la Chine pourraient ainsi  « ébranler la paix, la sécurité et la stabilité » de la région ont estimé les nations du sud-est asiatique.

Pour Sophie Boisseau du Rocher, chercheur associée à l’IFRI, cet avertissement contre la Chine est un ultime appel au dialogue, comme elle le confie à Anne-Sophie Saint-Martin

« Il me semble que c’est effectivement assez sérieux, parce que l’ASEAN a été relativement conciliante avec la Chine jusqu’ici. Et donc, le fait qu’elle tire aujourd’hui la sonnette d’alarme montre bien qu’un pallier a été atteint et qu’elle tolérerait difficilement que la Chine aille plus loin dans sa stratégie d’occupation de la Mer de Chine méridionale.

L’ASEAN représente un ensemble de pays très hétérogènes qui jusqu’à présent avait plutôt des échanges bilatéraux avec la Chine. Parler d’une seule voix, face à Pékin, est-ce un tournant ?

Il faut s’inquiéter du fait que l’ASEAN, aujourd’hui, décide publiquement de faire une déclaration de ce type. On a en mémoire la réunion de juillet 2012 où l’ASEAN avait conclu la réunion sans déclaration commune, précisément parce que le Cambodge avait fait des propositions qui ne convenaient ni au Vietnam ni aux Philippines.

Le fait qu’aujourd’hui, l’ASEAN soit capable de parler d’une seule voix montre bien non seulement le degré d’inquiétude qui l’anime mais également la détermination de ses membres à véritablement s’opposer ensemble aux ambitions chinoises.

Cela fait plusieurs décennies que les îles et atolls de la mer de Chine méridionale sont l’objet de revendications de la part des pays riverains parmi lesquels la Chine, le Vietnam, les Philippines, la Malaisie mais aussi l’Indonésie et le sultanat de Brunei. L’intérêt est-il avant tout stratégique ?

L’intérêt est avant tout stratégique évidemment, puisque cette mer est un passage fort emprunté par les marines à la fois régionales et étrangères. Mais il y a également des intérêts économiques, notamment l’exploitation des ressources hydrocarbures, des pêches. On oublie généralement la pêche, mais c’est un point important.

Il y a là tout un ensemble de raisons qui font que l’enjeu dépasse largement le seul cadre géostratégique, bien que celui-ci prédomine, dans une course à la puissance entre la Chine et les États-Unis. Il est évident que la Chine a besoin de cette mer pour pouvoir sortir de ses eaux territoriales. Et donc, elle explique qu’elle considère cet espace maritime comme un espace national.

La signature en 2002 de la déclaration sur la conduite des parties en mer de Chine méridionale n’est plus qu’un lointain souvenir ?

Pas du tout, puisqu’il y a aujourd’hui des négociations qui ont repris pour un code de conduite et pas seulement une déclaration d’intention comme c’était le cas en 2002. Donc, les discussions se tiennent.

Je pense que précisément la déclaration de l’ASEAN s’inscrit dans cette stratégie ; ramener la Chine vers la négociation. Vous savez que la Chine avance par étape. Elle a revendiqué sur le plan juridique cet espace et puis ensuite, elle a occupé cet espace, elle y installe des infrastructures à la fois aéroportuaires et puis des plateformes pétrolières. Donc, aujourd’hui, l’important est de dire qu’on arrête ses constructions et on revient à la table des discussions.

La vraie question, c’est – si la Chine refuse – qu’est-ce que l’ASEAN peut faire ? C’est là effectivement une question stratégique pour l’avenir de la sécurité en Asie orientale. Les pays de l’ASEAN ont quand même quelques atouts, c’est-à-dire que si une solution, un règlement, était trouvé entre la Chine et l’Asie du sud-est, il est évident que le statut international voire mondial de la Chine en sortirait largement renforcé. »








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