2015-07-13 19:51:00

Ce que le Pape a dit dans l'avion du retour d'Amérique Latine


(RV) Comme le veut la tradition, le Pape a donné une conférence de presse dans l'avion du retour de son voyage apostolique. L'occasion pour le Souverain Pontife de revenir en détails sur les temps forts et les rencontres de son voyage apostolique de huit jours en Amérique Latine, l'occasion aussi de parler de sujets brûlants d'actualité, comme la crise grecque.

L’actualité s’est en effet invitée lors de la conférence de presse. Que pense François du cas grec ? « Ce serait trop facile de dire que la faute est celle d’un seul camp » a t-il répondu. Le Pape se refuse de donner raison à qui que ce soit. « Les gouvernements grecs qui ont conduit le pays à cette situation de dette internationale ont une responsabilité. Avec le nouveau gouvernement on a vu une révision assez juste ». Le Pape espère qu’une voie sera trouvée pour résoudre le problème grec, mais aussi un outil de « surveillance » pour que d’autres pays « ne tombent pas » dans le même problème, car « cette voie des prêts et des dettes ne finit jamais ». Le Pape argentin s’interroge : si une entreprise fait faillite, pourquoi un pays ne le pourrait-il pas, afin qu’on lui apporte de l’aide ?

Le Pape a également été interrogé à plusieurs reprises sur son discours devant les mouvements populaires, le Pape avait alors, notamment, critiqué les politiques d’austérité, mais aussi le système économique actuel qui impose le profit à tout prix.

 « L’économie d’aujourd’hui tue ». Expression revendiquée de François qu’on retrouve dans Laudato Si' et Evangelii Gaudium. Un propos qui est mal perçu aux Etats-Unis, terre capitaliste, souligne un journaliste. Le Pape dit avoir pris connaissance de critiques, mais n’a pas encore eu le temps de les étudier pour pouvoir dialoguer. Il le fera avant septembre, date de son prochain voyage à Cuba et aux Etats-Unis. Deux pays dont il se réjouit du rapprochement historique annoncé le 17 décembre dernier.

La diplomatie du Saint-Siège, la médiation ?

Concernant le rôle du Saint-Siège, le Pape réfute le terme de « médiation ». Il a assuré avoir seulement prié, et que le mérite revenait à la bonne volonté des deux pays . « Nous n’avons presque rien fait, seulement de petites choses ». François se félicite que les deux pays aient ensemble « gagné la paix, la rencontre, l’amitié, la collaboration ». Il se dit en revanche préoccupé par les négociations de paix en Colombie. « Après 50 ans de guerre et tant de morts, nous devons prier pour que ce processus ne s’arrête pas ». Prière exaucée, puisque dimanche, le gouvernement colombien et la guérilla des Farc ont conclu un accord portant sur la désescalade du conflit, dans un contexte pourtant de recrudescence des combats.

Le Pape accepterait-il de servir de médiateur entre le Chili et la Bolivie pour que La Paz ait, comme elle le souhaite, un accès à la mer ? La Bolivie a déposé un recours auprès de la Cour internationale de justice de La Haye. Respectueux, François estime qu’« il faut attendre la décision du tribunal international ». Le pape s’abstient de commentaires. Il ne veut pas « s’immiscer dans la souveraineté d’un autre Etat ». Il souhaite cependant que de saines négociations puissent avoir lieu entre les deux pays.

L’Eglise ne cautionne pas l’anarchie

Mais pourquoi François ne parle-t-il pas plus aux classe moyennes ? « Je vous remercie pour votre aide », lance le Pape au journaliste qui l’interroge. Tout en soulignant la valeur « des personnes communes », François reconnaît qu’il s’adresse aux puissants et aux pauvres, car « le monde est polarisé. La classe moyenne devient de plus en plus petite, et la polarisation entre les riches et les pauvres est grande », et s’il parle des pauvres, « c’est parce qu’ils sont au cœur de l’Evangile ».

S’il se focalise sur les mouvements populaires, c’est que ces derniers représentent « une réalité très grande dans le monde » en Amérique Latine, mais aussi en Orient, en Inde, aux Philippines, en Thaïlande... « Ce sont des personnes qui ne se sentent pas représentées par les syndicats parce que, disent-ils, les syndicats sont une corporation qui ne s’intéressent pas aux plus pauvres ». Or, l’Eglise ne peut être indifférente, elle a une doctrine sociale et dialogue avec eux. François précise qu’en soutenant ces mouvements populaires, « l’Eglise ne fait pas un choix pour la voie de l’anarchie ». D’ailleurs, « ces mouvements s’organisent entre eux, pas seulement pour protester »,  « ce ne sont pas des anarchistes, ils travaillent (...) pour aller de l’avant et pouvoir vivre ». Sur ce chemin, « l’Eglise n’est pas lointaine, elle les aide à lutter ».

Le crucifix en forme de marteau et de faucille

Concernant le cadeau d’Evo Morales, un crucifix en forme de faucille et de marteau, le Pape s’est dit tout d’abord « étonné ». « Je ne savais pas que le père Luis Espinal était sculpteur et aussi poète, je l’ai su ces jours-ci et ce fut pour moi une surprise ». Cette œuvre relève de « l’art de la contestation, qui peut, dans certains cas, être offensif ». Dans ce cas concret : le père Espinal a été tué en 1980, au moment de la théologie de la libération, une théologie qui avait de nombreuses déclinaisons, et une de celles-là utilisait l’analyse marxiste de la réalité, et le père Espinal adhérait à ce courant. Le Pape rappelle qu’à l’époque le Supérieur général des jésuites, le père Arrupe a écrit une lettre adressée à toute la Compagnie de Jésus sur l’analyse marxiste de la réalité pour tâcher de l’enrayer. « Non, cela ne va pas ».

Quatre années plus tard, François souligne qu’en 1984, la Congrégation pour la Doctrine de la foi a publié « un petit volume, le premier sur la théologie de la libération pour la critiquer ». François invite à faire l’herméneutique de cette époque. « Espinal était enthousiasmé par cette analyse de la réalité marxiste, ainsi que de la théologie utilisant le marxisme. C’est de là que vient cette œuvre. Les poésies d’Espinal appartiennent également à ce genre de la contestation, mais c’était sa vie, sa pensée, c’était un homme spécial, avec tant de génie humain, et qui luttait de bonne foi. En faisant une herméneutique de genre, je comprends cette œuvre. Et pour moi, (ce cadeau) n’a pas été une offense. Mais j’ai dû faire cette herméneutique et je vous le dis pour qu’il n’y ait aucune opinion erronée ». Le Pape a conservé le Christ offert par le président bolivien.

Tout au long de la conférence de presse, le pape François a insisté sur ce concept d’herméneutique. Il a même donné un conseil aux journalistes : « un texte ne peut s’interpréter avec une seule phrase, l’herméneutique doit se faire selon le contexte. Si on parle du passé, il faut interpréter ce fait avec l’herméneutique de cette époque ».

Enfin comment a-t-il tenu le rythme tout au long de ce voyage ? François a misé sur le maté, il précise qu’il n’a pas touché aux feuilles de coca, « que ce soit clair ! » a t-il conclu dans un sourire. 








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