2015-10-28 16:36:00

50e anniversaire de "Nostra Aetate" : la ligne de crête du dialogue interreligieux


(RV) À l’occasion du 50° anniversaire de Nostra Aetate (À notre époque), la déclaration conciliaire sur les relations de l’Église catholique avec les religions non-chrétiennes, un Congrès international a été organisé du 26 au 28 octobre à l’université pontificale Grégorienne, à Rome. Objectif : commémorer cet événement fondateur et analyser ses répercussions depuis sa promulgation. Romilda Ferrauto s'est rendue à la session inaugurale.

Dans la grande salle de l’Université pontificale Grégorienne, pleine à craquer, les voiles islamiques côtoient les habits monastiques des religieuses chrétiennes, l’orange safran des bonzes bouddhistes se mêle aux turbans noirs des sikhs et aux kippas des juifs. Réunis sous le signe du dialogue interreligieux, les participants, chrétiens, musulmans, hindous, jaïnistes. Ils sont tellement nombreux que certains ont dû se résigner  à suivre l’évènement sur des écrans installés dans une salle attenante.

« Dialoguer, souligne un intervenant, ne veut pas dire négocier un compromis en vue de l’établissement d’une seule religion pour tous. C’est respecter l’autre et reconnaître dans sa tradition la recherche de Dieu qui nous anime. C’est œuvrer ensemble pour un monde meilleur. Le dialogue il faut le pratiquer tous les jours, par le biais de relations fraternelles et d’amitié.»

«C’est un engagement spirituel, un devoir humain et religieux auquel on ne peut se soustraire, insiste le Père Dumortier, recteur de la Grégorienne. C’est dire la pertinence de la déclaration conciliaire Nostra Aetate et la détermination de l’Église catholique à rencontrer les religions non-chrétiennes.»

A l’écoute d’un monde en pleine mutation, le Concile Vatican II avait reconnu, pour la première fois dans l’histoire, que des éléments de vérité et de grâce pouvaient être présents dans les autres religions. Cette déclaration a d’ailleurs failli être retirée de l’agenda et son adoption, présentée comme un acte de courage, ne fut pas facile.

« Beaucoup a été fait en 50 ans, mais beaucoup reste encore à faire », a relevé le Père Miguel Angel Ayuso Guixot, Secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. « Il y a eu des paroles, a-t-il insisté, mais aussi des silences ». Organisateurs de ce congrès, le Conseil pour le dialogue interreligieux et la Commission pour les rapports avec le judaïsme (organe sous l'autorité du Conseil pontifical pour l'Unité des chrétiens) souhaitent que cette commémoration encourage à marcher ensemble pour affronter avec réalisme les défis de notre temps, à une époque où certains voudraient éclipser le rôle des religions sur la scène publique tandis que d’autres osent utiliser le nom de Dieu pour justifier les pires atrocités.

« Nous vivons dans un monde dangereux, mais si nous ne sortons pas, nous risquons d’étouffer à l’intérieur », assure depuis Jérusalem le Père David Neuhaus, vicaire patriarcal pour la communauté de langue hébraïque d’Israël, dans une vidéo réalisée pour l’occasion. Quand les cœurs se rencontrent, il arrive souvent que les têtes parviennent aussi à se rencontrer. La marche à suivre c’est donc aimer, connaître, surmonter les préjugés.

Soucieux de ne pas s’en tenir à une simple commémoration et de se montrer attentifs aux problèmes actuels, les organisateurs ont choisi de consacrer une partie des  débats à l’engagement des religions pour la paix et au défi de la liberté religieuse. La conclusion des travaux, confiée au cardinal Secrétaire d’État, Pietro Parolin, a été placée sous le signe de l’éducation à la paix.

Conçue au départ pour tendre la main au monde juif, après l’horreur de la Shoah, Nostra Aetate a marqué un tournant dans la vie de l’Église, notamment en ce qui concerne la redécouverte des racines juives de la religion chrétienne, après des siècles d’enseignement du mépris qui avaient alimenté l’antisémitisme. La perspective s’est ensuite élargie aux autres religions non-chrétiennes.

« Pour les chrétiens, a relevé le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le judaïsme est beaucoup plus que l’une des religions non-chrétiennes. Entre le judaïsme et le christianisme, il y a un rapport unique. Le judaïsme est la religion dont les chrétiens sont issus ; les juifs sont nos frères aînés. » Aujourd’hui, des rabbins pensent que les temps sont mûrs pour aborder les questions théologiques dans le dialogue judéo-chrétien.

Lors d’une conférence de presse mercredi matin, le rabbin David Rosen, du Comité juif américain a affirmé que Nostra Aetate avait marqué un tournant historique. après 2000 ans de haine. De son côté, le secrétaire général du Centre culturel islamique d’Italie, Abdallah Redouane, a chaleureusement remercié le Pape François pour ses gestes à l’égard des musulmans. « Le monde, a-t-il dit, a besoin de son autorité. »

Romilda Ferrauto








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