2015-11-30 10:53:00

Immense joie pour la dernière messe du Pape en Centrafrique


(RV) Le Pape François a présidé ce lundi matin, 30 novembre 2015, l'ultime messe de sa tournée en Afrique. Plusieurs dizaines de milliers de Centrafricains étaient rassemblés au stade Barthélémy Boganda, du nom du père de l'indépendance centrafricaine.

Le reportage de Romilda Ferrauto, notre envoyée spéciale à Bangui :

Difficile de décrire l’enthousiasme qu’a suscité son arrivée au stade Boganda plein à craquer. Pourtant habitué aux bains de foule, le Pape François semblait lui aussi impressionné par cette explosion de joie. Signe du climat de joie qui règne à Bangui, l’Imam Kobine Layama, le membre musulman de la plateforme interreligieuse a lui aussi été ovationné. La présidente Catherine Samba Panza et tous les membres du gouvernement de transition étaient présents. De nombreux fidèles s’abritaient du soleil de plomb sous des parapluies jaunes et blancs aux couleurs du Vatican. Certains chantaient en sango : le Pape est venu à Bangui, tout le monde a pu le voir. Jusqu’au dernier jour, beaucoup ne croyaient pas que cette visite puissent avoir lieu en raison des risques sécuritaires.

Avant de commencer la célébration, le Saint-Père a béni une statue noire de la Vierge Marie, une Vierge africaine. Il tenait en guise de crosse une simple croix également en bois d’ébène, un de ces bois précieux, richesse du pays. Cette croix lui avait été offerte la veille par la communauté de la cathédrale de Bangui. Sur le plan liturgique l’accent a été mis sur l’inculturation. Pour cette messe, le folklore centrafricain s’est déployé dans toute sa richesse, danses, chorégraphie, rythme, percussions, instruments typiques. Avant la lecture de l’Évangile, un tam-tam a résonné pour prévenir qu’un message fort allait être délivré, la Bonne Nouvelle. Au son des cors traditionnels, l’Évangéliaire a été porté en procession dans une pirogue enveloppée d’un drapeau du Vatican était portée en procession, rappelant symboliquement l'arrivée des premiers missionnaires dans le pays. À l’intérieur se trouvait un enfant. A l’offertoire, chaque diocèse a porté des dons typiques à l’autel, des fruits, des peaux d’animaux, une crosse en bois. 

Romilda Ferrauto (envoyée spéciale à Bangui)

La pédagogie de la prière et de la réconciliation

Dans son homélie, prononcée en italien mais traduite simultanément en sango, la langue locale, François a invité la foule à rendre grâce au Seigneur, entre autres, «pour l’audace qu’il met en nos âmes de vouloir créer des liens d’amitié, de dialoguer avec celui qui ne nous ressemble pas, de pardonner à celui qui nous a fait du mal, de nous engager dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle où personne n’est abandonné. En tout cela, le Christ ressuscité nous prend par la main, et nous entraîne à sa suite. Et je veux rendre grâce avec vous au Seigneur de miséricorde pour tout ce qu’il vous a donné d’accomplir de beau, de généreux, de courageux, dans vos familles et dans vos communautés, lors des évènements que connaît votre pays depuis plusieurs années.»

Mais François a rappelé que la miséricorde et la réconciliation ne doivent jamais être considérées comme des acquis définitifs, car elles relèvent d'un combat spirituel du quotidien : «Tout baptisé doit sans cesse rompre avec ce qu’il y a encore en lui de l’homme ancien, de l’homme pécheur, toujours prêt à se réveiller à la suggestion du démon – et combien il est agissant en notre monde et en ces temps de conflits, de haine et de guerre –, pour l’entrainer à l’égoïsme, au repli sur soi et à la méfiance, à la violence et à l’instinct de destruction, à la vengeance, à l’abandon et à l’exploitation des plus faibles…»

«Nous savons aussi combien nos communautés chrétiennes, appelées à la sainteté, ont encore de chemin à parcourir. Certainement nous avons tous à demander pardon au Seigneur pour trop de résistances et de lenteur à rendre témoignage de l’Évangile. Que l’Année Jubilaire de la Miséricorde, qui vient de commencer dans votre pays, en soit l’occasion», a-t-il insisté.

Dans son discours de remerciement, l'archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, a remercié le Pape pour ces journées «inoubliables, inscrites assurément dans notre cœur, et dans l'histoire de notre pays, le début d'une ère pour tout le peuple centrafricain»

Après la cérémonie, le Pape François a offert un ostensoir à chacun des évêques centrafricains, pour inviter chaque diocèse à l'adoration perpétuelle. Une dame âgée a offert au Pape une marmite traditionnelle, avec de la terre à l'intérieur, et le Pape l'a bénie, bénissant ainsi, symboliquement, la terre de la Centrafrique.

Par ailleurs, en ce jour de la fête de la Saint-André, le Pape François a tenu, «du cœur de l'Afrique», à saluer le patriarche de Constantinople, Bartholomée 1er. «Je lui formule des voeux de bonheur et de fraternité, et je demande à Dieu de bénir nos Églises soeurs», a déclaré le Pape François à la fin de cette messe qui clôture cette première tournée africaine du Pape François.

Texte intégral de l'homélie du Pape François :

«Nous pouvons être étonnés, entendant la première lecture, de l’enthousiasme et du dynamisme missionnaires qui habitent l’Apôtre Paul. «Comme il est beau de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle» (Rm 10, 15) ! C’est pour nous un appel à rendre grâce pour le don de la foi que nous avons reçu de ces messagers qui nous l’ont transmis. C’est aussi un appel à nous émerveiller devant l’œuvre missionnaire qui a porté pour la première fois  - il n’y a pas si longtemps - la joie de l’Évangile sur cette terre bien aimée de Centrafrique. Il est bon, surtout lorsque les temps sont difficiles, lorsque les épreuves et les souffrances ne manquent pas, lorsque l’avenir est incertain et que l’on se sent fatigué, craignant de ne plus y arriver, il est bon de se réunir autour du Seigneur, ainsi que nous le faisons aujourd’hui, pour se réjouir de sa présence, de la vie nouvelle et du salut qu’il nous propose, comme une autre rive vers laquelle nous devons tendre.

Cette autre rive c’est, bien sûr, la vie éternelle, le ciel où nous sommes attendus. Ce regard porté vers le monde à venir a toujours soutenu le courage des chrétiens, des plus pauvres, des plus petits, dans leur pèlerinage terrestre. Cette vie éternelle n’est pas une illusion, elle n’est pas une fuite du monde ; elle est une puissante réalité qui nous appelle et qui nous engage à la persévérance dans la foi et dans l’amour.

Mais l’autre rive, plus immédiate, que nous cherchons à rejoindre, ce salut procuré par la foi et dont parle Saint Paul, est une réalité qui transforme déjà notre vie présente et le monde dans lequel nous vivons : «Celui qui croit du fond du cœur devient juste» (Rm 10,10). Il accueille la vie même du Christ qui le rend capable d’aimer Dieu et d’aimer ses frères d’une façon nouvelle, au point de faire naître un monde renouvelé par l’amour.

Rendons grâce au Seigneur pour sa présence et pour la force qu’il nous donne dans le quotidien de nos vies lorsque nous sommes confrontés à la souffrance physique ou morale, à une peine, à un deuil ; pour les actes de solidarité et de générosité dont il nous rend capables ; pour la joie et l’amour qu’il fait briller dans nos familles, dans nos communautés, malgré, parfois, le dénuement, la violence qui nous entoure ou la crainte du lendemain ; pour l’audace qu’il met en nos âmes de vouloir créer des liens d’amitié, de dialoguer avec celui qui ne nous ressemble pas, de pardonner à celui qui nous a fait du mal, de nous engager dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle où personne n’est abandonné. En tout cela, le Christ ressuscité nous prend par la main, et nous entraîne à sa suite. Et je veux rendre grâce avec vous au Seigneur de miséricorde pour tout ce qu’il vous a donné d’accomplir de beau, de généreux, de courageux, dans vos familles et dans vos communautés, lors des évènements que connaît votre pays depuis plusieurs années.

Pourtant, il est vrai aussi que nous ne sommes pas encore parvenus au terme, nous sommes comme au milieu du fleuve, et il nous faut décider courageusement, dans un engagement missionnaire renouvelé, de passer sur l’autre rive. Tout baptisé doit sans cesse rompre avec ce qu’il y a encore en lui de l’homme ancien, de l’homme pécheur, toujours prêt à se réveiller à la suggestion du démon – et combien il est agissant en notre monde et en ces temps de conflits, de haine et de guerre –, pour l’entrainer à l’égoïsme, au repli sur soi et à la méfiance, à la violence et à l’instinct de destruction, à la vengeance, à l’abandon et à l’exploitation des plus faibles…

Nous savons aussi combien nos communautés chrétiennes, appelées à la sainteté, ont encore de chemin à parcourir. Certainement nous avons tous à demander pardon au Seigneur pour trop de résistances et de lenteur à rendre témoignage de l’Évangile. Que l’Année Jubilaire de la Miséricorde, qui vient de commencer dans votre pays, en soit l’occasion. Et vous, chers Centrafricains, vous devez surtout regarder vers l’avenir, et, forts du chemin déjà parcouru, décider résolument de franchir une nouvelle étape dans l’histoire chrétienne de votre pays, vous élancer vers de nouveaux horizons, avancer plus au large, en eau profonde. L’Apôtre André, avec son frère Pierre, n’ont pas hésité un seul instant à tout laisser sur place à l’appel de Jésus, pour le suivre : «Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent» (Mt 4, 22). Nous sommes émerveillés, là encore, par tant d’enthousiasme chez les Apôtres, tellement le Christ les attire à lui, tellement ils perçoivent qu’ils peuvent tout entreprendre et tout oser avec lui. 

Alors, chacun dans son cœur peut se poser la question si importante de son lien personnel avec Jésus, examiner ce qu’il a déjà accepté – ou encore refusé – pour répondre à son appel afin de le suivre de plus près. Le cri des messagers retentit plus que jamais à nos oreilles, alors même que les temps sont difficiles ; ce cri qui «retentit par toute la terre, et […] jusqu’au bout du monde» (Rm 10,18). Et il retentit ici, aujourd’hui, en cette terre de Centrafrique ; il retentit dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos paroisses, partout où nous vivons, et il nous invite à la persévérance dans l’enthousiasme de la mission, une mission qui a besoin de nouveaux messagers, encore plus nombreux, encore plus donnés, encore plus joyeux, encore plus saints. Et nous sommes tous appelés à être, chacun, ce messager que notre frère, quelle que soit son ethnie, sa religion, sa culture, attend, souvent sans le savoir. Comment, en effet, ce frère croira-t-il au Christ, se demande saint Paul, si la Parole n’est pas entendue ni proclamée ?

Nous aussi, à l’exemple de l’Apôtre, nous devons être remplis d’espérance et d’enthousiasme pour l’avenir. L’autre rive est à portée de main, et Jésus traverse le fleuve avec nous. Il est ressuscité des morts ; dès lors les épreuves et les souffrances que nous vivons sont toujours des occasions qui ouvrent à un avenir nouveau si nous acceptons de nous attacher à sa personne. Chrétiens de Centrafrique, chacun de vous est appelé à être, par la persévérance de sa foi et par son engagement missionnaire, artisan du renouveau humain et spirituel de votre pays.

Que la Vierge Marie, qui après avoir partagé les souffrances de la passion partage maintenant la joie parfaite avec son Fils, vous protège et vous encourage sur ce chemin d’espérance.

Amen.»

(CV-RF)








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