2016-11-05 18:06:00

Le Pape dénonce la faillite de l'humanité et le pouvoir de l'argent


(RV) « Les trois T (terre, toit et travail), votre cri que je fais mien, a quelque chose d’une intelligence humble mais en même temps, forte et saine » : le Pape François recevait ce samedi 5 novembre 2016 en fin d’après-midi dans la salle Paul VI les participants de la Troisième rencontre mondiale des mouvements populaires. Dans un long discours en espagnol, le Pape a salué le travail mené par ces centaines d’organisations et d’associations à travers le monde en faveur d’un « projet-pont des peuples face au projet-mur de l’argent ». Dans une dénonciation sans concession de la corruption de l’argent sur les âmes, le Pape a donné certains conseils à ceux qu’il appelle « les poètes sociaux ». Xavier Sartre

S’il y a bien quelque chose qui menace la lente maturation du travail initié par les mouvements populaires, c’est l’argent qui « gouverne » avec « le fouet de la peur, de l’inégalité, de la violence économique, sociale, culturelle et militaire qui engendre encore plus de violence dans une spirale descendante qui ne semble jamais finir ». Pour le Pape, il n’y a pas d’hésitation. L’argent est « le terrorisme de base qui émane du contrôle global de l’argent sur la terre et attente à l’humanité entière ». Il ne faut pas se tromper d’ennemi selon lui, car « aucun peuple, aucune religion n’est terroriste ».

Cette peur que nous éprouvons malgré tout, nous pousse à commettre des massacres, à entretenir l’injustice ou à opprimer. Cette peur insidieuse poussent même « les citoyens qui conservent encore quelques droits » à bâtir « des murs physiques ou sociaux » qui leur procurent une fausse sécurité déplore François. C’est ainsi que l’on se retrouve avec d’un côté, « des citoyens emmurés et terrorisés », et de l’autre, « des exclus, des bannis, plus terrorisés que jamais ». Mais le Pape ne désespère pas : « tous les murs tombent. Ne nous laissons pas duper » rappelle-t-il.

Les mouvements populaires qui agissent sur le terrain, faisant comme Jésus qui guérit la main atrophiée d’un homme, prennent des risques. Le Pape les a ainsi salués, soulignant qu’il n’y a pas « de plus grand amour que de donner la vie ». Ces hommes et ces femmes qui risquent donc parfois leur vie, montrent clairement « que nous devons aider pour que le monde guérisse de son atrophie morale », non pas avec la croissance économique ou les avancées techniques, mais avec le « développement de l’être humain dans son intégralité ».

Or, nous vivons dans un monde qui semble avoir perdu le sens des priorités. Le Pape s’interroge ainsi : « Qu’arrive-t-il au monde d’aujourd’hui où, quand une banque fait faillite, des sommes scandaleuses  apparaissent immédiatement pour la sauver alors que quand c’est l’humanité qui fait faillite, il n’y a pas une once de ces sommes pour sauver les frères qui souffrent tant ? ». Encore une fois, c’est « la peur » qui « endurcit le cœur » et qui « se transforme en cruauté aveugle qui nie voir le sang, la douleur et le visage de l’autre » qui en est responsable.

Ce problème est mondial explique le Pape. « Nul ne devrait être obligé de fuir sa patrie ». Or le mal est double regrette-t-il. D’une part il y a les souffrances qui poussent au départ, d’autre part il y a celles que l’on rencontre sur le chemin de l’exil : les trafiquants d’êtres humains. Le mal est même triple quand, dans le pays d’accueil, on se trouve exploité ou méprisé.

Les mouvements populaires menacés par la corruption

Pour améliorer le monde, les mouvements populaires peuvent compter sur une grande richesse qu’ils possèdent en propre. « Ce ne sont pas des partis politiques », et comme tel, « ils expriment une forme distincte, dynamique et vitale de participation sociale dans la vie publique ». Mais ils font face à deux périls : celui de se laisser corseter, et celui de se laisser corrompre.

Le Pape met le doigt sur un problème bien concret : quand ces mouvements se contentent de petites initiatives locales, s’inscrivant dans les « politiques sociales », tout va bien. Mais quand ils ont la prétention de remettre en cause les « macrorelations », alors ils deviennent une menace car « ils sortent du corset, ils investissent le terrain des grandes décisions que certains prétendent monopoliser au sein de petites castes ». « Ne tombez pas dans la tentation du corset qui vous réduit au rang d’acteurs secondaires, ou pire encore, à de simples administrateurs de la misère existante » met en garde le Pape.

Autre mal qui menace le bien-fondé et toute l’œuvre des mouvements populaires : la corruption. Le Pape François est là aussi très clair et donne ce conseil radical. Que celui qui aime trop les choses matérielles, le luxe, les villas somptueuses, l’argent en somme, « qu’il ne fasse pas de politique, qu’il ne s’implique pas dans une organisation sociale ou un mouvement populaire, car il va causer des dommages à lui-même et à son prochain et va gâcher la noble cause qu’il arbore ». François lui conseille même de prier Dieu pour qu’il le libère de ces liens.

Le Pape demande ainsi aux membres des mouvements populaires de donner l’exemple car « la valeur de l’exemple a plus de force que mille mots ». Il demande tout particulièrement aux dirigeants de ne pas se fatiguer de pratiquer « l’austérité ». « La corruption, l’orgueil, l’exhibitionnisme des dirigeants augmente le discrédit collectif, la sensation d’abandon et alimente le mécanisme de peur qui soutient ce système inique ». (XS)








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