2016-12-09 17:28:00

Pape François : la rigidité et la mondanité rendent les prêtres ridicules


(RV) Que les prêtres soient des médiateurs de l’amour de Dieu, et non pas des intermédiaires qui pensent à leurs propres intérêts : c’est l’appel lancé par le Pape François lors de l’homélie matinale de ce vendredi 9 décembre à la Maison Sainte-Marthe, centrée sur les tentations qui peuvent mettre en danger le service des prêtres. Le Pape a dénoncé la rigidité de certains, ainsi que le risque de la mondanité, qui transforme le prêtre en fonctionnaire et l’amène à être ridicule.

Ce sont comme des enfants auxquels tu offres une chose et elle ne leur plaît pas, tu leur offres le contraire et cela ne leur va pas non plus… Le Pape François a pris appui sur les paroles de Jésus qui, dans l’Évangile du jour, souligne l’insatisfaction du peuple, jamais content. Aussi aujourd’hui, a remarqué le Saint-Père, «il y a des chrétiens insatisfaits, beaucoup, qui ne réussissent pas à comprendre ce que le Seigneur nous a enseignés, ne réussissent pas à comprendre le propre nœud de la révélation de l’Évangile». Il s’est donc arrêté sur les prêtres «insatisfaits», qui, a-t-il averti, «font beaucoup de mal». Ils vivent dans l’insatisfaction et cherchent toujours de nouveaux projets, «parce que leur cœur est loin de la logique de Jésus», et, pour cela, «ils se lamentent et vivent tristes».

Non aux prêtres intermédiaires, oui aux prêtres médiateurs de l’amour de Dieu

La logique de Jésus, a-t-il repris, devrait en revanche donner une «pleine satisfaction» à un prêtre. «C’est la logique du médiateur». «Jésus est le médiateur entre Dieu et nous, a-t-il souligné. Et nous, nous devons prendre cette voie des médiateurs», «pas l’autre figure qui ressemble beaucoup mais n’est pas la même : intermédiaires.» L’intermédiaire, en effet, «fait son travail et prend la paie», «lui, il ne perd jamais». Un médiateur, c’est autre chose.

«Le médiateur se perd lui-même pour unir les parties, il donne la vie, lui-même, c’est cela le prix : sa propre vie, il paie avec sa propre vie, sa propre fatigue, son propre travail, tellement de choses, mais, dans ce cas du curé, c’est pour unir le troupeau, pour unir les gens, pour les amener à Jésus. La logique de Jésus comme médiateur, c’est le logique de s’annihiler soi-même. Saint Paul, dans la Lettre aux Philippiens, est clair sur cela : s’annihilant lui-même, il se vida lui-même, mais pour faire cette union, jusqu’à la mort, la mort de la croix. C’est cela, la logique : se vider, s’annihiler.»

Le prêtre authentique, a-t-il souligné, «est un médiateur très proche de son peuple». L’intermédiaire au contraire fait son travail mais ensuite en prend un autre «toujours comme fonctionnaire», «il ne sait pas ce que signifie se salir les mains» au milieu de la réalité. C’est pour cela que «quand un prêtre passe de médiateur à intermédiaire, il n’est pas heureux, il est triste». Et il cherche un peu de réconfort dans le fait de se faire voir, de faire sentir son autorité.

La rigidité pousse les personnes qui cherchent la consolation à s’éloigner

«Pour se rendre importants, les prêtres intermédiaires prennent le chemin de la rigidité, s'est attristé le Pape : tant de fois, détachés des gens, ils ne savent pas ce qu’est la douleur humaine, ils perdent ce qu’ils avaient appris dans leur maison, avec le travail du papa, de la maman, du grand-père, de la grand-mère, des frères et sœurs… Ils perdent ces choses. Ils sont rigides. Ces rigides qui font porter sur les épaules des fidèles tant de choses que eux ne portent pas, comme le disait Jésus aux intermédiaires de son temps. La rigidité. La cravache dans la main avec le peuple de Dieu : "ceci ne se peut pas, ceci ne se fait pas…" Et beaucoup de gens qui se rapprochent en cherchant un peu de consolation, un peu de compréhension, sont chassés dehors, avec cette rigidité.»

Quand le prêtre rigide et mondain devient un fonctionnaire, il finit dans le ridicule

Toutefois, a-t-il averti, la rigidité «ne peut pas se maintenir beaucoup de temps, totalement. C’est une forme de schizophrénie : tu finiras par apparaître rigide, mais à l’intérieur tu seras un désastre.» Et avec la rigidité vient souvent la mondanité. «Un prêtre mondain, rigide, est un insatisfait parce qu’il a pris une voie erronée.»

«À propos de rigidité et de mondanité, il y a quelques temps, un vieux monseigneur de la Curie, qui travaille, un homme bon, amoureux de Jésus, m’a raconté qu’il était allé à l’Euroclero (un magasin de fournitures ecclésiastiques situé près du Vatican, ndlr) pour s’acheter des chemises, et il a vu devant le miroir un garçon –lui il pensait qu’il n’avait pas plus de 25 ans, soit un jeune prêtre, soit un futur prêtre- devant le miroir, avec un grand manteau large, avec du velours, la chaîne d’argent, et il se regardait. Et ensuite il a pris le saturne (chapeau ecclésiastique), il l’a mis et s’est regardé. Un rigide mondain. (…) Le prêtre, quand il devient fonctionnaire, il finit dans le ridicule, toujours», a insisté le Pape.

Un bon prêtre se reconnaît s’il sait jouer avec un enfant

«Dans l’examen de conscience, a ensuite dit le Pape, il faut considérer cela : "aujourd’hui, j’ai été fonctionnaire ou médiateur ? J’ai pris soin de moi-même, je me suis cherché moi-même, mon confort, mon ordre, ou j’ai fait en sorte que la journée aille au service des autres ?"» Le Pape a mis en évidence la différence entre les prêtres «intermédiaires, au regard triste et obscur», et les prêtres «médiateurs», qui, par exemple, savent jouer avec les enfants, gardent le sourire, le sens de l’accueil, la capacité de comprendre les gens.

Polycarpe, saint François-Xavier, saint Paul : trois icônes de prêtres médiateurs

Dans la dernière partie de son homélie, le Pape a donc proposé trois «icônes» de «prêtres médiateurs et non intermédiaires». Le premier est le «grand» Polycarpe qui «ne négocie pas sa vocation, et va avec courage au bûcher, et quand le feu vient autour de lui, les fidèles qui étaient là ont senti l’odeur du pain. C’est ainsi que finit un médiateur : comme un morceau de pain pour ses fidèles.» L’autre icône est saint François Xavier, qui meurt jeune sur la plage de l’île de Sancian, «en regardant la Chine» où il voulait aller, mais ne pourra pas, parce que le Seigneur le prend à Lui. Et ensuite, la dernière icône : le vieux saint Paul, aux Tre Fontane. «Cette matinée-là, tôt, les soldats sont allés vers lui, l’ont pris, et lui, il cheminait, tout courbé, a raconté le Pape. Il savait très bien que cela arrivait en raison de la trahison de certains à l’intérieur de la communauté chrétienne, mais lui il a tellement lutté, durant sa vie, qu’il s’est offert au Seigneur comme un sacrifice.» «Trois icônes, a conclu le Saint-Père, qui peuvent nous aider. Regardons-les : comme est-ce que je veux finir ma vie de prêtre ? Comme fonctionnaire, comme intermédiaire, ou comme médiateur, c’est-à-dire en croix ?»

(CV)

 

 

 

 








All the contents on this site are copyrighted ©.