(RV) «En voyage», l’intitulé d’un nouveau livre d’entretien accordé par le Pape au vaticaniste Andrea Tornielli, journaliste à La Stampa et responsable du site Vatican Insider. Il sera publié ce mardi 10 janvier 2017 en italien aux éditions Piemme (18 euro). Dans cet ouvrage, un journal de bord, le Pape évoque ses différents voyages apostoliques en Italie et de par le monde : les îles de Lampedusa ou de Lesbos, le Brésil, la Centrafrique, le Mexique ou la Terre Sainte. Ce journal de bord s’ouvre par une interview dont le journal italien publie quelques extraits ce dimanche 8 janvier 2017.
Un Pape routinier
Aimez-vous voyager ? Sincèrement non, répond le Pape. Cela ne lui a jamais plus. D’ailleurs lorsqu’il était à Buenos Aires, il ne venait à Rome que «lorsque c’était nécessaire». Pour un évêque, son diocèse est son «épouse», et il n’a jamais aimé s’en éloigner. Le Pape se dit «routinier». Pour lui, être en vacances signifie avoir un peu plus de temps pour prier et pour lire. Il dit n’avoir jamais eu besoin de changer d’air ou d’atmosphère pour se reposer. En somme, il n’avait jamais imaginé autant voyager.
Ses premiers voyages
Son premier voyage n’était pas au programme. Il n’avait pas été officiellement invité
sur l’île italienne de Lampedusa, mais «il a senti qu’il devait s’y rendre». Les
nouvelles sur les migrants l’avaient secoué. Il était important d’y aller. Il y a
également constaté la générosité des insulaires.
Il s’est ensuite rendu au Brésil pour les JMJ de Rio, premier retour en Amérique latine. Un
voyage prévu, puis il a reçu une, deux, trois invitations. Alors «j’ai simplement
dit ‘oui’. Je me suis laissé porter». Aujourd’hui, le Pape ressent la nécessité
de voyager à la rencontre des églises, «pour encourager les germes d’espérance».
Fatiguant ?
Bien sûr, les déplacements sont éprouvants, surtout au niveau psychologique, mais
«pour l’instant, je gère», confie François. «J’aurais besoin de plus
de temps pour lire et me préparer», car un voyage rappelle-t-il, ce ne sont pas
que les journées passées dans le pays hôte. De retour au Vatican, le Pape prend un
jour de repos, mais il revient dit heureux de tous ces voyages, enrichi par les rencontres
et les images qu’il rapporte dans ses bagages. «Je me dis toujours : ça en valait
la peine».
Aller à l’essentiel
Avez-vous apporter quelques changements aux agendas des voyages pontificaux ? Pas
grand-chose, les déjeuners officiels. François juge naturel que les autorités locales
ou les évêques souhaitent fêter leur invité. Du reste, le Pape dit n’avoir «rien
contre un déjeuner en bonne compagnie» ; les récits de repas partagés abondent
dans l’Évangile. Cependant lorsque l’agenda est très plein, il préfère manger simplement
et rapidement.
L’enthousiasme des foules
«Hosanna !» Voilà ce que se dit le Pape lorsqu’il voit tant de personnes
positionnées depuis des heures sur les routes qu’emprunte sa papamobile à l’étranger. Puis,
dans un second moment, il songe à une phrase du cardinal Albino Luciani longuement
applaudi par un groupe de servants de messe: «Pouvez-vous imaginer que l’âne
sur lequel était assis Jésus lorsqu’il entra en triomphe dans Jérusalem puisse imaginer
une seconde que tous ces applaudissements furent pour lui ? »
«Le Pape doit être conscient qu’il ‘porte’ Jésus, qu’il témoigne de la proximité
et de la tendresse de Jésus à toutes les créatures, et en particulier à celles qui
souffrent.» A ceux qui crient «vive le Pape», François a plusieurs fois
recommandé de crier «vive Jésus». Il le rappelle ici.
La paternité des Papes
François se remémore également une conversation entre Paul VI et Jean Guitton. Le
Pape confiait au philosophe français que la «dignité» d’un pape la plus «enviable»
était la paternité. Selon le Pape bienheureux, cette paternité est «un sentiment
qui envahit l’esprit et le cœur et qui nous accompagne à chaque heure du jour ; un
sentiment qui ne peut décroître, mais qui au contraire grandit parce que grandit le
nombre des fils ; un sentiment qui ne fatigue pas, mais qui repose de toute fatigue. Jamais,
à aucun moment, je me suis senti fatigué quand j’ai levé la main pour bénir. Je ne
me fatiguerais jamais de bénir ou de pardonner». Des propos tenus par Paul VI
à son retour d’Inde. Selon François «ces paroles expliquent pourquoi les Pape
de l’époque contemporaine ont décidé de voyager».
Les voyages les plus mémorables ?
L’enthousiasme des jeunes de Rio qui lui lançaient 'de tout' dans la papamobile, et
cet enfant qui a réussi à se faufiler et à l’y rejoindre pour l’embrasser. Il se souvient
des catholiques, mais aussi des musulmans et des hindous qui l’ont, tous ensemble
« comme membre d’une unique famille », accueillis dans le sanctuaire sri lankais de Madhu. Il
évoque l’accueil des Philippins, de ces pères de famille portant leur enfant à bout
de bras comme pour dire «voilà mon trésor, mon futur, mon amour, voilà pourquoi
cela vaut la peine de travailler et faire des sacrifices». Le Pape se souvient
en particulier des personnes handicapées philippines. «Leurs parents ne les cachaient
pas, mais les poussaient en avant pour qu’elles soient bénies». Le Pape se souvient
de la pluie battante à Tacloban où, muni de son kway jaune, il célébra la messe pour
les milliers de victimes du cyclone Hayan. Et ces fidèles tout mouillés qui ne perdaient
pas le sourire.
Comment se souvenir de ces personnes rencontrées ? «Je les porte dans mon cœur. Je prie pour elles, pour les situations difficiles en raison desquelles je les ai rencontrées. Je prie pour que se résorbent les inégalités vues de mes yeux.»
Une Europe délaissée ?
Pourquoi si peu de voyages en Europe ? Il y a eu cinq heures passées à Lesbos en Grèce
pour rencontrer des réfugiés avec ses frères orthodoxes Bartholomée et Hyéronimos. Avant
cela, le Pape s’est rendu au Parlement européen et au Conseil de l’Europe. Il convient
d’un déplacement au sein d’institutions et non de pays. Puis François a voyagé en
Albanie et en Bosnie, des pays européens bien qu’ils ne soient pas membres de l’Union
européenne.
«J’ai préféré privilégier des pays dans lesquels je peux apporter une petite aide,
encouragé ceux qui, malgré les difficultés et les conflits, travaillent pour la paix
et l’unité. Des pays qui sont, ou ont été, en graves difficultés. Cela ne signifie
pas que je n’accorde pas d’attention à l’Europe que j’encourage, comme je le peux,
à redécouvrir et à mettre en pratique ses racines les plus authentiques, ses valeurs. Je
suis convaincu que ce ne seront pas les bureaucraties et les instruments de la haute
finance qui nous sauveront de la crise actuelle et résoudront les problèmes posés
par l’immigration.» Pour le Pape, l’immigration est l’urgence la plus importante
pour l’UE depuis la Seconde Guerre mondiale
Sécurité
Lors de cet entretien, le Pape remercie enfin les gendarmes et les gardes suisses
pour s’être adaptés à son style peu protocolaire. Il maintient qu’il ne peut être
un pasteur et un père derrière les vitres blindées d’une papamobile fermée. «Je
suis peu être inconscient, mais je n’éprouve aucune peur pour ma personne». S’il
craint quelque chose, c’est pour ces foules qui se déplacent pour une rencontre papale
ou une célébration. «Il y a toujours le danger qu’un fou agisse». Mais bien
sûr, «il y a toujours le Seigneur».
(MD)
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