2017-03-24 12:53:00

François : le Pape "du bout du monde" qui veut réveiller l’Europe


(RV) Le Pape François, premier Pape non-européen depuis plus de 1000 ans, est aussi, paradoxalement, un Pape qui s'intéresse beaucoup à l’Union européenne, dont il reçoit ce vendredi soir tous les responsables au Vatican, à l'occasion du 60e anniversaire des Traités de Rome, qui avaient institué, notamment, la CEE (Communauté Économique Européenne).

Seuls six États avaient alors participé à la signature : la France, l'Italie, la République fédérale d'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. Désormais, l'Union européenne compte 28 membres, mais le Royaume-Uni a amorcé un processus de sortie depuis la victoire du Brexit lors du référendum du 23 juin 2016. La Première ministre britannique Theresa May sera donc la grande absente de cette rencontre. Tous les dirigeants des 27 autres États de l'UE sont en revanche attendus, ainsi que les dirigeants du Conseil européen, de la Commission européenne et du Parlement européen.

Un Pape attentif aux valeurs européennes

Si les voyages du Pape argentin l’ont plutôt conduit vers les marges du continent européen (Lampedusa, Lesbos, Albanie, Turquie, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan…), son déplacement éclair mais symbolique à Strasbourg, le 25 novembre 2014, est resté dans les mémoires. Devant le Parlement européen et le Conseil de l’Europe, 26 ans après la visite de Jean-Paul II, le Pape François avait rappelé la dimension spirituelle de la construction européenne, en la reliant au respect de la personne humaine.

Dans des termes préfigurant ceux utilisés dans son encyclique Laudato Si’, le Pape avait rappelé aux eurodéputés que l'Europe devait garantir «une écologie humaine, notamment une agriculture qui ne tolère pas les gaspillages alimentaires mais nourrisse tous les hommes». Il avait également insisté sur la nécessité pour l'Union de trouver une solution à la question des migrants pour que «la Méditerranée cesse d'être un grand cimetière». François avait aussi abordé la question du travail, en insistant sur le respect de la dignité des travailleurs. «Il est temps de favoriser les politiques de l'emploi. Mais il est surtout nécessaire de redonner la dignité au travail, en garantissant aussi d'adéquates conditions pour sa réalisation», avait-il souligné.

En 2016, le Pape François, qui pourtant refuse habituellement les honneurs, a reçu le prix Charlemagne. Ce prix décerné par la ville d’Aix-La-Chapelle, en Allemagne, vise à mettre en lumière les acteurs de la construction européenne. Succédant à des personnalités politiques comme Robert Schuman, Winston Churchill ou encore François Mitterrand, mais aussi à des figures religieuses comme Frère Roger de Taizé, ou saint Jean-Paul II, récipiendaire d’un prix spécial en 2004, le Pape François avait profité de son discours de remerciement pour marteler un appel à la construction d’un «nouvel humanisme européen» fondé sur trois capacités : celles d’intégrer, de dialoguer et de générer. «On ne peut se contenter de retouches cosmétiques ou de compromis bancals pour corriger quelques traités. Il faut poser courageusement de nouvelles bases.» Pour l’évêque de Rome, «les racines de l’Europe se sont consolidées au cours de son histoire du fait qu’elle a appris à intégrer dans une synthèse toujours neuve les cultures les plus diverses et sans lien apparent entre elles». L’identité européenne, avait martelé le Pape François, est, et a toujours été, «une identité dynamique et multiculturelle».

François avait fustigé «une Europe qui cédant à ses égoïsmes et ses intérêts, érige des murs et construit des enclos particuliers»., avait rappelé le Pape. «Que t’est-il arrivé, Europe humaniste, paladin des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté ?», a-t-il lancé avec gravité, sur un ton faisant penser à saint Jean-Paul II.

Les rêves du Pape argentin

François avait aussi, en conclusion de ce discours, formulé le «rêve» d’une Europe qui puisse retrouver l’énergie de porter au monde un message positif.  «Je rêve d’une Europe jeune, capable d’être encore mère : une mère qui ait de la vie, parce qu’elle respecte la vie et offre l’espérance de vie, avait lancé le Saint-Père. Je rêve d’une Europe qui prend soin d l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge. Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs. Je rêve d’une Europe où être migrant ne soit pas un délit, mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier. Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté de la culture et d’une vie simple, non polluée par les besoins infinis du consumérisme ; où se marier et avoir des enfants sont une responsabilité et une grande joie, non un problème du fait du manque d’un travail suffisamment stable. Je rêve d’une Europe des familles, avec des politiques vraiment effectives, centrées sur les visages plus que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens. Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous. Je rêve d’une Europe dont on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humains a été sa dernière utopie.»

Enfin, le 9 janvier dernier, lors de ses vœux au Corps diplomatique, le Pape François avait également eu un mot pour l’Europe qui traverse «un moment décisif de son histoire, où elle est appelée à retrouver son identité. Ceci exige qu’elle redécouvre ses propres racines afin de pouvoir modeler son avenir. Face aux poussées qui désagrègent, il est toujours plus urgent de mettre à jour l’“idée d’Europe” pour faire naître un nouvel humanisme basé sur la capacité d’intégrer, de dialoguer et de générer, qui a rendu grand celui qu’on appelle Vieux Continent»«Le processus d’unification européenne, avait rappelé le Pape, a été et continue d’être une occasion unique de stabilité, de paix et de solidarité entre les peuples».

Un fort écho dans le monde politique

Parmi les dirigeants européens, ces nombreuses interpellations du Pape François rencontrent un réel écho, jusque dans les campagnes électorales, comme en France, où des références au Pape François ont été exprimées dans des meetings et des émissions télévisées, par des candidats de droite comme par des candidats de gauche. Au mois de février, le Premier ministre maltais, Joseph Muscat, dont le pays assure actuellement la présidence du conseil des ministres de l’Union, avait critiqué «l’absence de leadership en Europe», en affirmant que François est «le dernier leader mondial à avoir des compétences et une vision qui transcende les banalités». «Les intuitions du pape sont extrêmement importantes pour l’avenir de l’Europe», insistait-il, dans des propos rapportés par nos confrères de La Croix, en soulignant que François «peut apporter des choses qui manquent aux autres politiciens».

(CV)








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