2017-04-28 17:38:00

Message à l'Académie des Sciences sociales : le Pape plaide pour une «société participative»


(RV) À l’occasion de l’assemblée plénière de l’Académie pontificale des Sciences sociales, qui se tient du 28 avril au 2 mai au Vatican sur le thème «Vers une société participative : de nouvelles voies pour l’intégration sociale et culturelle», le Pape François a adressé un message à Margaret Archer, la présidente de cette académie.

Le Pape y aborde tout d’abord la question de «l’élargissement aujourd’hui nécessaire de la notion traditionnelle de justice», qui ne doit pas se situer seulement sur le strict plan de la rémunération des travailleurs, mais aussi sur leur place dans le processus de production, sur leurs conditions de travail, de façon à permettre «la croissance humaine des personnes, et l’harmonie des temps de vie familiale et de travail».

Le Pape dit regretter que le terme de «"fraternité", parole évangélique, reprise dans la devise de la Révolution française» ait été annulé du lexique politico-économique. Prenant l’exemple de saint François d’Assise et de ceux qui ont suivi son appel, le Pape rappelle que «la fraternité permet à des personnes qui sont égales dans leur essence, leur dignité, leur liberté, et dans leurs droits fondamentaux, de participer différemment au bien commun selon leur capacité, leur plan de vie, leur vocation, leur travail, et leur charisme de service».

Rappelant que les luttes pour la conquête des droits sont loin d’être finies, le Pape s’inquiète de «l’exclusion et de la marginalisation de beaucoup d’une participation équitable dans la distribution à l’échelle nationale et planétaire des biens, qu’ils soient de marché ou de non-marché, comme la dignité, la liberté, la connaissance, l’appartenance, l’intégration, la paix». Évoquant le sort des 65 millions de migrants aujourd’hui recensés dans le monde, le Pape rappelle les «nouvelles formes d’esclavage» qui se développent aujourd’hui à travers des «formes de travail forcé, de prostitution, de trafics d’organes, qui sont de vrais crimes contre l’humanité».

Face à la gravité des enjeux, François affirme qu’une «société participative ne peut se contenter de l’horizon de la pure solidarité et de l’assistanat, parce qu’une société qui serait seulement solidaire et orientée vers le bien-être, mais qui ne serait pas fraternelle, serait une société de personnes malheureuses et désespérées de laquelle chacun chercherait à s’enfuir, et même dans des cas extrêmes avec le suicide.»

«Une société dans laquelle se dissout la vraie fraternité n’est pas capable de futur ; c’est-à-dire qu’elle n’est pas capable de progresser, cette société dans laquelle existe simplement le "donner pour avoir" ou bien le "donner pour devoir". Voilà pourquoi, ni la vision libérale-individualiste du monde, dans laquelle tout (ou presque) est échange, ni la vision étato-centrique de la société, dans laquelle tout (ou presque) est devoir, ne sont des directions sûres pour nous faire surmonter cette inégalité, iniquité et exclusion dans laquelle nos sociétés sont aujourd’hui embourbées. Il faut trouver une voie de sortie de l’alternative suffocante entre la thèse néolibérale et cette thèse néo-étatique. En effet, justement parce que l’activité des marchés et la manipulation de la nature – ensemble mues par l’égoïsme, par l’avidité, par le matérialisme et par la concurrence déloyale – parfois ne connaissent pas de limites, il est urgent d’intervenir sur les causes de tels dysfonctionnement, surtout dans le domaine financier, plutôt que de se limiter à en corriger les effets.»

François revient ensuite dans ce message sur la notion de «développement humain intégral», précisant que «se battre pour le développement intégral veut dire s’engager pour l’élargissement de l’espace de dignité et de liberté des personnes : mais pas une liberté comprise seulement dans un sens négatif, comme une absence d’empêchements, et pas non plus seulement dans un sens positif, comme une possibilité de choix. Il faut ajouter la liberté "pour", c’est-à-dire la liberté de poursuivre sa propre vocation de bien, sur le plan personnel comme social. L’idée clé est que la liberté va de pair avec la responsabilité de protéger le bien commun et de promouvoir la dignité, la liberté et le bien-être des autres, ainsi que de rejoindre les pauvres, les exclus et les générations futures. C’est cette perspective qui, dans les conditions historiques actuelles, si elle permet de surmonter les diatribes stériles au niveau culturel et les oppositions préjudiciables au niveau politique, permettrait de trouver le consensus nécessaire pour une nouvelle vision.»

Le Pape rappelle par ailleurs que selon la doctrine sociale de l’Église, le travail, «plus encore qu’un droit, est une capacité et un besoin imprescriptible de la personne». Le Pape appelle donc à développer une approche «personnaliste» du travail.

Il revient aussi dans son message sur les revendications de «l’individualisme libertaire» qui a un versant «antisocial», car sa logique poussée à l’extrême amène à penser que «chacun a le "droit" de s’étendre jusque là où sa puissance le lui consent, même au prix de l’exclusion et de la marginalisation de la majorité la plus vulnérable».

Dans le contexte de passage d’une société moderne à une société post-moderne, qui pose notamment de terribles défis sur le plan de la bioéthique, le Pape estime que «les vieilles catégories de pensées» ne suffisent plus : «il faut chercher de nouvelles voies inspirées du message du Christ». En citant l’Évangile selon Saint-Matthieu («cherchez avant tout le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît»), le Pape reprend les termes utilisés par son prédécesseur Benoît XVI dans son encyclique de Benoît XVI Caritas in Veritate, en espérant que tous les acteurs pourront participer à la vie divine en devenant les uns pour les autres «des instruments de sa grâce, pour diffuser la miséricorde de Dieu, et pour tisser des réseaux de charité et de fraternité».

(CV)

 








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