(RV) Dernier temps fort du 18e voyage apostolique du pape François en Egypte :
une rencontre de prière avec le clergé, les religieux, religieuses et séminaristes
du pays. Cette rencontre s’est tenue dans les jardins du séminaire majeur patriarcal
copte-catholique de Saint Léon le Grand, qui se trouve dans le quartier de Maadi,
au sud du Caire. C’est là que les candidats au sacerdoce reçoivent leur formation.
A ces prêtres, séminaristes, consacrés du «petit troupeau catholique»
d’Egypte, -qui accueille plusieurs rites-, le pape a tout d’abord tenu à exprimer
sa reconnaissance pour «le bien accompli chaque jour», «au milieu de
tant de défis, et souvent, de peu de consolations». Certes, les raisons de se
décourager sont nombreuses, reconnait le Pape, évoquant «les prophètes de destruction
et de condamnation», «les voix négatives et désespérées» ; mais le Souverain
Pontife a enjoint justement les consacrés à être une «force positive», des
«semeurs d’espérance, des bâtisseurs de ponts et des artisans de dialogue»
au milieu du pessimisme ambiant. Une mission possible uniquement si le consacré ne
cède pas aux tentations qui se présentent chaque jour à lui. Le Pape en a dénombré
sept.
La tentation de «se laisser entrainer au lieu de guider», celle de « se
plaindre continuellement », ou de «se comparer aux autres» : autant
de tentations où le consacré se laisse aller au «pessimisme», à la déception,
peut tomber dans la rancœur, l’orgueil, la paresse et «finit par se paralyser».
François a également mis en garde contre la tentation de la jalousie et du bavardage :
lorsque le consacré, victime du «cancer» qu’est la jalousie, ne peut se réjouir
du succès de ses frères et sœurs, lorsqu’il commence à détruire ceux qui sont en train
de grandir, en les jugeant ou en diminuant leur valeur. Egalement dangereuses, la
tentation du «pharaonisme», celle qui durcit et ferme le cœur, et se fait
sentir au-dessus des autres, celle de l’individualisme, ou encore la tentation «de
marcher sans boussole et sans but» soit celle du consacré «qui vit le cœur
partagé entre Dieu et la mondanité».
«Il n’est pas facile de résister à ces tentations, a reconnu le Pape,
mais c’est possible si nous sommes greffés sur Jésus». Ce n’est qu’en restant
fidèles et enracinés dans le Christ, que le consacré «peut conserver l’étonnement,
la passion de la première rencontre, l’attraction et la gratitude dans sa vie avec
Dieu et dans sa mission».
Au terme de cette rencontre, le Pape a béni plusieurs soutanes ; les consacrés
ont ensuite renouvelé leur promesse de consécration.
(MA)
Ci-dessous, le discours du Pape en intégralité :
Béatitudes,
Chers frères et sœurs,
Al Salamò Alaikum ! / La paix soit avec vous.
”Voici le jour qu’a fait le Seigneur, en lui, réjouissons-nous ! Le Christ a vaincu
la mort pour toujours, en lui, réjouissons-nous !”
Je suis heureux d’être parmi vous en ce lieu où sont formés les prêtres et qui représente
le cœur de l’Eglise Catholique en Egypte. Je suis heureux de saluer en vous, prêtres,
personnes consacrées du petit troupeau catholique en Egypte, le “levain” que Dieu
prépare pour cette terre bénie, afin que, avec nos frères orthodoxes, son Royaume
y grandisse (cf. Mt 13,11).
Je veux d’abord vous remercier pour votre témoignage et pour tout le bien que vous
faites chaque jour, œuvrant au milieu de tant de défis et, souvent, peu de consolations.
Je veux aussi vous encourager ! N’ayez pas peur du poids du quotidien, du poids des
situations difficiles que certains d’entre vous doivent traverser. Nous vénérons la
Sainte Croix, instrument et signe de notre salut. Qui échappe à la Croix échappe à
la Résurrection !
« Sois sans crainte petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume »
(Lc 12,32).
Il s’agit donc de croire, de témoigner de la vérité, de semer et de cultiver sans
attendre la récolte. En réalité, nous recueillons les fruits d’une foule d’autres
personnes, consacrées ou non, qui ont généreusement travaillé dans la vigne du Seigneur :
votre histoire en est pleine !
Et au milieu de tant de raisons de se décourager, et parmi tant de prophètes de destruction
et de condamnation, au milieu de tant de voix négatives et désespérées, soyez une
force positive, soyez la lumière et le sel de cette société ; soyez la locomotive
qui tire le train en avant, droit vers le but ; soyez des semeurs d’espérance, des
bâtisseurs de ponts et des artisans de dialogue et de concorde.
Cela est possible si le consacré ne cède pas aux tentations qu’il rencontre chaque
jour sur sa route. Je voudrais en relever quelques-unes, parmi les plus significatives.
La tentation de se laisser entraîner au lieu de guider. Le Bon Pasteur a le devoir
de guider le troupeau (cf. Jn 10,3-4), de le conduire jusqu’à l’herbe fraîche et à
la source d’eau (cf. Ps 22). Il ne peut se laisser entraîner par la déception et par
le pessimisme : “Qu’est-ce que je peux faire ?” Il est toujours plein d’initiatives
et de créativité, comme une source qui jaillit même quand elle est asséchée ; il a
toujours la caresse de consolation même quand son cœur est accablé ; il est un père
quand les enfants le traitent avec gratitude mais surtout quand ils ne lui sont pas
reconnaissants (cf. Lc 15,11-32). Notre fidélité au Seigneur ne doit jamais dépendre
de la gratitude humaine : « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6,4.6.18).
La tentation de se plaindre continuellement. Il est facile d’accuser toujours les
autres pour les manquements des supérieurs, pour les conditions ecclésiales ou sociales,
pour les faibles possibilités… Mais le consacré est celui qui, par l’onction de l’Esprit,
transforme tout obstacle en opportunité et non pas toute difficulté en excuse ! Celui
qui se plaint toujours est, en fait, quelqu’un qui ne veut pas travailler. C’est pour
cela que le Seigneur, s’adressant aux Pasteurs, dit : « Redressez les mains inertes
et les genoux qui fléchissent » (He 12,12 ; cf. Is 35,3).
La tentation du bavardage et de la jalousie. Le danger est sérieux quand le consacré,
au lieu d’aider les petits à grandir et de se réjouir du succès de ses frères et de
ses sœurs, se laisse dominer par la jalousie et devient quelqu’un qui blesse les autres
par son bavardage. Quand, au lieu de de s’efforcer de grandir, il commence par détruire
ceux qui sont en train de grandir ; au lieu de suivre les bons exemples, il les juge
et diminue leur valeur. La jalousie est un cancer qui ruine n’importe quel corps en
peu de temps : « Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas
tenir. Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas
tenir » (Mc 3, 24-25). En effet, « c’est par la jalousie du diable que la mort est
entrée dans le monde » (Sg 2,24). Et le bavardage en est le moyen et l’arme.
La tentation de se comparer aux autres. La richesse est dans la diversité et dans
l’unicité de chacun de nous. Nous comparer à ceux qui sont meilleurs nous porte souvent
à tomber dans la rancœur ; nous comparer à ceux qui sont pires nous porte souvent
à tomber dans l’orgueil et dans la paresse. Celui qui tend à se comparer toujours
aux autres finit par se paralyser. Apprenons des saints Pierre et Paul à vivre la
diversité des caractères, des charismes et des opinions dans l’écoute et dans la docilité
à l’Esprit Saint.
La tentation du “pharaonisme”, c’est-à-dire de durcir le cœur et de le fermer au Seigneur
et aux frères. C’est la tentation de se sentir au-dessus des autres et donc de les
soumettre à soi par vaine gloire ; d’avoir la présomption de se faire servir au lieu
de servir. C’est une tentation commune, depuis le début, parmi les disciples, qui
– dit l’Evangile- « en chemin, avaient discuté entre eux pour savoir qui était le
plus grand » (Mc 9,34). L’antidote de ce venin est : « Si quelqu’un veut être le premier,
qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9,35).
La tentation de l’individualisme. Comme dit le dicton égyptien bien connu: “Après
moi le déluge”. C’est la tentation des égoïstes qui, chemin faisant, perdent le but
et, au lieu de penser aux autres, pensent à eux-mêmes, n’en éprouvent aucune honte,
au contraire, s’en justifient. L’Eglise est la communauté des fidèles, le Corps du
Christ, où le salut d’un membre est lié à la sainteté de tous (cf. 1Co 12,12-27 ;
Lumen gentium, 7). L’individualiste, au contraire, est motif de scandale et de conflit.
La tentation de marcher sans boussole et sans but. Le consacré perd son identité et
commence à être “ni chair ni poisson”. Il vit le cœur partagé entre Dieu et la mondanité.
Il oublie son premier amour (cf. Ap 2,4). En réalité, sans avoir une identité claire
et solide, le consacré marche sans orientation et, au lieu de guider les autres, il
les disperse. Votre identité d’enfants de l’Eglise est celle d’être coptes – c’est-à-dire
enracinés dans vos nobles et antiques racines – et d’être catholiques – c’est-à-dire
partie de l’Eglise une et universelle : comme un arbre qui est d’autant plus haut
dans le ciel qu’il est enraciné dans la terre !
Chers consacrés, il n’est pas facile de résister à ces tentations mais c’est possible
si nous sommes greffés sur Jésus : « Demeurez en moi comme moi en vous. De même que
le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne,
de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi » (Jn 15,4). Plus nous sommes
enracinés dans le Christ, plus nous sommes vivants et féconds ! C’est ainsi seulement
que le consacré peut conserver l’étonnement, la passion de la première rencontre,
l’attraction et la gratitude dans sa vie avec Dieu et dans sa mission. La qualité
de notre consécration dépend de la qualité de notre vie spirituelle.
L’Egypte a contribué à enrichir l’Eglise du trésor inestimable de la vie monastique.
Je vous exhorte, par conséquent, à puiser à l’exemple de Saint Paul l’ermite, de Saint
Antoine, des Saints Pères du désert, des nombreux moines qui, par leur vie et leur
exemple, ont ouvert les portes du ciel à tant de frères et de sœurs ; et ainsi, vous
aussi pouvez être lumière et sel, c’est-à-dire cause de salut pour vous-mêmes et pour
tous les autres, croyants ou non, et spécialement pour les derniers, ceux qui sont
dans le besoin, les abandonnés et les marginalisés.
Que la Sainte Famille vous protège et vous bénisse tous, votre pays et tous ses habitants.
Du plus profond de mon cœur je souhaite à chacun de vous tout le bien possible, et
à travers vous je salue les fidèles que Dieu a confiés à vos soins. Que le Seigneur
vous accorde les fruits de son Saint Esprit : « amour, joie, paix, patience, bonté,
bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22).
Vous serez toujours présents dans mon cœur et dans ma prière. Courage et en avant
avec l’Esprit Saint ! ”Voici le jour qu’a fait le Seigneur, en lui, réjouissons-nous”.
Et s’il vous plaît, ne vous découragez pas de prier pour moi !