2017-05-16 17:56:00

Mexique: le Père Solalinde, un prêtre contre les trafiquants d’hommes


(RV) Entretien – Il est menacé de mort et vit depuis six ans sous escorte : le Père mexicain Alejandro Solalinde a voué sa vie à la défense et à l’aide des migrants qui transitent par ou qui échouent au Mexique. Les narcotrafiquants qui contrôlent des pans entiers du pays ont juré sa mort et ont mis un contrat sur sa tête, car le père Solalinde les dérange dans leur commerce.

Il a écrit un livre, Les narcos me veulent mort. Mexique, un prêtre contre les trafiquants d’hommes publié ce mois-ci en Italie, pour raconter son action au sein d’une structure d’accueil, appelée « Hermanos en el camino », « Frères sur le chemin ». À cette occasion, il est venu le présenter dans les locaux de Radio Vatican. C’est là que Xavier Sartre l’a rencontré

Depuis 2005, le père Solalinde voue sa vie aux migrants présents au Mexique. Il leur assure un asile où ils peuvent se reposer, se ressourcer, se soigner avant d’affronter la suite de leur voyage ou de s’installer au Mexique. Mais il paie cher ce soutien. Les narcos, qui contrôlent le trafic de drogue, l’ont menacé à plusieurs reprises. Il n’est pas le seul, rappelle-t-il : d’autres prêtres et religieux sont dans le même cas. Tous ont en commun le même tort aux yeux des criminels, explique le père Solalinde :

« Nous défendons les droits des migrants. Pour le crime organisé, pour des fonctionnaires corrompus de l’État mexicain, les migrants ne représentent qu’une marchandise. Pour nous, ce ne sont pas seulement des personnes, ce sont vraiment les personnes choisies par Dieu parce que ce sont les plus vulnérables, ceux qui ont le plus besoin de notre aide et de notre amour. »

Cette aide et cet amour se manifeste par un réseau de soixante maisons à travers le pays. Dans celle qu’il gère, trois psychologues, deux médecins et deux infirmières, ainsi que des bénévoles apportent des soins médicaux et psychologiques ainsi que la possibilité de travailler dans une menuiserie, une boulangerie ou une ferme. « Notre maison est un comme un petit refuge » confie-t-il.

Un refuge contre les narcos, qui non seulement sont des trafiquants de drogue, mais aussi des trafiquants d’êtres humains:

« Les zetas ont été le cartel le plus sanglant. Il s’est implanté dans le sud du Mexique où il a commencé à découvrir qu’ils pouvaient tirer de l’argent des migrants. À cause de la guerre menée sans stratégie par le précédent président Felipe Calderon, qui leur a enlevé leurs ressources financières, les zetas ont eu besoin d’autres sources d’argent pour acheter la drogue. Ils ont découvert qu’en séquestrant les migrants, en les extorquant, en vendant les femmes, ou en faisant du trafic d’organes ou d’autres choses, ils pouvaient obtenir de l’argent. Et il y a peut-être d’autres cartels qui en ont également profité ».

Le père Solalinde, en aidant les migrants, est donc devenu l’ennemi numéro un de ces criminels. Mais il n’est pas seul dans ce combat. Des journalistes enquêtent sur le narcotrafic, parfois au péril de leur vie comme Javier Valdez, assassiné lundi 15 mai. Il avait consacré les dix dernières années à étudier le trafic de drogue dans l’État du Sinaloa:

« Les journalistes, pour moi, sont des prophètes, ce sont des gens qui disent la vérité, qui dénoncent les injustices mais ils ne sont pas protégés parce que ce gouvernement a peur de la vérité. Il paie de nombreux journalistes pour qu’ils disent sa vérité qu’ils présentent comme officielle. Mais d’autres journalistes ne se vendent pas et ont été très courageux pour dire la vérité comme ce journaliste, mais ils tuent aussi des prêtres. Hier, ils ont assassinés un prêtre en le poignardant sur l’autel alors qu’il célébrait la messe. »

Comment résoudre alors les flux migratoires dont se nourrit le crime organisé et des autorités souvent corrompues ? Certainement pas en construisant un mur comme le veut le président américain Donald Trump. Mais ce n’est pas là le plus inquiétant pour le père Solalinde:

« Moi ce qui me préoccupe, ce sont les murs invisibles que nous avons ; les murs invisibles des préjugés humains, la xénophobie, la misogynie, l’homophobie et la discrimination raciale. Ça, ce sont de terribles murs. Mais nous avons un mur beaucoup plus grand qui est l’égoïsme. Ces murs ne nous permettent pas d’avoir des relations en tant que frères, ils nous séparent et nous divisent et parfois, ils nous poussent à nous affronter. »
Le père Solalinde poursuit alors son combat, celui de défendre les migrants au péril de sa vie. Et pour cela, sa voix est devenue son principal bouclier.

(BH-XS)








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