2017-05-23 12:55:00

Les évêques du Guatemala dénoncent la puissance des lobbys


(RV) Le Pape François a reçu ce lundi 22 mai 2017 les évêques du Guatemala, en visite Ad Limina. Au centre des discussions : les défis rencontrés l’Eglise guatémaltèque dans la société actuelle, sur lesquels revient le président de la Conférence épiscopale, Mgr Gonzalo De Villa Y Vasquez, évêque de Solola-Chimaltenango. Il est interrogé par Alina Tufani :

Nous sommes une Eglise qui a un passé récent de martyrs. Il y a 35 ans, une grande persécution a eu lieu, dans un contexte de conflit armé interne à notre pays ; d'ailleurs le 23 septembre prochain, le premier martyr du Guatemala de cette époque sera béatifié. Nous avions auparavant vécu les persécutions des régimes libéraux qui, au début du XXe siècle, avaient chassé les prêtres et les religieux. Durant cette période, la religiosité populaire a été maintenue vivante grâce aux laïcs et aux communautés indigènes. A la moitié du XXe siècle, l’Eglise guatémaltèque a commencé à accueillir des missionnaires qui nous ont beaucoup apporté. Vers la fin des années 1970, une autre période de persécutions a commencé, et a donné beaucoup de martyrs. Mais au cours de ces dernières années, l’Eglise au Guatemala a reçu aussi beaucoup de bénédictions : le nombre de vocations a augmenté, nous avons plus de séminaristes et d’ordinations sacerdotales que nous n’ en avons jamais eus. Mais d’un autre côté, il est également vrai que nous avons vu de nombreux frères et sœurs s’éloigner de l’Eglise catholique, pour rejoindre des groupes pentecôtistes. C’est un des problèmes de l’Eglise guatémaltèque aujourd’hui.

L’Eglise du Guatemala a toujours été engagée dans la défense des droits de l’Homme, dont les violations durant le conflit sont restées impunies…

Le thème des Droits de l’Homme est très important pour l’Eglise (…). Nous parlons évidemment des droits humains fondamentaux, à commencer par celui de la vie, mais aussi celui de la liberté d’expression, du droit à ne pas être persécutés en raison de ses opinions politiques, des droits sociaux, comme l’éducation et la santé. La réponse de l’Etat aux besoins de la population dans les domaines de la santé, de l’éducation et du travail continuera cependant à être faible et insuffisante, et cela cause beaucoup de problèmes. Ces dernières années, l’Eglise est aussi confrontée à ceux qui promeuvent des droits contraires à la Doctrine sociale de l’Eglise. Je me réfère en particulier à l’idéologie du genre, à l’avortement, au mariage homosexuel. Ils ne sont pas légalisés au Guatemala, mais la pression en ce sens est forte. Le combat de l’Eglise pour les Droits de l’Homme se situe à une échelle différente de celle de ces organisations.

Quelle est l’action pastorale de l’Eglise guatémaltèque pour contrer ces lobbys ?

Nous faisons ce que nous pouvons, mais nous sommes comme David contre Goliath. Ces organisations ont un grand pouvoir économique, une grande capacité de pénétration dans les médias, et elles jouissent de l’appui des agences onusiennes pour imposer à ce petit pays et à son gouvernement faible, un agenda politique orienté vers l’adoption de telles lois. Tout cela constitue un effort énorme pour l’Eglise, mais nous continuons à lutter pour la vie. Il est clair que quand nous parlons de la défense de la vie, nous ne pensons pas seulement à l’avortement, -comme le pensent de nombreux catholiques, mais également à la dignité des personnes qui, lorsqu’elles naissent, ont le droit de ne pas souffrir de malnutrition infantile et de vivre de manière décente.

L’Eglise est également engagée pour la défense des populations indigènes, -qui sont majoritaires au sein de la population-, de leurs territoires et de leur culture. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Le Guatemala est un pays essentiellement peuplé d’indigènes. Je suis évêque d’un diocèse dans lequel 93% de la population est indigène, et la très grande majorité du clergé et des séminaristes le sont aussi. C’est donc une réalité que je vis au quotidien. La question des industries minières a généré une polarisation, des résistances, des conflits, et l’Eglise est intervenue sur ce thème. Mais il faut aussi regarder le revers de la médaille : dans certains milieux populaires, s’est développée une certaine aversion pour tout investissement étranger, et cela n’aide pas non plus. Prenons l’exemple des centrales hydroélectriques, auxquelles l’Eglise ne s’oppose pas. Nous les évêques, nous avons affirmé que c’est une énergie propre et plus économique, même s’il faut aussi considérer et respecter le droit des populations locales. Mais nous ne pouvons pas non plus nous opposer à tout ce qui apporte du développement. Il y a des voix dissidentes et souvent, derrière ceux qui invoquent les droits des populations locales, il y a d’autres groupes de pression, avec des intérêts plus obscurs, comme les narcotrafiquants. C’est donc une question complexe. Il ne s’agit pas seulement d’une question de droits des indigènes ; je crois que la chose la plus importante est de défendre les droits de toute la population à se développer, éduquer ses enfants, et améliorer ses conditions de vie.

(AT-MA)








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