2017-07-25 19:46:00

Le cardinal Pell face à la justice australienne : chronologie de l'enquête


(RV) Le cardinal George Pell, préfet du Secrétariat pour l'Économie, est appelé à comparaître ce mercredi 26 juillet 2017 devant un Tribunal de Melbourne, dans le cadre d'une affaire d'abus sexuels sur mineurs.

Voici quelques points de repère au sujet de l'attitude du cardinal Pell face à la pédophilie depuis la révélation des affaires ayant impliqué le clergé australien dans les années 1990.

1996

Mgr George Pell, alors archevêque de Melbourne, sollicité par des responsables politiques, des juges et des fonctionnaires locaux, avait établi un protocole pour enquêter sur les abus sexuels commis par des prêtres, des religieux et des membres du personnel laïc, afin d’assister et d’indemniser les victimes. Trois entités sont alors formées, dans le cadre de cette démarche appelée la "Melbourne Response". L’application du protocole est confiée à trois entités : un groupe de commissaires indépendants chargés de recueillir et de vérifier les dénonciations, un centre d’écoute, et un panel juridique pour l’indemnisation des victimes.

2002

Nommé archevêque de Sydney en 2001, Mgr Pell est l’objet d’une enquête pour des abus sexuels présumés commis sur un enfant 40 ans auparavant. L’enquête sera classée sans suite après quelques semaines. En commentant l’affaire, le prélat affirmera avoir vécu un moment terrible, mais avoir été très aidé par la foi.

2008

Durant le vol aller pour Sydney, à l’occasion de son déplacement en Australie (du 12 au 21 juillet 2008) organisé dans le cadre des 23e Journées Mondiales de la Jeunesse, un journaliste demande à Benoît XVI si durant sa visite il entend affronter la question de la pédophilie dans l’Église en Australie, et rencontrer certaines victimes australiennes d’abus, le cardinal Pell s’étant d’ailleurs exprimé dans un sens favorable à une telle rencontre. Voici ce qu’avait répondu Benoît XVI : «Nous ferons tout ce qui est possible pour clarifier l’enseignement de l’Église et pour aider dans l’éducation, dans la préparation au sacerdoce, dans l’information, et nous ferons tout ce qui est possible pour guérir et réconcilier les victimes. Je pense que c’est cela, le sens fondamental de "demander pardon". Je pense que le contenu de la formule est meilleur et plus important, et je pense que le contenu doit expliquer en quoi notre comportement a eu des carences, qu’est-ce que nous devons faire en ce moment, de quelle façon prévenir, et comment guérir et réconcilier.»

Juillet 2010

Le cardinal Pell exprime son soutien à Mgr Denis Hart, archevêque de Melbourne, qui dans une lettre distribuée dans les 219 paroisses de l’État de Victoria, présente des excuses formelles et «sans réserves» aux victimes d’abus sexuels commis par des prêtres de l’archidiocèse. «La plaie des abus sexuels, explique alors Mgr Hart dans la lettre, continue à causer une grande angoisse, et dans de nombreux cas une crise de foi parmi les catholiques. Nous avons cherché à faire le possible pour apporter aux victimes une aide, une consolation, et si possible, une réconciliation avec l’Église», en précisant que près de 300 personnes avaient été indemnisées par le diocèse au cours des 14 années précédentes. Dans le communiqué, le cardinal Pell affirme notamment que les abus sont «un mal qui n’a pas sa place dans l’Église, et celui qui l’a commis mérite d’en répondre face aux lois».

2012

La Première ministre australienne Julia Gillard institue la  “Royal Commission into Institutional Responses to Child Sexual Abuse”, une commission nationale d’enquête sur les réponses des institutions aux abus sexuels sur mineurs, pour faire des investigations sur les œuvres de l’Église catholique et des autres organisations religieuses, ainsi que sur les associations, les gouvernements locaux, les écoles ou encore les scouts et les clubs sportifs. Cette commission n’a pas de pouvoirs d’action pénale, mais peut adresser les cas à la police et donner des recommandations aux institutions. Parmi les centaines de personnes appelées à témoigner dans les audiences publiques, le cardinal Pell, en 2014.

Août 2014 

Le cardinal Pell, devenu entre temps préfet du Secrétariat pour l’Économie et ayant quitté ses fonctions à Sydney, est appelé par la Commission royale pour témoigner en vidéo-conférence depuis Rome (n’ayant pas pu se rendre physiquement en Australie pour raison de santé), au sujet de la Melbourne Response et de la façon dont l’archidiocèse de Melbourne avait traité les dénonciations d’abus. Durant les audiences, aucun accent n’est mis sur une éventuelle implication directe du cardinal Pell dans des cas de pédophilie, mais des questions plus générales lui sont posées sur sa gestion des cas d’abus sexuels. Durant les audiences, les victimes appelées à témoigner accusent les responsables de la Melbourne Response, y compris Pell, d’avoir traité les cas rapportés d’une façon incohérente et inadéquate, en se référant, entre autre, à des pressions vouées à décourager les dénonciations à la police, en échange d’indemnisations. Le cardinal Pell, interpellé tout comme Mgr Denis Hart, son successeur comme archevêque de Melbourne depuis 2001, explique que les responsables de la Melbourne Response ont toujours œuvré indépendamment de l’archidiocèse. Il reconnait toutefois que l’initiative n’a pas été coordonnée avec la Conférence épiscopale australienne (Acbc), qui dans cette période était en train d’élaborer un protocole national pour affronter et résoudre les cas d’abus sexuels dans l’Église, appelé "Towards healing" ("Vers la guérison").

Juin 2015

L’activiste anti-pédophilie anglais Peter Saunders, victime d’abus et membre de la Commission pontificale pour la Protection des mineurs instituée par le Pape François en 2014, dénonce le «mépris» manifesté selon lui par le cardinal Pell à l’égard des enfants victimes d’abus sexuels dans l’archidiocèse de Melbourne. Peter Saunders déclare à la chaine australienne Channel 9 que le cardinal «se moque de la commission pontificale, du Pape lui-même, mais surtout de toutes les victimes». Il ajoute qu’il devrait être «mis à l’écart» par le Pape François. Le préfet du Secrétairait pour l’Économie dénonce alors ces accusations comme «fausses», «mensongères» et «outrageuses».

Alors directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi explique que Peter Saunders ne peut s’exprimer qu’à titre personnel et non en tant que membre de la commission pontificale, ajoutant que le cardinal Pell a toujours répondu aux autorités australiennes qui enquêtent sur les cas d’abus du clergé.

La Commission pontificale pour la protection des mineurs précise à son tour qu’il n’est pas de sa compétence de «commenter des cas particuliers ou des enquêtes» sur les abus commis par des membres du clergé, affirmant toutefois qu’il est «essentiel que ceux qui occupent des positions d’autorité dans l’Église puissent répondre rapidement, de façon transparente, et avec le clair objectif de consentir à rejoindre la justice».

14 septembre 2015

La Commission royale publie le rapport sur la "Melbourne Response". Ce document est le fruit des auditions d’août 2014 durant lesquelles le cardinal Pell avait été interrogé. Ce rapport met en évidence le fait que contrairement à ce qui a été affirmé par le cardinal et par Mgr Hart, la gestion du protocole n’a pas été, dans les faits, indépendante de l’archidiocèse. Par ailleurs, il est mis en évidence que ce programme n’a pas été coordonné avec celui préparé au niveau national par la conférence épiscopale (“Towards Healing”), avec comme résultat que des cas comparables ont reçu des traitements différents, aussi en fonction de l’entité d’indemnisation des abus.

Décembre 2015 – février 2016

Le cardinal Pell est à nouveau convoqué par la Commission royale, qui cette fois est en train d’enquêter sur les crimes pédophiles commis par des prêtres du diocèse de Ballarat, quand George Pell était vicaire et assistant de l’ordinaire local, Mgr Ronald Mulkearns. Il est accusé d’avoir protégé certains prêtres coupables d’abus sur mineurs commis dans les années 1970 et 1980.

Une semaine avant la déposition, ses avocats informent la Commission royale qu’il ne peut pas se présenter pour raisons de santé. Malgré le renvoi de l’audience à février, ses cinq avocats informent qu’il n’est toujours pas en condition de prendre l’avion.

6 février 2016

La Commission pontificale pour la protection des mineurs annonce dans un communiqué que Peter Saunders «prendra une période d’attente quant à sa participation comme membre, pour réfléchir sur la façon dont il pourrait contribuer de la meilleure façon au travail de la Commission». La décision suit les lourdes accusations qu’il avait adressées au cardinal Pell en juin 2015, demandant sa démission.

29 février 2016

Le cardinal Pell est interrogé durant quatre jours par la Commission royale en vidéoconférence depuis l’Hotel Quirinale de Rome au sujet des cas de pédophilie dans le diocèse de Ballarat. Il déclare à la Commission que «l’Église a commis d’énormes erreurs, mais est en train de travailler pour y remédier. Elle a causé de graves dommages en de nombreux lieux, elle a déçu les fidèles». Il admet : «Je ne suis pas ici pour défendre l’indéfendable», expliquant qu’il fallait «protéger de la honte l’institution, la communauté de l’Église».

Mais il nie avoir eu connaissance des crimes attribués aux prêtres pédophiles qui travaillaient dans le diocèse de Ballarat et qui pour cette raison avaient été déplacés dans d’autres paroisses. De même, concernant le cas de Gerald Risdale, un prêtre condamné pour 138 délits à l’encontre de 53 victimes et avec lequel il avait travaillé à Ballarat, le cardinal Pell affirme ne jamais avoir su vraiment le motif de son transfert d’une paroisse à l’autre. Il reconnaît toutefois que de telles mutations «ont été une catastrophe». Le cardinal suscite quelques murmures parmi les présents quand il affirme que l’affaire des abus commis par Ridsdale est «une histoire triste» mais pour lui «sans grand intérêt».

À cette déposition assistent depuis l’Australie 14 victimes, parmi lesquelles un neveu de Ridsdale, qui accuse le cardinal Pell d’avoir cherché à acheter son silence. Devant l’Hotel Quirinale sont aussi présents des représentants des victimes australiennes, dont le voyage à Rome a été financé par une collecte de fonds ayant rapporté l’équivalent de 130 000 euros.

31 juillet 2016

Interpellé par un journaliste au sujet de l’affaire Pell lors de la conférence de presse durant le vol de retour des JMJ de Cracovie, le Pape François répond que «l’on ne doit pas juger le cardinal avant que la justice ne juge. Si moi je donnais un jugement pour ou contre le cardinal Pell, je ne serais pas bon, parce que je jugerais avant. C’est vrai, il y a le doute. Et il y a ce principe clair du droit : in dubio pro reo. Nous devons attendre la justice et ne pas faire avant un jugement médiatique, parce que ceci n’aide pas. Le jugement des bavardages, et ensuite ? On ne sait pas ce qui arrivera. Il faut être attentif à ce que décidera la justice. Une fois que la justice aura parlé, moi, je parlerai.»

Octobre 2016

Les enquêteurs de la police de Victoria se rendent à Rome pour interroger le cardinal Pell concernant les accusations de pédophilie adressées par certaines personnes. Les résultats des enquêtes sont présentés par le parquet de Melbourne. Au cours du premier semestre 2017 s’ajouteront des éléments à charge à son encontre.

29 juin 2017

Après deux années d’enquête, le cardinal Pell est formellement inculpé par le tribunal de Melbourne pour des abus sexuels sur mineurs. Le vice-commissaire de la police de Ballarat, Shane Patton, l’annonce en expliquant que les accusations impliquent de nombreux plaignants, sans toutefois donner de détails sur le nombre de cas auxquels le cardinal Pell devra répondre, et quelles sont les accusations spécifiques.

Ayant appris la nouvelle, le Pape François lui accorde un congé (mais sans lui retirer, pour le moment, la charge de préfet du Secrétariat pour l’Économie, qu’il détient depuis le 24 février 2014) pour rentrer à Melbourne afin d’affronter le procès, sans donc se prévaloir de l’immunité diplomatique ni du fait qu’il n’existe pas de traités d’extradition entre le Vatican et l’Australie.

Appelé à comparaître devant le Tribunal le 26 juillet en Australie, le cardinal Pell, pour sa part, rejette encore une fois toutes les accusations. Lors de la conférence de presse convoquée dans la matinée du 29 juin à la Salle de presse du Saint-Siège, le cardinal affirme : «J’attends le jour lors duquel je pourrai me défendre devant la cour. Je suis innocent, les accusations sont fausses, et je considère l’idée même d’abus sexuel comme un crime horrible», ajoutant avoir informé le Pape «régulièrement durant ces longs mois».

Le cardinal lance ensuite une critique âpre contre «les anticipations sur les enquêtes en cours depuis maintenant deux ans. Un acharnement sans trêve», affirme-t-il, ajoutant que «le processus judiciaire me donnera l’opportunité de laver mon nom, et de revenir à mon travail à Rome».

Marie Collins, victime irlandaise d’abus sexuels et ancienne membre de la Commission pontificale pour la Protection des mineurs, qui avait démissionné le 1er mars en estimant que dans la Curie romaine il n’y a pas suffisamment de collaboration dans la lutte contre la pédophilie, commente dans ces termes l’inculpation du cardinal Pell, dans un entretien au quotidien italien La Repubblica : «Je ne connais pas les motivations de l’accusation, et je ne juge pas coupable une personne avant qu’elle ne soit jugée. Ce qui est toutefois certain, c’est que le cardinal Pell est coupable de ne pas avoir traité d’une façon juste les cas de pédophilie commis par des prêtres quand il était archevêque en Australie. Sa nomination au Vatican fut une gifle avant tout pour les victimes australiennes, ensuite aussi pour ceux qui, dans l’Église, luttent contre la pédophilie. Le cardinal Pell ne devrait pas se cacher à Rome sans répondre aux victimes. Son congé, même si c’est positif, arrive à mon avis trop tard»

Le 29 juin 2017, suite à l’annonce de la police de Melbourne, la Salle de presse du Saint-Siège avait diffusé le communiqué suivant :

«Le Saint-Siège a appris avec tristesse la nouvelle du renvoi en justice en Australie du cardinal George Pell, pour des imputations relatives à des faits survenus il y a quelques décennies. Mis au courant de la décision, le cardinal Pell, dans le plein respect des lois civiles et reconnaissant l’importance de sa propre participation afin que le procès puisse se dérouler d’une façon juste et favoriser ainsi la recherche de la vérité, a décidé de rentrer dans son pays pour affronter les accusations qui ont été émises. Le Saint-Père, informé de cela par le cardinal Pell en personne, lui a accordé une période de congé pour pouvoir se défendre. Durant l’absence du préfet, le Secrétariat pour l’Économie continuera à assurer ses propres devoirs institutionnels. Les secrétaires resteront en charge pour le traitement des affaires ordinaires donec aliter provideatur.

Le Saint-Père, qui a pu apprécier l’honnêteté du cardinal Pell durant les trois années de travail dans la Curie romaine, lui est reconnaissant pour la collaboration, et en particulier pour l’énergique engagement en faveur des réformes dans le secteur économique et administratif, et sa participation active dans le Conseil des cardinaux (C9). Le Saint-Siège exprime son propre respect vis-à-vis de la justice australienne qui devra statuer sur les questions soulevées.

Il faut en même temps rappeler que le cardinal Pell, depuis des décennies, a ouvertement et de façon répétée condamné les abus commis contre des mineurs comme des actes immoraux et intolérables, a coopéré dans le passé avec les autorités australiennes (notamment lors des dépositions devant la Commission royale), a appuyé la création de la Commission pontificale pour la Protection des Mineurs, et enfin, comme évêque diocésain, en Australie, a introduit des systèmes et des procédures pour la protection des mineurs, et pour fournir une assistance aux victimes d’abus.»

(CV-Traduction de la synthèse du REI, le service de documentation du Secrétariat pour la Communication)








All the contents on this site are copyrighted ©.