2017-07-25 13:29:00

Un an après l'assassinat du père Jacques Hamel, la paroisse de Saint-Étienne-du-Rouvray toujours dans le temps du deuil


(RV) Entretien - La France va rendre hommage au père Jacques Hamel assassiné le 26 juillet 2016 dans l’église Saint-Etienne du Rouvray en Normandie par deux jeunes se revendiquant de l’État islamique. L’émotion est toujours forte pour la communauté catholique, mais aussi bien au-delà.

Ce mercredi, un an après l’assassinat du père Jacques, l’archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun célébrera une messe à 9h pour rendre hommage au prêtre assassiné, à l'heure exacte et au lieu de son assassinat. Une messe à laquelle se joindront de nombreuses personnalités politiques et religieuses. Le président Emmanuel Macron notamment a annoncé sa participation.

Une stèle «pour la paix et la fraternité et à la mémoire du père Jacques Hamel» sera ensuite érigée, place de l’église, par la commune de Saint-Etienne-du-Rouvray, administrée par un maire communiste qui avait été profondément bouleversé par ce drame.

Le père Jacques Hamel, dont le procès en béatification a été ouvert laisse une empreinte indélébile et un héritage spirituel particulièrement vivant nous confie Mgr Lebrun, interrogé par Olivier Bonnel.

Je constate que l’émotion est encore très vive, et que, pour beaucoup, c’est encore le chemin du deuil, qui est ce qui apparaît le plus. Et je pense en particulier à la famille, je pense à la paroisse, à la communauté musulmane toute proche… Un peu paradoxalement, depuis sa mort, le père Jacques Hamel est plus que jamais vivant. Et nous sommes encore dans ce moment où nous réalisons qu’il n’est plus parmi nous, que sa vie a été ordinaire, exemplaire, mais que sa mort est encore très douloureuse.

La mort du père Jacques a créé une grande blessure dans la communauté catholique et même au-delà, vous venez de le dire. Quel sens peut-on donner à cette émotion un an après ?

Je ne sais pas si on peut lui donner un autre sens que celui que Jésus a donné à toute blessure : sur la Croix, l’occasion, le lieu, du plus grand amour. Je suis frappé qu’avec les personnes les plus blessées autour du père Jacques Hamel, dont j’ai parlé, mais aussi parmi les représentants des pouvoirs publics, la mairie, si nous avons de temps en temps des opinions contraires, différentes, cela ne se transforme pas en conflit. Et le premier fruit que je vois de la mort du père Jacques Hamel, de cette blessure, c’est la paix. La paix entre des personnes qui ont visiblement des opinions différentes. Vous savez que le maire de Saint-Étienne-du-Rouvray est communiste. La communauté musulmane évidemment ne partage pas notre foi en Jésus Fils de Dieu. Mais nous vivons, avec la famille, ce moment où nous pouvons nous dire les choses pour lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Et en même temps, nous sommes liés. Liés dans une aventure humaine qui est une aventure spirituelle.

C’est-à-dire que la mort du père Jacques a créé de nouveaux liens entre les gens de toutes les communautés, à Saint-Étienne-du-Rouvray en particulier ?

Je crois que la mort du père Jacques les a transformés, et transforme petit à petit les cœurs. Vous savez, ce qui se passe dans le cœur de l’homme, c’est difficile de le juger, de le jauger. Mais ce que je peux percevoir, c’est que ces relations - qui existaient d’ailleurs en partie grâce au père Jacques Hamel, qui était, comme je le disais, vraiment un prêtre ordinaire, c’est-à-dire très bien inséré dans son quartier, dans sa ville - , ces relations s’approfondissent. Par exemple, le président de la mosquée a pu nous dire il n’y pas très longtemps, comme un ami ouvre son cœur à un ami : «Vous savez, on avait juste peur que les catholiques ne nous aiment plus, après l’attentat.» Et je crois que c’est une très belle expression pleine de sincérité. À la fois ils avaient bien conscience que nous les aimions, mais il ne nous l’avaient jamais dit avec ces mots-là. Et à la fois ils voyaient que ce traumatisme pouvait engendrer de la violence, voire de la vengeance. Et nous leur avons dit que nous continuerions à vouloir les aimer.

Est-ce que la mort du père Jacques a été un tournant pour le dialogue avec l’islam ?

Un approfondissement plus qu’un tournant. Cela, évidemment, localement. Après nous voyons bien, aujourd’hui, que la communauté musulmane se débat. Il est incontestable que Daech et ceux qui justifient aussi l’action de Daech se réclament de l’islam. Et donc, des croyants musulmans s’affairent, s’interrogent et à la fois se démarquent. La très grande majorité des musulmans de France et tous les responsables disent : ce n’est pas l’islam, ce terrorisme. Mais en même temps ils voient bien que les terroristes, eux, se réclament de l’islam. Donc c’est peut-être de ce point de vue un tournant, avec des prises de position plus fortes, et aussi, des décisions prises dans les communautés musulmanes pour éradiquer le radicalisme.

Le père Jacques, on s’en souvient, était une personne simple, une personne humble… Un vieux prêtre qui ne faisait pas de bruit, d’une certaine manière. Est-ce que son héritage se vit aujourd’hui aussi dans cette simplicité, qui peut rejoindre tant de personnes, au-delà des catholiques ?

Ce qui touche dans la personne du père Jacques Hamel, c’est sa simplicité, et le ministère qu’il vivait, c’est le cœur du ministère du prêtre diocésain. Que peut-on dire du père Jacques Hamel, sinon qu’il célébrait la messe chaque jour, qu’il était fidèle à son bréviaire, qu’il baptisait, mariait, célébrait des obsèques, et allait voir les enfants chaque semaine au catéchisme… Et puis, il était dans son quartier. Il faisait ses courses. Il vivait très pauvrement. Je pense qu’aujourd’hui il n’y a pas beaucoup de familles qui accepteraient de vivre dans ce petit espace qui était le sien, qui depuis 20 ans n’avait pas connu de coup de peinture. J’ai même parfois un peu honte de voir dans quel genre de lieu le père Jacques Hamel vivait. Et je pense que ça touche tous ceux qui ont eu un jour affaire à un prêtre dans ces circonstances, pour une première communion, pour un baptême, pour des obsèques. Ils peuvent voir et revivre ce moment de consolation, ce moment d’écoute en vérité, que leur ont offert tant de prêtres à travers le monde.

Aujourd’hui le procès en béatification du père Jacques est ouvert. Comment définir cet héritage spirituel que nous laisse le père Jacques ?

C’est le procès en béatification qui va commencer des éléments de cet héritage spirituel. Et puis, c’est l’opinion publique, comme nous disons, le peuple de Dieu, qui lui-même va accueillir cette grâce. Moi je suis là pour orienter, pour m’assurer que la première partie de l’enquête diocésaine du procès se déroule bien, et précisément que les personnes qui recueillent par les homélies en particulier, qui seront appelés à dessiner un peu la figure spirituelle. Mais le plus important aussi c’est ce que l’Esprit Saint fait de manière un peu inattendue dans le Peuple de Dieu. Et je ne veux pas dire à l’Esprit Saint quel est son travail.

(CV-OB)








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