(RV) Pour guérir les blessures de la Birmanie, les catholiques doivent répondre
par la sagesse. C’est le message porté par le Pape François ce mercredi, troisième
jour de son voyage apostolique en Birmanie. Il a célébré ce matin une messe devant
150 000 catholiques birmans au stade Kyaikkasan de Rangoun, accompagné de 22 évêques
de Birmanie et des pays voisins.
Dans son homélie, le pape a invité les fidèles à suivre Jésus, qui a donné sa vie
sur la croix, comme un «GPS spirituel», seule source de guérison.
Après quelques mots de salut en birman, le Pape a d’abord souligné qu’il était
venu ici, auprès de la petite et discrète communauté catholique birmane comme un pèlerin
«pour écouter et apprendre» d’elle , et pour lui «offrir quelques paroles
d’espérance et de consolation».
S’appuyant sur la première lecture du jour, du livre de Daniel, il a rappelé aux
fidèles l’importance de faire confiance à Jésus qui a enseigné la sagesse, non pas
par «de longs discours ou de grandes démonstrations de pouvoir politique ou terrestre,
mais en donnant sa vie sur la croix». C’est lui la seule «boussole sûre»,
le «GPS spirituel»; qui «nous guide infailliblement» vers Dieu et
le prochain.
La guérison par la sagesse du Christ
De la croix, vient la sagesse, et ainsi la guérison. Voilà le message essentiel
du Pape ce matin devant les 150.000 fidèles birmans rassemblés dans l’ancien hippodrome
de Rangoun. Même si en Birmanie, «beaucoup portent les blessures de la violence,
qu’elles soient visibles ou invisibles» poursuit François, il faut résister à
la tentation de répondre à ces blessures par la colère ou la vengeance.
«La voie de Jésus est radicalement différente. Quand la haine et le refus l’ont
conduit à la passion et à la mort, il a répondu par le pardon et la compassion»
rappelle le Saint-Père.
Devant les refus et les obstacles, le Christ «nous donnera une sagesse à laquelle
personne ne peut résister» rassure François. Cette sagesse irrésistible, c’est celle
reçue par l’Esprit Saint, qui rend «capable chacun de nous d’être signes de sa
sagesse, qui triomphe sur la sagesse de ce monde, et signes de sa miséricorde, qui
apporte aussi soulagement aux blessures les plus douloureuses».
Le Pape encourage l’Église vivante de Birmanie
Le Pape a alors invité, à travers le don de l’Eucharistie, du pain et du vin, à
prendre refuge et trouver le repos dans les blessures du Christ afin de «goûter
le baume apaisant de la miséricorde du Père et trouver la force de le porter aux autres,
pour soigner chaque blessure et chaque mémoire douloureuse. De cette manière, vous
serez des fidèles témoins de la réconciliation et de la paix.»
Le Saint-Père a ainsi salué et encouragé l’action de l’Église de Birmanie pour
«porter le baume de guérison de la miséricorde de Dieu» à un grand nombre d’hommes,
de femmes et d’enfants, sans distinction de religion ou de provenance ethnique»
et qui sont dans le besoin. Une Église birmane vivante, témoigne le Pape dont les
«efforts de semer des graines de guérison et de réconciliation dans vos familles,
vos communautés et dans la société plus vaste de cette nation» seront récompensés.
«Que Dieu vous bénisse tous ! Que Dieu bénisse l’Église en Birmanie! Qu’il
bénisse cette terre par sa paix ! Que Dieu bénisse la Birmanie!» a terminé le
Pape.
Extraordinaire énergie spirituelle
Lors de la première messe en public et en plein air d'un pape en Birmanie, les
prières d’intercession ont été lues par les fidèles des différentes ethnies en langues
shan, chin, tamil, karen, kachin, et kayan.
À la fin de la célébration, le cardinal Charles Bo, archevêque de Rangoun, a lu
un message de remerciement au Pape François. Il a comparé la rencontre du Saint-Père
avec les catholiques birmans au Mont Thabor, où Jésus a été transfiguré et révélé
sa nature divine aux apôtres en Terre Sainte. Cette visite du Saint-Père donne une
«extraordinaire énergie spirituelle, et nous rend fiers d’être catholiques»
a déclaré le prélat.
Homélie intégrale
du Pape François pour la Messe au stade Kyaikkasan de Rangoun
"Chers frères et sœurs "bonjour" (en birman),
avant de venir dans ce pays, j’ai longtemps attendu ce moment. Beaucoup parmi vous
sont venus de loin et de régions montagneuses éloignées, quelques-uns aussi à pied.
Je suis venu comme un pèlerin pour vous écouter et apprendre de vous, et pour vous
offrir quelques paroles d’espérance et de consolation.
La première lecture d’aujourd’hui, du livre de Daniel, nous aide à voir combien
la sagesse du roi Balthazar et de ses voyants est limitée. Ils savaient comment louer
« leurs dieux d’or et d’argent, de bronze et de fer, de bois et de pierre » (Dn 5,
4), mais ils ne possédaient pas la sagesse pour louer Dieu dans les mains duquel est
notre vie et notre souffle. Daniel au contraire, avait la sagesse du Seigneur et il
était capable d’interpréter ses grands mystères.
L’interprète définitif des mystères de Dieu est Jésus. Il est la sagesse de
Dieu en personne (cf. 1 Co 1, 24). Jésus ne nous a pas enseigné sa sagesse avec de
longs discours ou par de grandes démonstrations de pouvoir politique ou terrestre,
mais en donnant sa vie sur la croix. Nous pouvons tomber quelquefois dans le piège
de faire confiance à notre sagesse elle-même, mais la vérité est que nous pouvons
facilement perdre le sens de la direction. À ce moment, il est nécessaire de nous
rappeler que nous disposons devant nous d’une boussole sûre, le Seigneur crucifié.
Dans la croix, nous trouvons la sagesse, qui peut guider notre vie avec la lumière
qui provient de Dieu.
De la croix, vient aussi la guérison. Là, Jésus a offert ses blessures au
Père pour nous, les blessures par lesquelles nous sommes guéris (cf. 1 P 2, 24). Que
ne nous manque jamais la sagesse de trouver dans les blessures du Christ la source
de tout soin ! Je sais qu’au Myanmar beaucoup portent les blessures de la violence,
qu’elles soient visibles ou invisibles. La tentation est de répondre à ces blessures
avec une sagesse mondaine qui, comme celle du roi dans la première lecture, est profondément
faussée. Nous pensons que le soin peut venir de la colère et de la vengeance. La voie
de la vengeance n’est cependant pas la voie de Jésus.
La voie de Jésus est radicalement différente. Quand la haine et le refus l’ont conduit
à la passion et à la mort, il a répondu par le pardon et la compassion. Dans l’Evangile
d’aujourd’hui, le Seigneur nous dit que, comme lui, nous aussi nous pouvons rencontrer
le refus et des obstacles, mais que toutefois, il nous donnera une sagesse à laquelle
personne ne peut résister (cf. Lc 21, 15). Il parle ici de l’Esprit Saint, par lequel
l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5). Avec le don de l’Esprit,
Jésus rend capable chacun de nous d’être signes de sa sagesse, qui triomphe sur la
sagesse de ce monde, et signes de sa miséricorde, qui apporte aussi soulagement aux
blessures les plus douloureuses.
À la veille de sa passion, Jésus s’est donné à ses Apôtres sous les espèces
du pain et du vin. Dans le don de l’Eucharistie, nous ne reconnaissons pas seulement
avec les yeux de la foi, le don de son corps et de son sang ; nous apprenons aussi
comment trouver le repos dans ses blessures, et là être purifiés de tous nos péchés
et de nos routes déformées. En prenant refuge dans les blessures du Christ, chers
frères et sœurs, vous pouvez goûter le baume apaisant de la miséricorde du Père et
trouver la force de le porter aux autres, pour oindre chaque blessure et chaque mémoire
douloureuse. De cette manière, vous serez des fidèles témoins de la réconciliation
et de la paix, que Dieu désire voir régner dans chaque cœur humain et dans chaque
communauté.
Je sais que l’Eglise au Myanmar fait déjà beaucoup pour porter le baume de
guérison de la miséricorde de Dieu aux autres, spécialement à ceux qui en ont le plus
besoin. Il y a des signes clairs que, même avec des moyens très limités, de nombreuses
communautés proclament l’Evangile à d’autres minorités tribales, sans jamais forcer
ou contraindre, mais toujours en invitant et en accueillant. Au milieu d’une grande
pauvreté et de difficultés, beaucoup parmi vous offrent concrètement assistance et
solidarité aux pauvres et à ceux qui souffrent. A travers l’attention quotidienne
de ses évêques, prêtres, religieux et catéchistes, et particulièrement à travers le
louable travail de Catholic Karuna Myanmar et de la généreuse assistance fournie par
les Œuvres Pontificales missionnaires, l’Église dans ce pays aide un grand nombre
d’hommes, de femmes et d’enfants, sans distinction de religion ou de provenance ethnique.
Je peux témoigner que l’Église ici est vivante, que le Christ est vivant et qu’il
est là, avec vous et avec vos frères et sœurs des autres communautés chrétiennes.
Je vous encourage à continuer de partager avec les autres la sagesse sans prix que
vous avez reçue, l’amour de Dieu qui jaillit du cœur de Jésus.
Jésus veut donner cette sagesse en abondance. Certainement, il récompensera
vos efforts de semer des graines de guérison et de réconciliation dans vos familles,
vos communautés et dans la société plus vaste de cette nation. Ne nous a-t-il pas
dit que sa sagesse est irrésistible (cf. Lc 21, 15) ? Son message de pardon et de
miséricorde utilise une logique que tous ne voudront pas comprendre, et qui rencontrera
des obstacles. Cependant son amour, révélé sur la croix est, en dernière analyse,
inéluctable. Il est comme un “GPS spirituel”; qui nous guide infailliblement vers
la vie intime de Dieu et le cœur de notre prochain.
La Bienheureuse Vierge Marie a suivi aussi son Fils sur la montagne obscure
du Calvaire et elle nous accompagne à chaque pas de notre voyage terrestre. Qu’elle
puisse, Elle, nous obtenir toujours la grâce d’être des messagers de la véritable
sagesse, profondément miséricordieux envers ceux qui sont dans le besoin, avec la
joie qui vient du repos dans les blessures de Jésus, qui nous a aimés jusqu’au bout.
Que Dieu vous bénisse tous ! Que Dieu bénisse l’Église au Myanmar ! Qu’il bénisse
cette terre par sa paix ! Que Dieu bénisse le Myanmar !"