Le Pape François détaille sa pastorale de la santé aux malades
(RV) Dans son message pour la 26ème Journée mondiale du malade qui se
tiendra le 11 février 2018, et qui a été rendu public ce 11 décembre 2017, le Pape
François a présenté sa vision d’une pastorale de la santé. Le compte-rendu de Delphine
Allaire.
L’Église est un éternel «hôpital de campagne», irradié par «la puissance
de guérison du Christ» répète le Pape François. Si la vocation maternelle de
Marie naît du douloureux mystère de la Croix, celle-ci, s’est maintes fois concrétisée
en faveur des malades au cours de l’histoire bimillénaire de l’Église.
«Dans les pays où les systèmes de santé publique sont suffisants, par exemple,
le travail des congrégations catholiques, des diocèses et de leurs hôpitaux, non seulement
fournit des soins médicaux de qualité, mais cherche à mettre la personne humaine au
centre du processus thérapeutique et accomplit une recherche scientifique dans le
respect de la vie et des valeurs morales chrétiennes», a pointé François. D’un
tel constat survient alors la nécessité du soin, même si l’on «ne peut plus guérir»,
et la nécessité de la joie que devrait provoquer pareille mission.
Le service aux malades comprend plusieurs volets, explique le Pape dans
ce message, louant avec attention la générosité «quasi-sacrificielle» de
nombreux fondateurs d’instituts de santé catholiques.
Après la générosité viennent la créativité, suggérée par la charité, et l’engagement
dans la recherche scientifique. «Surtout, prévient le Pape, il s’agit
de préserver les hôpitaux catholiques du risque de l’entreprenariat, qui dans le monde
entier, cherche à faire entrer la protection de la santé dans le contexte du marché».
Intelligence d’organisation et charité doivent donc prévaloir afin que le malade
soit dignement respecté. En effet, s’il y a quelque chose que Jésus a laissé en don
à l’Église, c’est bien sa «puissance de guérison».
Le souci des malades, historique préoccupation ecclésiale
Lors d’un congrès organisé les 17 et 18 novembre 2017 au Vatican sur le thème des
disparités globales en matière de santé, le Pape François avait déjà insisté sur «la
dignité et les droits inaliénables de l’être humain», comme cœur de mission des
soins de santé de qualité.
Repères
Depuis 1992 et son institution par le Pape Jean-Paul II, l’Eglise catholique célèbre
tous les 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes, la Journée Mondiale du malade.
Celle-ci se décline dans les diocèses français en un «Dimanche de la Santé», afin
de rappeler que l’accompagnement des personnes souffrantes est une priorité évangélique,
mais aussi de sensibiliser chacun pour préserver le don de la santé.
Mater
Ecclesiae : « “ Voici ton fils ... Voici ta mère ”. Dès
cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui » (Jn
19, 26-27)
Chers frères
et sœurs,
Le service de
l’Église envers les malades et ceux qui s’occupent d’eux doit se poursuivre avec une
vigueur toujours nouvelle, dans la fidélité au mandat du Seigneur (cf. Lc
9, 2-6 ; Mt 10, 1-8 ; Mc 6, 7-13) et en suivant l’exemple très éloquent
de son fondateur et maître.
Cette année,
le thème de la Journée du malade nous est fourni par les paroles que Jésus, élevé
sur la croix, adresse à Marie, sa mère, et à Jean : « “ Voici ton fils ... Voici ta
mère ”. Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui » (Jn 19, 26-27).
1. Ces paroles
du Seigneur éclairent profondément le mystère de la Croix. Celle-ci ne représente
pas une tragédie sans espérance, mais elle est le lieu où Jésus manifeste sa gloire
et laisse ses dernières volontés d’amour, qui deviennent les règles constitutives
de la communauté chrétienne et de la vie de chaque disciple.
Avant tout, les
paroles de Jésus donnent son origine à la vocation maternelle de Marie à l’égard de
l’humanité tout entière. Elle sera, en particulier, la mère des disciples de son Fils
et prendra soin d’eux et de leur cheminement. Et nous savons que le soin maternel
apporté à un fils ou à une fille comprend à la fois les aspects matériels et les aspects
spirituels de son éducation.
La douleur indicible
de la croix transperce l’âme de Marie (cf. Lc 2,35), mais ne la paralyse
pas. Au contraire, comme Mère du Seigneur, un nouveau chemin de don commence pour
elle. Sur la croix, Jésus se préoccupe de l’Église et de l’humanité tout entière et
Marie est appelée à partager cette même préoccupation. Décrivant la grande effusion
de l’Esprit Saint à la Pentecôte, les Actes des Apôtres nous montrent que Marie a
commencé à accomplir sa tâche dans la première communauté de l’Église. Une tâche qui
ne connaît jamais de fin.
2. Le disciple
Jean, le bien-aimé, représente l’Église, peuple messianique. Il doit reconnaître Marie
comme sa propre mère. Or, dans cette reconnaissance, il est appelé à l’accueillir,
à contempler en elle le modèle d’une façon d’être disciple, ainsi que la vocation
maternelle que Jésus lui a confiée, avec les préoccupations et les projets que cela
comporte : la Mère qui aime et qui engendre des enfants capables d’aimer selon le
commandement de Jésus. Par conséquent, la vocation maternelle de Marie, la vocation
à prendre soin de ses enfants, est transmise à Jean et à toute l’Église. Toute la
communauté des disciples est impliquée dans la vocation maternelle de Marie.
3. En tant que
disciple ayant tout partagé avec Jésus, Jean sait que le Maître veut conduire tous
les hommes vers la rencontre avec le Père. Il peut témoigner que Jésus a rencontré
de nombreuses personnes malades dans leur esprit, car remplies d’orgueil (cf. Jn
8, 31-39) et malades dans leur corps (cf. Jn 5, 6). Envers tous, il a fait
preuve de miséricorde et de pardon, il a même accordé la guérison physique aux malades,
signe de la vie abondante du Royaume, où toute larme sera essuyée. Comme Marie, les
disciples sont appelés à prendre soin les uns des autres, mais pas seulement. Ils
savent que le cœur de Jésus est ouvert à tous, sans exclusions. L’Évangile du Royaume
doit être annoncé à tous et la charité des chrétiens doit s’adresser à tous ceux qui
sont dans le besoin, simplement parce que ces personnes sont des enfants de Dieu.
4. Cette vocation
maternelle de l’Église envers les personnes dans le besoin et les malades s’est
concrétisée, au long de son histoire bimillénaire, par une très riche série d’initiatives
en faveur des malades. Cette histoire de dévouement ne doit pas être oubliée. Elle
se poursuit aujourd’hui encore, dans le monde entier. Dans les pays où il existe des
systèmes de santé publique suffisants, le travail des congrégations catholiques, des
diocèses et de leurs hôpitaux, non seulement fournit des soins médicaux de qualité,
mais cherche à mettre la personne humaine au centre du processus thérapeutique et
accomplit une recherche scientifique dans le respect de la vie et des valeurs morales
chrétiennes. Dans les pays où les systèmes de santé sont insuffisants ou inexistants,
l’Église travaille pour offrir le plus possible aux gens en matière de soins et de
santé, pour éliminer la mortalité infantile et éradiquer certaines maladies très répandues.
Partout, elle essaie de soigner, même lorsqu’elle n’est pas en mesure de guérir. L’image
de l’Église comme «hôpital de campagne», accueillante pour tous les blessés
de la vie, est une réalité très concrète, car dans certaines parties du monde, seuls
les hôpitaux des missionnaires et des diocèses fournissent les soins nécessaires à
la population.
5. La mémoire
de la longue histoire du service apporté aux malades constitue un motif de joie pour
la communauté chrétienne et, en particulier, pour ceux qui accomplissent ce service
dans le temps présent. Mais il faut regarder le passé, surtout pour s’en laisser enrichir.
Nous devons apprendre de lui : la générosité jusqu’au sacrifice total de nombreux
fondateurs d’instituts au service des malades ; la créativité, suggérée par la charité,
de nombreuses initiatives mises en œuvre au cours des siècles ; l’engagement dans
la recherche scientifique, pour offrir aux malades des soins innovants et fiables.
Cet héritage du passé aide à bien projeter l’avenir. Par exemple, à préserver les
hôpitaux catholiques du risque de l’entreprenariat qui, dans le monde entier, cherche
à faire entrer la protection de la santé dans le contexte du marché, finissant ainsi
par écarter les pauvres. L’intelligence d’organisation et la charité exigent plutôt
que la personne du malade soit respectée dans sa dignité et toujours maintenue au
centre du processus de soin. Ces orientations doivent être spécifiques aussi aux chrétiens
qui œuvrent dans les structures publiques et qui, par leur service, sont appelés à
rendre un bon témoignage à l’Évangile.
6. Jésus a laissé
en don à l’Église sa puissance de guérison: «Et voici les signes qui accompagneront
ceux qui auront cru : [...] ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront
guéris » (Mc 16, 17-18). Dans les Actes des Apôtres, nous lisons la description
des guérisons accomplies par Pierre (cf. Ac 3, 4-8) et par Paul (cf. Ac
14, 8-11). Au don de Jésus correspond la tâche de l’Église, qui sait qu’elle doit
porter sur les malades le regard même de son Seigneur, un regard rempli de tendresse
et de compassion. La pastorale de la santé reste et restera toujours une tâche nécessaire
et essentielle, à vivre avec un élan nouveau, à partir des communautés paroissiales
jusqu’aux centres de soin les plus performants. Nous ne pouvons pas oublier ici la
tendresse et la persévérance avec lesquelles de nombreuses familles accompagnent leurs
enfants, leurs parents et d’autres membres de leur famille, qui souffrent de maladies
chroniques ou sont porteurs de graves handicaps. Les soins qui sont apportés en famille
sont un témoignage extraordinaire d’amour de la personne humaine et doivent être soutenus
avec une reconnaissance adéquate et des politiques appropriées. Ainsi, les médecins
et les infirmiers, les prêtres, les personnes consacrées et les volontaires, les membres
de la famille et tous ceux qui s’engagent dans le soin des malades, participent à
cette mission ecclésiale. C’est une responsabilité partagée qui enrichit la valeur
du service quotidien de chacun.
7. C’est à Marie,
Mère de la tendresse, que nous voulons confier tous les malades dans leur corps et
leur esprit, afin qu’elle les soutienne dans l’espérance. Nous lui demandons également
de nous aider à être accueillants envers nos frères malades. L’Église sait qu’elle
a besoin d’une grâce spéciale pour pouvoir être à la hauteur de son service évangélique
du soin des malades. Par conséquent, que la prière adressée à la Mère du Seigneur
nous trouve tous unis en une supplique insistante, pour que chaque membre de l’Église
vive avec amour sa vocation au service de la vie et de la santé. Que la Vierge Marie
intercède pour cette XXVIème Journée Mondiale du Malade ; qu’elle aide
les personnes malades à vivre leur souffrance en communion avec le Seigneur Jésus
et qu’elle soutienne ceux qui s’occupent d’eux. À tous, malades, agents du monde de
la santé et volontaires, j’accorde de tout cœur la Bénédiction Apostolique.
Du Vatican, le
26 novembre 2017, Solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ Roi de l’univers